La transmission du virus se fait au moins autant par les mains que par les postillons. Le Pr Didier Pittet, infectiologue et épidémiologiste, lance un message d’alerte pour rappeler l’importance du geste simple de se frictionner au gel hydroalcoolique pour combattre la Covid-19. Un réflexe que le port généralisé du masque a pu parfois éclipser. Explications.

L’hygiène des mains, plus importante que le port du masque

Dans les lieux clos comme en extérieur, à l’école chez les enfants à partir de 6 ans, l’image la plus forte que l’on retient de la lutte contre la pandémie, c’est l’utilisation généralisée du masque. Pourtant, selon le Pr Didier Pittet, infectiologue, épidémiologiste, auteur de « Vaincre les épidémies » (ed. Hugo Doc), l’hygiène des mains devrait passer avant le port du masque. « Le port du masque est associé à un manque de respect des pratiques« , explique celui qui a popularisé la formule du gel hydroalcoolique. « Quand les personnes portent un masque, elles ont l’impression d’être protégées et de protéger autrui, ce qui n’est pas le cas. Cela protège de quelques émissions ou réceptions de postillons. Malheureusement, la transmission de ce virus se fait au moins autant, voire probablement davantage par les mains que par les postillons. Sauf lorsque les personnes infectées sont symptomatiques, testées positives et extrêmement contagieuses. La règle de base est de se placer à minimum un mètre de distance d’une personne. » Quand cette règle ne peut pas être respectée, c’est là que le masque est utile. A condition de bien l’utiliser. Il est nécessaire de se laver les mains avant de le mettre et d’éviter de le toucher. Car si on touche un objet contaminé avant de mettre le masque, on risque de souiller celui-ci et surtout son visage. De même, il faut se laver ou se frictionner les mains après avoir retiré son masque, puisque l’on utilise le masque pour se protéger de postillons éventuellement chargés de virus qui se seraient déposés dessus.

Le gel hydroalcoolique tue les virus en 15 secondes

L’infectiologue écrit dans son livre « Vaincre les épidémies » (ed. Hugo Doc), « si tout un chacun appliquait les gestes barrière, on pourrait régler cette épidémie. » Il nous explique : « Une personne malade se contamine les mains. Quand elle touche son environnement, elle peut le contaminer, une autre personne va toucher le même milieu et s’infecter. Le virus peut rester dans l’environnement de quelques heures à quelques jours, selon les conditions d’humidité et de température. Si vous vous frictionnez les mains régulièrement, vous pouvez tuer le virus en 15 secondes avec une solution hydro-alcoolique. C’est très bien documenté dans les épidémies de grippe. Une étude à l’hôpital a montré que l’on divise jusqu’à 5 les transmissions nosocomiales. » Poignée de porte, billet de banque, après avoir touché n’importe quel environnement collectif, il y a bien un risque d’infection au moment où vous portez les doigts à la bouche, au nez, ou si vous réajustez vos lunettes. Le seul bon réflexe est de se frictionner au gel hydroalcoolique. Pourtant, ce geste martelé dans tous les discours de prévention semble encore loin des attentes. « En Suisse, on a fait des évaluations de consommation de solutions hydro-alcooliques, elles sont à moins de 5% de ce qu’elles devraient être. Il y a encore du chemin à faire. » D’après l’évaluation du spécialiste, chaque personne devrait utiliser au moins un flacon de 100 à 150 ml par semaine pour son usage personnel.

Protéger ses mains

Pourquoi une telle frilosité ? La peur de s’abîmer les mains l’emporte parfois sur la peur du virus. Selon le Pr Pittet, quand on rapporte que les soignants se plaignent de mains « ravagées par les solutions hydroalcooliques », l’irritation des mains serait en réalité causée par le lavage des mains au savon et non par l’alcool. « Le savon s’attaque aux lipides de la peau, coupant les ponts qui relient les protéines entre elles, ce qui équivaut à décaper la surface de l’épiderme laissant s’échapper l’eau qui l’hydrate« , écrit-il dans son livre. « Le lavage des mains répétés au savon peut créer des lésions cutanées. » Au contraire des savons, l’alcool ne dissout pas les lipides. Les formules de solutions hydroalcooliques intègrent des émollients comme la glycérine pour contrer l’effet de dessèchement. « A l’hôpital, des études ont montré qu’avec un lavage au savon et à l’eau, les infirmières avaient 20 à 50 fois plus de risques de faire des réactions, de type « pseudo-eczéma » (mains sèches, irritées) par rapport aux solutions hydroalcooliques« , affirme le Pr Didier Pittet. Mieux vaut choisir une formulation sans parfum, celui-ci pouvant être allergisant. Selon le spécialiste, si certaines formules de gel peuvent être desséchantes, c’est qu’elles utilisent des émollients en quantité insuffisante, ou de mauvaise qualité. C’est pourquoi mieux vaut vérifier que le produit ait une certification EN. En cas d’eczéma, d’irritation ou de sécheresse cutanée, on peut appliquer une crème barrière qui protège l’épiderme à raison de deux ou trois fois par jour ainsi que des crèmes hydratantes nourrissantes.

Pas de phénomène de résistance

Enfin, le Pr Didier Pittet répond à la rumeur selon laquelle une utilisation massive de gel hydroalcoolique permettrait à des bactéries d' »apprendre à résister ». « Cela vient d’une étude australienne contre laquelle toute la communauté scientifique s’est indignée », remarque-t-il. « Ces chercheurs ont montré, non pas une résistance, mais une tolérance de certaines bactéries à une très faible concentration d’alcool (20% contre minimum 60% dans les solutions hydroalcooliques). Tous les microbiologistes le savaient déjà. Le fait d’utiliser les solutions hydroalcooliques dans les services hospitaliers depuis 25 ans n’a jamais été associé à une multiplication des germes multirésistants. Les bactéries n’ont pas de système de résistance à l’alcool, un phénomène que l’on a pu constater avec certains savons. »

A lire : « Vaincre les épidémies, de la prise de conscience aux gestes qui sauvent« , Pr Didier Pittet et Thierry Crouzet, ed. Hugo Doc

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