En 2020, les amoureux séparés par le confinement misent sur le numérique pour entretenir la flamme. Pour d’autres, c’est tout le contraire. Certains voient dans les sms un moyen convenable de mettre fin à une histoire d’amour. Ce choix de rupture, longtemps considéré comme l’emblème de la lâcheté du 21ème siècle, est bien plus commun qu’on ne le croit. D’autant plus quand les partenaires sont confinés à distance, et donc dans l’impossibilité de rompre en face à face. 

Le compte Instagram @tejpartexto, créé en 2019 par Audrey Gagnaire témoigne de ces ruptures brutales, en publiant des captures d’écran reçues quotidiennement par des abonnés aux cœurs brisés. Face au succès de ce compte, désormais suivi par plus de 200 000 personnes, un projet d’écriture est né. Paru en octobre 2020, le livre Tej par texto – L’art de la rupture 2.0 (Ed. Leduc) matérialise de nombreux témoignages d’anonymes, révélant avec ironie la face cachée des relations amoureuses à l’ère du numérique. 

Cette rupture d’un nouveau genre, aussi expéditive soit-elle, pousse à s’interroger. Peut-on s’y attendre ? Rompre par texto est-il acceptable ? Et, comment s’en remettre ? Éléments de réponse avec quatre témoins qui ont accepté de nous raconter ce jour, où il et elles, se sont faits quitter par sms. 

Alexandra, 22 ans : la rupture par sms post-confinement

“On s’est connus au lycée et on est resté 4 ans et demi en couple. On a fait la même prépa et on a vécu ensemble à Tours pendant un an. Il y avait beaucoup de hauts et de bas. Quand il m’avait loin des yeux, il m’avait aussi loin du cœur. On peut dire, je crois, qu’il était assez instable psychologiquement. J’essayais tant bien que mal de l’aider mais avec le temps, la relation ne tenait plus. Nous nous étions promis de faire des efforts, mais malgré tout, une certaine lassitude s’est installée. Le premier confinement s’est bien passé, on n’était pas ensemble mais on s’envoyait des messages régulièrement. Je l’avais invité à venir chez moi plus tard, ce qu’il avait accepté. Pourtant, plus le temps passait, moins il répondait à mes messages, esquivant totalement la question de sa venue. 

À partir de cette rupture – même si ça a été difficile – je me suis sentie étrangement beaucoup mieux

La rupture a eu lieu le 3 juin. Il était environ 19 heures, et je venais de terminer de manger avec ma famille. C’est là que j’ai reçu un sms de sa part, me disant qu’il ne viendrait pas. Je me rappelle m’être décomposée et avoir couru dans ma chambre pour l’appeler et essayer de comprendre. Il ne répondait pas à mes appels, et ne voulait absolument pas qu’on ait un échange de vive voix. Il faisait tout par écrit. C’était assez bizarre comme moment. Moi j’étais en larmes, et je lui lançais tout ce que j’avais sur le cœur, en désordre. Lui était très rude, très froid et me disait qu’il ne voulait plus être avec moi. 

Dans ma tête, j’ai pété un câble. Je me suis dit que c’est vraiment la fin. On a vécu tellement de choses ensemble que je n’arrivais pas à accepter qu’on se sépare. Pourtant quelque part au fond de moi, je savais que c’était mieux pour nous.

À partir de cette rupture – même si ça a été difficile – je me suis sentie étrangement beaucoup mieux. Et comme je ne suis pas du genre à me morfondre, j’ai commencé à rencontrer de nouvelles personnes grâce aux sites de rencontres, au bout de trois semaines. Mon entourage m’avait conseillé de prendre du temps pour moi et pour faire le deuil de la relation, mais ce n’était pas ce qui me correspondait. Je voulais tout de suite essayer de nouvelles choses.

Avec le recul, j’ai l’impression d’avoir essayé d’effacer tout ce qu’il s’était passé. C’est comme si mon cerveau voulait me protéger de tout ça : il ne voulait plus avoir de sentiments pour cette personne. Même si j’étais amoureuse, c’était mieux comme ça. Cette rupture est arrivée à point nommé. Elle correspondait à nos changements et m’a libérée.”

Elisa, 22 ans : en face ou non, c’est du pareil au même 

“On s’est rencontrés par amis en commun dans notre ville en Bretagne. Nous sommes restés ensemble pendant un an. Notre relation se passait soit très bien, soit très mal, ça dépendait. Il était assez possessif. D’ailleurs on s’était déjà séparés une fois, mais on avait fini par se remettre ensemble. 

La rupture est arrivée, il y a deux ans. Je me souviens m’être réveillée patraque car j’étais sortie la veille, et la soirée avait été bien arrosée. C’est là que j’ai reçu un message où mon copain m’écrivait que c’était fini. Il me quittait parce que « j’étais allée en boîte » : une raison qui ne tient pas debout. J’habite dans la même rue que mes meilleures amies donc nous nous sommes tout de suite vues, et j’ai passé ma journée à pleurer dans leurs bras. Je ne m’attendais pas à recevoir ce message, car ça ne faisait pas très longtemps qu’on s’était remis ensemble. Et puis de mon côté, j’étais très heureuse. 

J’ai fini par me dire que ce n’était pas plus mal, peu importe la façon dont ça a été fait. Je ne sais pas si j’aurais préféré qu’il me le dise en face… En fait, je ne me suis jamais posé la question de la rupture. C’était douloureux parce qu’on était amoureux, mais s’il m’avait appelée, ça aurait été pareil. Plus dramatique, peut-être. Mais ça n’aurait pas changé grand chose à la séparation.” 

Sonia, 27 ans : rompre par texto, un synonyme de lâcheté 

“C’était un client du resto où je travaille. Il venait souvent. Au bout d’un mois et demi, il m’a laissé son numéro, donc je l’ai appelé et on est sortis ensemble. Tout allait vraiment bien. Deux ou trois jours après notre rencontre, il m’a donné les clés de son appartement. Il m’a aussi présenté son fils. En plus, on habitait à 300 mètres l’un de l’autre. Bref, idyllique.

Je ne m’attendais pas du tout à être quittée de cette façon

Et puis un jour, il a arrêté de m’écrire. Ne sachant pas trop quoi faire ou quoi dire, je suis restée silencieuse aussi. Mais au bout de trois jours, j’ai fini par lui demander ce qu’il se passait et pourquoi il ne m’appelait plus. Sa réponse m’a laissée interdite : il a commencé à me parler d’un arrêt de travail que j’avais eu, et du fait que ça le gênait que je décide de ne pas aller travailler. Incompréhensible. D’une part, j’avais un rhume et comme on est en crise sanitaire, le médecin m’a demandé de passer un test Covid-19, et donc m’a mise en arrêt en attendant les résultats. Et d’autre part… et même si j’avais demandé cet arrêt ?

Au bout d’un mois, j’avais encore des affaires chez lui. Finalement on s’est vus : il est venu en bas de chez moi pour me rapporter mes affaires. Il n’en menait pas large. Il devait avoir honte de m’avoir quittée comme ça, c’est clair. Il avait essayé d’esquiver cette rencontre parce qu’il ne savait pas quoi dire en face. Et du coup, sa voix tremblait. Je ne m’attendais pas du tout à être quittée de cette façon, je pensais qu’il avait juste un petit moment comme ça. Mais au final, il voulait rompre, mais n’avait pas eu le courage de me le dire. 

C’était un peu difficile car on se voyait tous les jours, on avait nos petites habitudes. Mais ce qui m’a fait le plus mal c’est qu’on habite tout près l’un de l’autre : il aurait pu venir chez moi pour me dire tout ça et il ne l’a pas fait. C’est tellement lâche.

Personnellement, je ne le ferai jamais, sauf cas extrême. Avec le temps, je me dis que je suis plus heureuse comme ça. Et si ça m’arrive à nouveau, je sais à quoi m’attendre.”

Josselin, 23 ans : une rupture prévisible 

“Je l’ai rencontré en mai 2019, on travaillait tous les deux en Hollande à ce moment-là. On est devenus d’abord amis, puis à partir de mars cette année, nos échanges sont devenus plus… intenses et on s’est mis en couple en juillet. On avait un peu une relation à distance, car faisant le même boulot, et on était toujours en déplacement professionnel. On passait beaucoup de temps au téléphone, et on essayait malgré tout de se voir le plus possible. Avant d’être mon copain, c’était surtout un super ami. 

On a rompu à la fin du mois de septembre. J’étais en Belgique pour travailler et lui en Autriche. Lui, plutôt taiseux en général, ne me parlait plus depuis une semaine. Il ignorait même mes appels. Au final, j’ai reçu un message qui me disait que, malgré l’amour qu’il ressentait,  il ne se voyait pas être en couple en ce moment. Il préférait qu’on redevienne amis comme avant. 

Après ce silence d’une semaine, je me doutais que quelque chose n’allait pas. Est ce que je m’attendais à ce genre de message ? Honnêtement, oui, un peu. J’étais triste évidemment, parce que ce n’est pas le genre de sms qu’on veut recevoir. Mais je n’ai pas été en colère. D’ailleurs, sur le coup, j’étais content d’avoir de ses nouvelles car c’est quelqu’un qui compte énormément pour moi et je n’ai même pas considéré que c’était une rupture « par sms », vu que c’était un de nos moyens de communication. 

Je pense qu’il faut être compréhensif et qu’il ne faut pas en vouloir à la personne pour ça, c’est mon point de vue en tout cas. On est toujours en contact et on s’appelle régulièrement. On est même très amis. On parle de tout, de rien, et il me dit parfois qu’il est toujours amoureux de moi. Je pense que c’est réciproque. Sauf qu’en ce moment, il ne se voit pas avoir la responsabilité d’être en couple.”

  • Je suis un cœur d’artichaut
  • Voilà, c’est fini : “Plus amoureuses mais pas tout à fait amies”

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