Chanteuse, danseuse, créatrice de mode, ambassadrice de l’Unicef… Artiste prolifique, Poundo s’apprête notamment à dévoiler son premier album, disponible dès le 27 novembre. Rencontre avec une personnalité qui cultive son originalité, entre héritage ancestral et modernité.

Elle a noué des collaborations prestigieuses et nombreuses, de Marie-Claude Pietragalla au Cirque du Soleil, en passant par Alicia Keys ou encore Orelsan. Engagée, hyperactive et solaire, Poundo Gomis est également en passe de devenir la révélation de l’automne 2020. Cette artiste prolifique – que ce soit en tant que danseuse, compositrice, mannequin et chanteuse – vient de mettre en ligne le clip officiel de son dernier titre, O Wasso Wara. Son premier EP sortira, quant à lui, le 27 novembre. Nous rencontrons Poundo par un bel après-midi d’octobre, au café Mon Coco, situé place de la République. Elle nous réserve un accueil chaleureux et entreprend de garer sa trottinette électrique dans un recoin de l’établissement.

De sa passion pour la mode – elle arbore une veste de sa confection, et s’apprête à lancer sa propre ligne de vêtements – à son désir de transmission, la chanteuse franco-sénégalaise, qui préfère ne pas révéler son âge, évoque une myriade de projets. Et nous explique l’importance de se forger une identité propre, sans pour autant renier son héritage. «Nous sommes plus que ce que l’on nous fait croire, nous sommes plus que ce que l’on nous a vendu, scande-t-elle notamment dans le morceau We Are More. Nous sommes de l’or, forts, audacieux, loin d’être froids.» Un texte taillé sur-mesure pour cette chanteuse qui «n’a peur de rien» – sauf, peut-être, de la morosité.

Premier amour

Madame Figaro. – «Si vous vous attendez à quelque chose de basique, vous êtes au mauvais endroit», peut-on lire dans votre bio Instagram. Qu’est-ce qui fait votre originalité ?
Poundo. – C’est ma folie. Je n’ai peur de rien. Je porte une pointe de cheveux sur la tête depuis quatre ans, il faut le faire. C’est une coiffure inspirée d’une coupe ancestrale, que j’ai repérée sur une photo vintage prise au Mali. J’adore les costumes, l’extravagance. Je n’ai pas froid aux yeux. Quand je poste une photo sur Instagram, je ne me demande pas si les gens vont aimer. Si demain je décide de changer de coupe, de style ou de musique, je l’assumerais sur les réseaux sociaux.

Comment est née votre passion pour la danse ?
La danse est mon premier amour. C’était une évidence. J’ai commencé cette discipline à l’âge de 8 ans, au Conservatoire de Boulogne-Billancourt. J’avais opté pour de la danse contemporaine et du classique. En même temps, je suivais des cours de piano et de solfège, et j’ai intégré une chorale. Mes parents étaient dépassés. Mais j’arrivais à cumuler, alors ils ont joué le jeu. À 18 ans, je suis entrée dans une formation chant-théâtre-danse.

Comment cette passion est-elle devenue votre métier ?
Après ma formation, j’ai travaillé avec Marie-Claude Pietragalla, Jérôme Savary, le Cirque du Soleil, Alicia Keys… J’ai aussi participé à la dernière tournée d’Aya Nakamura et dansé durant un concert de Gims – j’apparais d’ailleurs dans son prochain clip avec Black M. J’ai dansé sur pas mal de plateaux télévisés, dans des comédies musicales, et pour diverses compagnies. La comédie musicale m’a progressivement ramenée vers le chant.

Le rêve américain

Vous avez vécu quelques années à New York et officié dans la comédie musicale Fela !, basée sur la vie du musicien Fela Kuti. Comment avez-vous atterri aux États-Unis ?
J’ai passé un casting à Paris et j’ai intégré l’équipe anglaise de Fela !. Puis, j’ai été sélectionnée pour participer à la tournée américaine, qui a duré un an. C’était extraordinaire. Il y a là-bas un véritable respect des artistes. Nous avons rencontré Prince, Stevie Wonder, Michelle Obama… Je n’ai jamais autant pleuré (rires). J’ai décidé de rester à New York. En France, quand on fait du chant et de la danse, on nous dit que l’on ne peut pas tout faire. Aux États-Unis, être prolifique est un atout. C’est là-bas que mes ailes se sont déployées.

Après cette expérience, vous êtes devenue rédactrice en chef mode pour les magazines Okayplayer et Okayafrica à New York…
Durant les deux dernières semaines de la tournée Fela !, je me suis blessée. Je tournais en rond. Je suis donc allée voir, en béquilles, le producteur du show. Je lui ai dit que je voulais vivre aux États-Unis. Mes parents m’avaient forcée à faire un diplôme de commerce international, je parlais plusieurs langues (anglais, espagnol, mandjak, wolof, français, NDLR), je connaissais le marché du théâtre en Europe… Je me suis dit que je pourrais aider. Il m’a dit qu’il allait réfléchir. J’ai quitté son bureau et il m’a rattrapée cinq minutes plus tard. Il était au téléphone, et disait : «Elle arrive !» Il m’a expliqué qu’il avait investi dans un webzine et qu’il cherchait une rédactrice en chef mode. Je lui ai dit que je n’avais pas de formation en journalisme. Il n’a rien voulu entendre et a hélé un taxi. J’ai rencontré mes futurs boss et ils m’ont dit : «Tu commences lundi.»

Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Je suis devenue rédactrice en chef mode d’une nouvelle colonne mode, qu’ils ont appelée «Prêt-à-Poundo». J’allais à tous les événements possibles, c’était pour moi une manière de rencontrer New York. Je me suis quand même retrouvée propulsée à la Fashion Week, en béquilles, au premier rang d’un défilé, à côté de la fondatrice de l’événement, Fern Mallis. C’est pendant cette période que j’ai appris à me réinventer.

Une future ligne de vêtements

Vous êtes férue de mode, et portez les tenues de divers petits créateurs. Comment choisissez-vous ceux avec qui vous collaborez ?
Cela doit être le coup de cœur. J’aime les pièces vraiment voyantes, colorées, qui racontent une histoire. La veste que je porte, en revanche, est l’un de mes prototypes. J’ai dessiné une ligne de vêtements qui sortira en 2021. On en voit quelques-uns dans mon dernier clip, O Wasso Wara.

Quelle place occupe la mode dans votre quotidien ?
Pour moi, ça représente tout. Je regarde sans arrêt ce qui se fait dans le cadre de la Fashion Week. Quand j’étais à New York, j’allais à 25 shows par saison. Je cite souvent cette phrase américaine : «Dress for the job you want.» Cela veut dire, «Habillez-vous en fonction de ce que vous avez envie de faire.» Même pour aller chez l’épicier, je suis lookée. Je ne peux pas sortir de chez moi habillée n’importe comment, «en mode Deliveroo», comme je dis. Pour moi, la tenue est le reflet de la personnalité.

En vidéo, « O Wasso Wara », le clip de Poundo

Conteuse d’histoires

Vous aimez vous qualifier de conteuse. Quelles sont les histoires que vous préférez raconter ?
J’aime les prophéties, les histoires un peu fantastiques. J’ai toujours eu une fascination pour les super-héros (Batman, Catwoman, Superman…). J’ai un côté très justice. Je suis quelqu’un de très loyal, et j’aime bien les costumes. J’adorais aussi les mangas quand j’étais petite. Dans mes clips, j’ai besoin que tout soit connecté, qu’il y ait un fil conducteur.

Pourquoi le faire à travers la musique ?
Je sais que l’on peut raconter beaucoup de choses à travers la danse. Mais la musique est l’étape supérieure. Grâce à la musique, j’utilise ma voix. J’utilise aussi le mouvement via la danse. Je me suis créé un personnage un peu fantastique. Je trouve que la musique, en termes d’émotions, est le meilleur moyen de s’exprimer.

Retour aux sources

Poundo est l’interprète des titres O Wasso Wara et We Are More.

Vous intégrez votre langue maternelle, le mandjak, à vos chansons. En quoi est-ce important pour vous de faire vivre votre héritage ?
Ce n’est pas important, c’est essentiel. Quand j’étais en France, je ne me posais pas de question. Mais en arrivant aux États-Unis, mon rapport à l’identité a complètement changé. J’ai senti les préjugés à mon égard. J’ai dit à l’une de mes amies : «Je ne me suis jamais sentie aussi noire. J’ai l’impression que mon poing se lève tout seul, parfois.» À cette période, j’ai eu besoin d’un retour aux sources. Je suis allée plusieurs fois en Afrique, surtout dans l’ouest et au Sénégal. Il y a un truc qui s’est reconnecté, je ne peux pas l’expliquer. Pour le spectacle Fela !, on défendait aussi un activisme, il y avait quelque chose de puissant, on avait l’impression de faire partie de l’histoire. Je me suis rendue compte que je ne pourrais jamais savoir qui j’étais vraiment tant que je ne savais pas d’où je venais. Maintenant, je sais pourquoi je fais de la musique.

Cette certitude vous donne-t-elle un sentiment de pouvoir ?
Je sens que j’ai un pouvoir. Je sens aussi que j’ai un devoir, de transmission, de mémoire, de généalogie. En faisant partie de la diaspora, on se rend compte que notre identité peut aussi être perdue. Parce qu’on a grandi ici, mais nos origines sont ailleurs… On se retrouve un peu entre les deux. Mes parents, par exemple, ont veillé à ce que nous connaissions nos origines et nos traditions. C’est pour cela que je parle le mandjak couramment. C’est cet héritage qui fait de moi ce que je suis. Je réalise aussi que j’ai la voix que ma grand-mère n’a pas eue à mon âge. J’ai envie de l’utiliser.

Qui sont vos modèles, vos inspirations ?
Ma mère, c’est une superstar. Elle a toujours fait preuve d’une certaine humilité, d’une véritable détermination… Elle a tout fait pour moi et mes frères et sœurs. J’ai un tel respect pour elle, ce n’était pas facile de quitter le Sénégal pour s’installer en France. Côté artistique, j’adore Grace Jones, Miriam Makeba, Oumou Sangaré… Michelle Obama est également une grande source d’inspiration pour moi.

Plus généralement, quel message souhaitez-vous faire passer à travers vos chansons ?
J’aimerais que tout le monde puisse se reconnecter à ses origines. Dans mes chansons, je ne m’adresse pas seulement à la diaspora africaine. J’ai envie que les gens se reconnectent à qui ils sont vraiment. Mon vrai combat, c’est aussi les femmes : leur éducation, et leur place dans la société.

L’éducation des femmes

Vous êtes par ailleurs ambassadrice Unicef pour la campagne «Ne m’appelez pas Madame», qui sensibilise contre le mariage infantile et l’excision des petites filles. En quoi cet engagement est-il important pour vous ?
L’an dernier, lors d’un voyage au Burkina Faso organisé par l’Unicef, je me suis rendu compte de l’impact du mariage forcé. Quand je suis arrivée, j’étais en colère. Ces filles n’ont pas accès à l’éducation, et elles sont trop jeunes pour avoir des rapports sexuels. Elles sont victimes de leurs époux. En même temps, c’est une pratique ancrée dans ces sociétés depuis des générations. Avons-nous déjà pensé à l’excision comme à un business ? C’est encore un métier pour certaines femmes. L’Unicef s’est donc engagé à les former à d’autres métiers. Quand les femmes seront éduquées partout dans le monde, il n’en sera que meilleur. J’ai d’ailleurs créé ma propre fondation, une ONG, pour soutenir cette cause. Un proverbe africain dit : Éduquer un garçon, c’est éduquer un garçon – éduquer une femme, c’est éduquer une famille, une nation.

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