Au moment où nous contactons David Foenkinos pour évoquer avec lui son nouveau roman, il passe l’essentiel de ses journées en tournage aux côtés de son frère Stéphane avec qui il coréalise (après l’adaptation de son best-seller La délicatesse et de Jalouse) son prochain film : Les fantasmes.
De cet érotisme scénarisé à l’intimité affective et familiale, il n’y a qu’un pas, joliment franchi dans les 225 pages de La famille Martin (sorti le jeudi 1er octobre 2020). Là, il s’agit, sur deux générations, d’un amour caché, d’orientations sexuelles peu compatibles, de lassitude du couple et d’adolescence difficile.
Des personnages rencontrés dans la rue
Le narrateur, comme l’auteur ex-lauréat du prix Renaudot, en panne d’inspiration et en recherche d’un sujet fort, a décidé de choisir ses personnages dans la réalité, et même dans la rue. Pari risqué, mais réussi.
Marie Claire : Allez-vous nous dire que vous avez trouvé vraiment vos personnages dans la rue ?
David Foenkinos : Oui… Avec la première personne sur laquelle je suis tombé. Une dame âgée, qui a accepté de me raconter sa vie, sa fille et son gendre acceptant ensuite – plus difficilement au début – de jouer le jeu eux aussi.
Le réel au service de la fiction
Vous avez quand même dû changer certaines choses, non ?
Le point de départ est vrai, c’est ainsi que ça s’est passé. Car je sais que les gens veulent qu’on raconte leur vie, je le constate chaque fois que je fais des signatures. Je n’ai basculé que plus tard dans la fiction, la base « vraie » étant acquise, en faisant quelques suppositions – très plausibles, je crois – à partir de choses qu’on m’a dites.
Craignez-vous leurs réactions à la lecture de votre livre ?
Non. Mon narrateur a un côté vampire, mais sans mauvaises intentions évidemment. Certes, les drames sont plus spectaculaires à raconter que le reste, mais en tout cas ils se reconnaîtront et ce livre les respecte – d’autant plus que j’ai changé leur nom en leur attribuant le patronyme le plus courant : Martin.
Son roman le plus intime
Et si, à votre tour, vous deviez livrer votre intimité ?
Eh bien, vous avez dû voir que c’est de loin mon livre le plus personnel et qu’avec mes interlocuteurs, nous tutoyant quand ils se sont confiés, j’ai compris que je ne pouvais pas prendre sans donner, sans parler de moi aussi, sur un plan personnel et professionnel. J’ai voulu faire un livre ludique, où je dévoile aussi les coulisses de mon écriture et une part de mon intimité.
Vous écrivez, page 48 : « Devenir écrivain est le destin des coupables »…
Oui, je confirme ! C’est une entreprise de justification sans fin. Et puisqu’on parlait de confidences : plus j’écris, plus je suis névrosé. Ce qui fait que je n’avance pas, je recule.
(*) La famille Martin, éd. Gallimard, 19,50 €.
Cet article a été initialement publié dans le numéro 818 du magazine Marie Claire, daté de novembre 2020.
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