Membre du parti nazi et haut fonctionnaire dans l’administration du cinéma du Reich, créée par Joseph Goebbels : la Berlinale a dévoilé de nouveaux éléments accablants sur le passé de son fondateur, Alfred Bauer. De premières révélations par l’hebdomadaire Die Zeit avaient déjà conduit le prestigieux festival de Berlin à débaptiser un de ses prix et à commander une étude à l’Institut d’histoire contemporaine de Munich (IfZ).
Un de ses historiens, Tobias Hof, a ainsi épluché les archives fédérales, celles de la Cinémathèque allemande et des documents à Washington. Ses recherches montrent qu’Alfred Bauer, fondateur et directeur de la Berlinale de 1951 à 1976, avait été un haut fonctionnaire de l’administration du cinéma du Reich. Cette administration avait été créée en 1942 par le ministre nazi de la Propagande, Joseph Goebbels, afin de contrôler étroitement la production cinématographique allemande.
Surveillance des membres du milieu cinématographique
Alfred Bauer, par ses fonctions encadrées par un SS, a ainsi « contribué au fonctionnement, à la stabilité et à la légitimation » du régime nazi, a déploré dans un communiqué la direction du festival, qui a rendu publiques ces révélations. Autre découverte : Alfred Bauer, mort en 1986 à l’âge de 74 ans, avait rejoint en 1937 le parti nazi (NSDAP) et a aussi frayé « avec ferveur » avec la milice paramilitaire S.A.
Le fondateur de la Berlinale aurait aussi joué un rôle clé dans la surveillance des acteurs, producteurs et autres membres de l’industrie cinématographique, selon l’institut d’histoire. Après la capitulation allemande, Alfred Bauer est parvenu à dissimuler ce passé, allant jusqu’à se présenter comme un opposant au régime nazi lors d’interrogatoires menés par les Alliés.
Falsifications
La co-directrice de la Berlinale, la Néerlandaise Mariette Rissenbeek, a qualifié d’« alarmants » les derniers éléments mis au jour et les efforts déployés par Alfred Bauer après la Seconde Guerre mondiale pour dissimuler son rôle sous le IIIe Reich malgré la campagne de « dénazification » menée par les Alliés. Il avait ainsi prétendu avoir été « obligé » de rejoindre dans les années 30 les structures nazies pour poursuivre ses études. Mais seule une « formation politique » et « certains services » étaient obligatoires, selon Die Zeit.
Alfred Bauer avait aussi falsifié des questionnaires et affirmé avoir perdu ses papiers lors d’un bombardement. Ces informations « constituent un élément important dans le processus de compréhension du passé nazi des institutions culturelles fondées après 1945« , a-t-elle ajouté. Mariette Rissenbeek a plaidé pour des investigations plus approfondies sur les racines de l’industrie cinématographique allemande et ses liens avec le régime nazi.
Une « dénazification » imparfaite
« Alfred Bauer fait partie de ces personnes qui ont su se réinventer après la guerre« , notait en janvier Die Zeit, convaincu que « quiconque n’était pas un SS dans un camp de concentration ou n’était pas particulièrement important pouvait espérer disparaître à l’ombre des grands crimes« .
Il faisait partie des millions d’Allemands qui ont trouvé une dictature fasciste aussi commode qu’une démocratie.Die ZeitAFP
L’Allemagne, malgré quelques procès emblématiques, n’a mené que de façon imparfaite la « dénazification« , permettant à de nombreux rouages du régime d’Adolf Hitler de passer entre les gouttes et de poursuivre leur carrière, notamment dans l’administration. Le prix Alfred-Bauer, remis par le jury de la Berlinale, une des principales compétition de cinéma en Europe avec Cannes et Venise, récompensait un film censé ouvrir de nouvelles perspectives dans l’art cinématographique. Par le passé, il a notamment été attribué au film d’Alain Resnais Aimer, boire et chanter (2014) et à Hero de Zhang Yimou (2003).
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