Un roi éteint au sommet de sa gloire. Le 28 août dernier, l’acteur américain Chadwick Boseman est décédé à l’âge de 43 ans, d’un cancer du colon. Récemment apparu très amaigi, le comédien se battait en secret contre la maladie depuis 2016.

Un décès d’autant plus tragique qu’il est survenu alors qu’il avait été révélé au grand public en 2018, avec un film fondamental, à la portée aussi bien culturelle que sociale pour le public noir : Black Panther, que TF1 diffuse ce dimanche 20 septembre à 21h. 

Black Panther, premier film Marvel d’envergure centré sur un super-héros noir

En jouant Black Panther, qui est en fait le prince T’Challa, Chadwick Boseman a incarné le premier super-héros noir d’envergure. Apparu en 1966, il s’agit aussi du premier super-héros noir issu de la grande maison de comics Marvel.

Au cinéma, Marvel l’a rattaché à l’équipe des Avengers, cet assemblage de super-héros (Captain America, Black Widow, Iron Man, Hulk, Dr Strange…) incarnant une certaine idée du Bien. Depuis une dizaine d’années, ils forment l’une des sagas cinématographiques les plus lucratives et adulées de l’Histoire, et sont portés par des acteurs emblématiques (Scarlett Johansson, Chris Evans, Mark Ruffalo, Robert Downey Jr…), tous érigés au rang d’icônes de la pop-culture. 

Chadwick Boseman n’était, cependant, pas le premier acteur noir à interpréter un super-héros Marvel. Anthony Mackie joue Le Faucon depuis plusieurs années. Si son personnage était jusqu’à présent secondaire, il va reprendre le flambeau de Captain America, et Mackie devrait donc gagner en importance parmi les Avengers.

Il faut aussi se souvenir de Blade, chasseur mi-humain, ni-vampire, joué par Wesley Snipes dans la trilogie du tournant des années 90-2000. Culte pour les amateurs du genre, elle a mal vieilli. Son reboot annoncé par Marvel, avec le grand Mahershala Ali, pourrait changer la donne. Tout comme le kitsch Spawn doit renaître en 2021 avec le talentueux Jamie Foxx. Mais le compte s’arrête là.

Réalisé par le cinéaste noir-américain Ryan Coogler, Black Panther a été le premier film Marvel centré sur un super-héros noir à avoir autant de succès au box-office, avec plus de 1,3 milliard de dollars de recettes.

Le Wakanda, royaume de l’excellence noire

En quoi s’est-il différencié ? Tout d’abord, Black Panther, aka T’Challa, est à la tête d’un royaume, le Wakanda, ce qui est inédit chez les Avengers.

Le Wakanda n’est pas un pays comme les autres. Situé en Afrique subsaharienne, c’est une sorte d’Eden très riche, doté de technologies très avancées, tirées du vibranium, un élément fictif dérivé d’une météorite ayant frappé le continent africain.

Craignant d’être envahi et pillé de ses richesses, le Wakanda vit reclus sous un champ magnétique protecteur. De quoi faire écho au pillage subi par de nombreux pays africains pendant les différentes périodes de colonisation. Le Wakanda est régi par un roi, surnommé le Black Panther, car il a accès à l’herbe-coeur. Don de la déesse panthère, elle permet de décupler les forces physiques.

Son nouveau monarque, T’Challa, joué par Chadwick Boseman, rentre d’une longue absence pour succéder à son père. S’il entend sauvegarder cette vie paisible, un adversaire de taille, le terrifiant Killmonger, incarné avec brio par Michael B. Jordan, vient menacer son règne. Cela l’oblige à redevenir le Black Panther, et enfiler la tenue de combat noire truffée de technologie, rappelant le félin.

Le film se démarque aussi par ses personnages féminins : la petite soeur de T’Challa, Shuri (Letitia Wright), est le génie scientifique du pays, tandis que la fière guerrière Okoye (Danai Gurira) est à la tête de la garde rapprochée du roi, entièrement féminine.

Le slogan du royaume, « Wakanda forever », ou « Pour le Wakanda éternel », est ainsi devenu un symbole de fierté noire, et de sentiment d’appartenance à une communauté, même si elle est imaginaire ici.

Chadwick Boseman, le Black Panther éternel

Riche, fort, beau, sage, doté d’outils technologiques de pointe, à la tête d’un pays noir prospère et indépendant, Black Panther symbolise le héros noir par excellence. En l’incarnant, Chadwick Boseman a offert un nouveau modèle de représentation et d’aspiration pour les spectateurs noirs, délaissés par Marvel.

Non seulement les déguisements de Black Panther se sont multipliés à la sortie du film, mais les fans réclamaient aussi à Chadwick Boseman de recréer avec eux la fameuse pose du Wakanda, les deux bras croisés sur la poitrine, poing fermé sur l’épaule opposé. Un signal de puissance, de fierté et de ralliement.

Cet engouement a bien sûr rejailli sur Chadwick Boseman. L’acteur, alors âgé de 41 ans, est devenu une idole du jour au lendemain, se confondant, aux yeux du public, avec son personnage.

En 2018, il s’est ainsi retrouvé en Une du Time, qui a eu cette formule de célébration : « Un héros se lève ».

« Les gens se trompent en pensant que la puissance de Black Panther ne découle que de son costume, avait déclaré l’acteur. Le personnage existe avec puissance, à l’intérieur de cette puissance. »

Les gens se trompent en pensant que la puissance de Black Panther ne découle que de son costume.

« Je n’ai pas eu droit à cela quand j’étais petit, avait-il regretté sur le plateau de Good Morning America. Voir ce film vous donne une certaine forme de confiance, partout où vous allez. »

L’Américain se révélait tout aussi bienveillant et inspirant que T’Challa. Il se rendait au chevet d’enfants malades, et s’érigeait contre le racisme.

Au Hollywood Reporter, Chadwick Boseman avait ainsi raconté avoir insisté auprès de la production pour que des personnages du film aient des accents africains, à commencer par Black Panther. « Pour moi, c’était quitte ou double. C’était un facteur important, et si on s’en débarrassait à ce stade, alors qu’allait-on retirer du film pour être sûrs que les gens se sentent à l’aise ? », avait-il expliqué.

Marvel, d’abord frileux, lui a finalement donné raison. L’équipe s’est basée sur le langage Xhosa, deuxième langue officielle d’Afrique du Sud après le zoulou, pour créer différents accents, avec l’aide d’un coach de langue.

Revendiquer sa culture et son héritage

Mais la force de Black Panther est aussi d’interroger les privilèges du Wakanda, et ses conséquences. À force de vivre retranché, le royaume a fermé les yeux sur les peuples noirs pauvres, discriminés et brutalisés qui en sont les descendants, à travers le monde.

Des figures comme Killmonger, qui a grandi pauvre aux États-Unis mais est originaire du Wakanda, réclament même que le Wakanda leur fournisse la technologie nécessaire pour se soulever. Il symbolise celui qui n’a pu bénéficier des richesses de son pays d’origine, et y voit une injustice. Un destin opposé à celui de T’Challa.

Plus qu’un « simple » film de super-héros, Black Panther explore les concepts-clés de réappropriation culturelle, d’héritage social et folklorique, ainsi que l’importance de la transmission de savoirs, et de la solidarité envers les plus opprimés. 

Autant de problématiques cruciales animant la nouvelle génération noire, qui subit encore massivement le racisme. Des questions de fond pour un film destiné au grand divertissement, devenu un véritable phénomène de société. 

Un deuxième volet de Black Panther avait été annoncé pour 2022. Son tournage aurait dû débuter en mars prochain. Une semaine à peine avant son décès, Chadewick Boseman était persuadé qu’il allait pouvoir reprendre son entraînement, selon The Hollywood Reporter. Disney et Marvel songent à lui trouver un remplaçant, mais exploreraient aussi d’autres pistes, comme centrer cette suite sur le personnage de Shuri.

  • Little Fires Everywhere, série haletante et réflexion passionnante sur la maternité et le racisme
  • Watchmen : pourquoi il faut absolument voir la série la plus nommée aux Emmy Awards

Source: Lire L’Article Complet