Le Premier ministre français Edouard Philippe a symboliquement remis dimanche au président du
Sénégal 
Macky Sall un sabre matérialisant l’histoire entre leurs pays, mais aussi l’engagement du président Emmanuel Macron à commencer la restitution à l’Afrique de son patrimoine.

En visite au Sénégal, le Premier ministre a remis à Macky Sall le sabre d’
Omar Saïdou Tall, une très belle pièce de fer, de laiton, de cuivre, de cuir et de bois avec son étui faisant partie des collections du Musée de l’armée à Paris.

«Première étape»

S’il ne s’agit pas encore à proprement parler d’une restitution, ce geste en est «la première étape», a dit le Premier ministre au cours d’une cérémonie à la présidence sénégalaise, en présence des descendants de l’ancien propriétaire.

Parmi des accords politiques ou commerciaux signés dimanche a été paraphée une convention prévoyant le dépôt du sabre au Musée des civilisations noires de Dakar pour cinq ans, le temps que soit rédigée en France une loi sur la restitution proprement dite. Le sabre se trouve déjà depuis plusieurs mois au musée de Dakar sous la forme d’un prêt.

«Nous sommes liés par l’histoire», a dit M. Philippe en faisant référence à la colonisation et aux relations privilégiées après l’indépendance du Sénégal, «et ce lien prend un accent particulier aujourd’hui».

Empire toucouleur

Il a rappelé qu’il conservait lui-même précieusement son sabre d’officier. «Le sabre qui nous réunit ici est infinement plus prestigieux que celui que je possède, c’est celui d’un grand conquérant, celui d’un guide spirituel… Le sabre d’un fondateur d’empire, l’empire toucouleur qui comprenait la Guinée, le Mali, le Sénégal actuel, c’est le sabre d’un érudit», a-t-il dit. «C’est un amateur de sabre qui vous le dit: sa place est bel et bien ici, au coeur de l’ancien empire toucouleur», a-t-il déclaré.

Erudit musulman et guide de l’importante confrérie des Tidianes, Omar Saïdou Tall, dit El Hadj Omar, fut à l’origine de l’empire toucouleur. Il combattit les troupes françaises de 1857 à 1859 avant de signer un traité de paix avec eux en 1860. Selon des historiens sénégalais, il disparut mystérieusement dans les falaises de Bandiagara (Mali) en 1864.

90.000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne en France

Son fils Ahmadou (1836-1897) lui succéda mais fut vaincu par les Français en avril 1893 à Bandiagara (Mali). C’est là que les Français s’emparèrent du sabre, à la lame de fabrication française et au pommeau en forme de bec d’oiseau, mais aussi d’autres pièces, des armes, des manuscrits et de l’or, selon les historiens.

Les collections publiques françaises renferment au moins 90.000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne. Plus des deux tiers – 70.000 – se trouvent au Quai Branly, dont 46.000 ramenés durant la période 1885-1960. Plus de vingt mille autres se trouvent dispersés dans de nombreux musées, y compris au Havre, dont M. Philippe fut le maire.

«Intenses et légitimes réclamations»

Le président sénégalais a rappelé que «depuis des décennies, les restitutions font l’objet d’intenses et légitimes réclamations» de la part des pays africains. Au cours d’un
discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, M. Macron avait souhaité que «d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique».

«Ce jour est historique. Voici que les descendants d’anciens belligérants se retrouvent et sympathisent comme pour signer définitivement la paix des braves», a déclaré le président sénégalais. «C’est symbolique. On nous l’avait prêté mais là on va nous le restituer», a dit à l’AFP le directeur du Musée des civilisations noires de Dakar, Hamady Bocoum. Comme d’autres présents à la cérémonie, il a dit attendre davantage. «On est prêt à tout prendre», a-t-il dit.

La restitution proprement dite, que ce soit d’un objet ou d’un groupe d’objets, doit donner lieu à une loi parce qu’ils appartiennent aux collections nationales et que la propriété en est «inaliénable et imprescriptible», dit-on à Matignon où on souligne que ces restitutions s’inscrivent dans une politique plus large de coopération culturelle.

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