C’était l’une des questions les plus attendues de l’entretien télévisé accordé par Président de la République ce mardi 14 juillet. Face à Léa Salamé et Gilles Bouleau, Emmanuel Macron a défendu son choix d’avoir promu Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, alors que ce dernier, entre autres désormais responsable de la direction générale de la Police nationale (DGPN), est actuellement visé par une enquête pour viol. 

Le respect de la présomption d’innocence comme argument

Face à la question posée par la journaliste Léa Salamé, au sujet de cette nomination qui choque, le chef de l’État a d’abord argué que les faits reprochés « remontent à beaucoup plus loin » que le début de son quinquennat. Un argument pour le moins bancal auquel il ajoute rapidement : « Je suis, de là où je me place, le garant de la présomption d’innocence. » « Il ne m’appartient pas d’en juger », a-t-il aussi dit à ce sujet.

Après avoir longuement listé les mesures et dispositifs en faveur de l’égalité femmes-hommes et contre les violences sexuelles mis en place dans la première moitié de son mandat, un paradoxe notamment pointé du doigt par beaucoup à l’aune du récent remaniement, le chef de l’Etat a souligné à plusieurs reprises : « Je respecte toujours l’émoi et la colère des causes justes et donc la cause féministe, je la partage, j’en ai fait un fil rouge de ce quinquennat. » 

« D’homme à homme » : la formule qui passe mal

Emmanuel Macron a indiqué ensuite avoir eu une discussion avec Gérald Darmanin « sur la réalité de ces faits et de leur suite » avant d’expliquer qu' »il y a aussi une relation de confiance d’homme à homme ». La formule, bien mal choisie dans un tel contexte, et que les communicants ont pris soin d’évacuer des extraits postés sur le compte Twitter du président de la République, n’est évidemment pas passée inaperçue.

Sur Twitter, collectifs féministes à l’instar du mouvement #NousToutes, internautes et certains élus politiques partagent leur consternation quant à ces mots qui renvoient fatalement à une solidarité masculine, un entre-soi contre lequel devraient lutter ceux qui affirment combattre pour l’égalité femmes-hommes. 

« Qui lui a suggéré cette phrase absurde qui défie les femmes et la justice ? », s’interroge une Twitto. « Et d’ailleurs, j’en ai parlé ‘d’homme à homme’ avec mon Ministre de l’Intérieur. Et on a conclu qu’on n’allait pas se laisser enquiquiner par les féministes, ces grincheuses, qui s’offusquent d’un banal échange de passe-droits contre des faveurs sexuelles », traduit ironiquement Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, ancienne ministre déléguée à la famille, et présidente de l’Assemblée des Femmes.

Marlène Schiappa, ancienne secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à qui est confiée désormais le portefeuille de la citoyenneté, et qui dépend de la place Beauvau et du ministère de Gérald Darmanin, fait se son côté bloc avec le chef de l’État et son ministre référent. Elle tweete : « Emmanuel Macron est le premier Président à ériger l’égalité femmes-hommes grande cause nationale, porter la diplomatie féministe, le grenelle des violences conjugales, le budget 3919… Oublier tout cela parce que le Président utilise l’expression d’homme à homme est ubuesque ! ».

Emmanuel Macron contre un « jugement de rue ou de réseaux sociaux »

« Si à partir du moment où quelqu’un est accusé, n’est pas jugé, il devient en quelque sorte la victime d’un jugement de rue ou de réseaux sociaux, parce qu’il y a une émotion – et je peux comprendre cette émotion parce que je partage la cause -, alors s’impose le choix politique et démocratique, de dire ‘celui-ci ou celle-là ne peut pas avoir de responsabilité politique’, notre démocratie change de nature, elle devient une démocratie d’opinion », poursuit Emmanuel Macron.

« Pour la France je veux le meilleur de notre pays, je ne veux pas le pire des société anglo-saxonnes », a-t-il ajouté en ce sens. Il conclut : « Aussi vrai que je crois à la force des causes justes, je pense qu’aucune cause n’est défendue justement si on le fait en bafouant les principes fondamentaux de notre démocratie ».

Pour rappel, mardi 9 juin 2020, la cour d’appel de Paris a ordonné la reprise des investigations sur l’accusation de viol portée à l’encontre de Gérald Darmanin par Sophie Patterson-Spatz. La plaignante indique s’être en 2009 tournée vers Gérald Darmanin, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), afin de faire annuler une condamnation de 2004 pour « chantage et appels malveillants » contre un ancien compagnon. L’actuel ministre aurait accepté d’intercéder en sa faveur en exigeant un rapport sexuel comme monnaie d’échange. Si le rapport sexuel en question n’est pas nié par l’avocat de Gérald Darmanin, c’est en revanche l’accusation de viol qui est contestée.

Bien qu’il avait bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire en 2018 après une enquête préliminaire, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a été contrainte de réexaminer la validité de ce dernier en novembre 2019, sous l’impulsion de la Cour de cassation. 

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