« Je n’ai pas encore fait tout ce que je voulais »: à 90 ans – 91 en août – Hugues Aufray revient avec un nouvel album, « Autoportrait », de l’énergie et des projets à revendre.

Avec lui, l’interview devient tourbillon. L’homme à la crinière argentée ne tient pas en place dans le salon de sa maison des Yvelines. Il se lève et prend la posture de Bob Dylan quand on lui a remis la légion d’honneur – Aufray est une des rares personnes que Dylan a salué dans l’assistance ce jour-là racontent les témoins – ou montre comment l’interprète de « Like A Rolling Stone » fait pencher son pied de micro sur scène.

L’entretien – généreux – terminé, il ramène le journaliste à la gare dans une Jeep datant du débarquement en Normandie en 1944, sous le regard éberlué des passants.

Le rencontrer, c’est toucher un pan d’histoire de la musique française – il a signé « Le Pénitencier » pour Johnny Hallyday d’après la version d' »House Of The Rising Sun » des Animals – et américaine. Il y a Dylan, donc, qu’il connaît bien et dont il a adapté en français les chansons.

« Certains disaient +Aufray fait n’importe quoi avec les textes de Dylan+ (rires). Mais la poésie ça se transmet, ça ne se traduit pas, la poésie est insaisissable », insiste-t-il, malicieux, auprès de l’AFP.

– Caisse de vin –
Outre un Prix Nobel de Littérature (Dylan), il a aussi rencontré un Prix Nobel de la Paix, Martin Luther King, avec qui il avait participé à un concert-évènement, dont il montre l’affiche.

« Quand j’étais jeune, j’étais allé à Harlem, on m’avait mis en garde, +tu es blanc, tu vas te faire casser la gueule+. Mais ce n’est jamais arrivé (rires) », raconte-t-il. La dernière chanson d' »Autoportrait » – « Y’a un homme qui rôde et qui prend des noms » – dénonce d’ailleurs le racisme, sur fond d’Amérique profonde gangrénée par le Ku Klux Klan.

Disponible vendredi, « Autoportrait » (Universal), avec ses titres folk et blues made in USA réinterprétés, est à l’image d’Aufray, débordant de vie et de ressources.

Jean-Baptiste Mondino devait réaliser la pochette. Mais le confinement a rebattu les cartes. La couverture, c’est finalement un autoportrait peint par l’artiste en 1999.

« Je suis un intermittent de la peinture », s’amuse-t-il. L’œuvre est au dos d’un panneau de caisse de vin, fendillé au milieu, ce qui confère un petit côté surréaliste. « Ca s’est décidé comme ça, mais ce n’est évidemment pas pour faire comme Dylan (rires) ». Le « Zim » avait sorti « Self Portrait » en 1970, avec son visage peint par lui même. Aufray est aussi fan de comics, en témoigne son grand tableau inspiré du « Fantôme », justicier masqué apparu dans les années 1930.

– Abbey Road –
A cause du confinement toujours, la chorale d’enfants prévue pour la chanson « Sur Les Péniches De L’Erie Canal » n’est pas là. Pas grave. La voix enfantine qu’on entend est celle de son arrière-petite fille de 8 ans, « enregistrée au téléphone ».

Avant la pandémie, il a retravaillé « Stewball », un de ses standards, dans le prestigieux studio d’Abbey Road, entré dans la légende avec les Beatles. Avec Michael Jones qui l’accompagne. « On a eu la visite de Jean-Jacques (Goldman, dont Jones est un des fidèles). Je l’avais connu à ses débuts. Jean-Jacques m’avait dit avoir appris le picking (technique de guitare) grâce à moi, pratique que j’avais ramenée des Etats-Unis. Je ne l’avais quasiment pas revu depuis. Jean-Jacques, j’aime beaucoup ce garçon, son comportement, sa vie, comment il mène sa carrière ».

Puis l’interprète de « Santiano » se met au piano – jouant un futur morceau qu’il demande de ne pas dévoiler – avant de nous entraîner à l’étage pour écouter la maquette d’un autre titre, là encore confidentiel. Preuve qu’il a encore le temps pour d’autres aventures.

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