Le quotidien est fait de ces choses éreintantes qui nous poussent dans nos retranchements. Savoir se prémunir et se remettre de ces moments de rupture est possible. Trois professionnels livrent leurs conseils.
Il est tard lorsque vous sortez du bureau. Trop tard même. La journée a été harassante, un marathon de 9 heures durant lesquelles rien ne se passe comme prévu, réunions compliquées, conflits… Le cocktail idéal pour un cerveau prêt à imploser et une tension élevée au moment de quitter le bureau. Que faire une fois rentrée chez soi pour soigner son cerveau, réellement décompresser et compenser ces instants énergivores ? Suivez le guide.
Prendre du recul
Pour Didier Pleux, docteur en psychologie, l’essentiel réside dans le fait de rompre avec ce qui est associé au côté négatif de la journée. Pour ce faire, il faut prendre du recul sur la situation actuelle et questionner son mal-être en bonne intelligence. On appelle ça la gestion émotionnelle. «Il faut abolir les injonctions, oublier les regrets et cesser de ressasser ce qu’on aurait dû faire ou non», précise-t-il. À la place, on opte pour une réflexion plus profonde sur l’éreintement. «Ça vaut toujours le coup de comprendre et de trouver l’origine de notre fatigue psychologique», ajoute Didier Pleux. Selon lui, cela évite aussi l’effet «double peine». Un échec – au travail ou non – ne doit pas être suivi du blâme que l’on a tendance à s’infliger. Ce qui revient à s’épuiser doublement et à investir son énergie dans le mauvais mode de pensée.
La méthode ABCD
Spécialiste en psychothérapie cognitivo-comportementale, le docteur en psychologie insiste sur l’importance de la méthode américaine ABCD dans l’étude de la gestion émotionnelle. Cette technique permettrait de revenir sur l’origine de quelque chose qui nous a dérangé, en quatre étapes.
A pour « Activating Event » : qu’est-ce qui a déclenché mon mal-être ? Cette question permet de diagnostiquer le fondement de notre trouble et de cibler ce qui a provoqué la souffrance.
B pour « Belief System » : qu’est-ce que je ressens à ce propos ? Cette partie sert à cerner ce à quoi fait écho cette blessure et ce qu’elle a entraîné en nous.
C pour Conséquences : qu’est-ce qui en découle ? Ici, on interroge ce que l’on ressent face à cette épreuve, si on trouve cela injuste, frustrant, et ce que l’on fait en réponse à ce trouble.
D pour Dispute : mes attentes sont-elles rationnelles et réalistes ? Une alternative est-elle possible ? On analyse notre hypothétique part de tort en remettant dans un autre contexte ce qui vient d’arriver, en l’envisageant sous un autre angle.
Face à un problème, cette méthode aiderait à se désolidariser d’une angoisse, d’un agacement routinier, en pensant autrement. Satisfaisant puisque ludique et humaniste, ce procédé de réflexion peut être un mécanisme à adopter après une journée difficile afin de faire table rase.
En vidéo, quelques façons d’évacuer son stress rapidement au bureau
S’autoriser le temps que l’on se doit
D’après Corinne Goodman, psychanalyste spécialiste de l’EMDR, une thérapie psychologique basée sur les sens comme la vue et l’ouïe, il est important d’être à l’écoute de ses besoins. «Il est bon de se dire : je me dois deux heures par semaine», nous confie-t-elle. Aussi, la professionnelle préconise de «s’accorder un moment pour soi, d’écouter ses envies, de ne pas avoir peur de faire des activités qui vident la tête de temps à autres, et ne pas culpabiliser».
Selon elle, la méditation et les principes de relaxation permettent de prévenir la fatigue routinière. «Prendre des cours de yoga et de méditation pendant la semaine, c’est toujours bénéfique. Pour ceux qui n’ont pas le temps, il existe des alternatives comme les applications sur smartphone.» On pense notamment à CALM ou Petit Bambou. Si votre quotidien se conjugue avec trafic autoroutier ou transport en commun, une partie de ce temps peut être mis à profit pour quelques exercices pratiques de relaxation.
«La respiration occupe une place importante dans la relaxation. Il existe des méthodes très efficaces pour gérer son stress et ses angoisses, comme la cohérence cardiaque», nous informe la spécialiste. Flirtant avec la sophrologie cette technique consiste à suivre un rythme respiratoire précis. En vue d’initier les profanes à cette pratique, l’application RespiRelax+ a été développée. Elle offre aux usagers une expérience sous différents programmes, courts et longs.
Prévenir l’état de fatigue
Apprendre à décrocher
«Pour se prémunir du burn-out, il est important de s’imposer des limites et de prendre le temps de décrocher de ses impératifs. Dans le cadre d’un problème d’anxiété de performance, il ne faut pas avoir honte d’admettre l’impossibilité et d’en parler à ses collègues et ses supérieurs», conseille Céline Tran.
Céline Tran (1), médecin psychiatre et psychothérapeute, invite quant à elle ses patients à dresser la liste des activités qui ressourcent et celles qui épuisent. Pour elle, tout est une question d’équilibre. «Être éreinté ne constitue pas un problème en soi, il faut simplement apprendre à gérer cet état de fatigue et savoir alléger son emploi du temps en fonction.» Les listes sont importantes pour ça, elles permettent d’établir un quota de tâches à ne pas dépasser dans le cadre d’un épuisement, et des alternatives à s’octroyer afin de récupérer. «Dans le cadre d’une journée épuisante on peut venir piocher dans la liste d’activités ressourçantes. Quand je sors du travail, j’arrête de regarder mon portable si cela me stresse et je me focalise sur ce que j’aime, je sors avec des amis si cela me fait du bien, je mange quelque chose qui me plaît…» La médecin préconise de toujours faire attention à l’excès : «Il est important d’apporter de la nuance à ses réflexions et dans ses activités. Faire le ménage chez soi pour se sentir mieux, c’est bien, mais il ne faut pas que ça pallie un mal-être et que ça devienne un besoin compulsif».
Cette idée de liste se retrouve dans ce que Céline Tran propose pour lutter contre le stress du retard et du manque d’organisation : le planning. «Certes un peu rebutant, coucher sur le papier des objectifs définis est très bénéfique et permet d’éviter la procrastination, qui est destructrice pour le moral, de faire le point, et de se centrer sur des objectifs réalisables», explicite-t-elle. En planifiant, on peut se rendre compte de ce qui ne va pas au lieu d’enterrer le problème. On fait face au conflit et on apprend à déléguer ou à expliquer clairement les choses qui ne vont pas.
(1) Céline Tran est l’auteure, avec Claire Mizzi, de Votre meilleur ami, c’est vous, aux éditions l’Iconoclaste, 240 p., 21,90 €.
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