Revoir ses proches, dîner en bonne compagnie, se laisser entraîner par un roman ou bercer par la musique… Ces petits plaisirs du quotidien sont les clés pour retrouver forme et sérénité. Les explications du professeur Gilbert Deray, chef du service néphrologie à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière et auteur de Choisissez votre destin (épi)génétique (J’ai Lu).

ELLE. Comment effacer les mauvais effets du stress accumulé au cours des derniers mois ?

Gilbert Deray : Cette période a été inconfortable et anxiogène pour tous : les problèmes de couple ont augmenté, ceux qui vivent seuls se sont sentis encore plus isolés… Beaucoup plus que d’ordinaire, la gestion du stress est cruciale. Ruminer nos pensées négatives augmente, entre autres, le risque d’Alzheimer et de maladies cardio-vasculaires. Il faut donc raison garder et rationaliser notre vision du monde. Si le Covid 19 a jeté une ombre sur nos vies, nous devons y réinjecter du positif : considérer que l’on est en train de vaincre le virus, que si une deuxième vague arrive, nous serons mieux armés, se féliciter de la solidarité nationale qui s’est exprimée et se dire que nous allons travailler à la construction d’un civisme européen… Espérer ! 

ELLE. Comment agir sur notre environnement personnel ?

GD : Si la santé a une dimension politique, en ce sens qu’elle dépend en partie des moyens alloués aux soignants, elle se joue aussi largement au niveau du soi. Au sein de chaque famille, il convient de réinstaurer du lien, notamment avec nos aînés. La perte de contact visuel et verbal pendant des semaines a eu un impact dramatique sur nos anciens. Plus encore, le contact physique doit être rétabli : la peau est vectrice de santé. Elle est composée de centaines de milliers de récepteurs qui s’activent lorsque quelqu’un vous touche, sécrétant sérotonine, ocytocine, dopamine… Autant d’hormones impliquées dans l’opposition aux effets du taux de cortisol, celle du stress. D’autre part, pour aller bien, l’estime de soi est vitale : or, ces dernières semaines, plus de la moitié des Français ont pris du poids. Chacun gagnera à s’occuper à nouveau de son apparence, de son corps…

ELLE. Quelles habitudes adopter au quotidien pour retrouver la forme ?

GD : En premier lieu, diminuer les moments dédiés à s’informer : l’actualité est source d’angoisses. Par ailleurs, nous avons passé trop d’heures à visionner des vidéos, comme le reflètent les performances des plateformes numériques. En particulier en cette période d’anxiété accrue, manger devant un écran n’est pas à recommander : cela diminue le plaisir et retarde le sentiment de satiété. À l’inverse, ces derniers augmentent lorsque vous déjeunez ou dînez avec quelqu’un, avec pour conséquence la chute de votre niveau de stress.

Il faudrait réallouer une partie de notre temps à la lecture, antistress puissant : lire pendant six minutes divise le taux de cortisol par deux… Ne négligeons pas non plus la musique, loin de se cantonner à un art purement récréatif : en plus de constituer, elle aussi, un levier puissant contre l’anxiété, elle a, entre autres, des propriétés antalgiques, améliore la qualité du sommeil, aide à combattre la dépression…

Autre point : si on a l’habitude de se lever à 7 heures, le mieux est d’éviter de dormir une heure de plus, au motif qu’on ne reprend pas encore le chemin du bureau. Pour garder la notion du temps, notre cerveau a besoin de régularité.

ELLE. Quel est votre regard sur le télétravail ?

GD :  S’il a ses avantages, il ne remplace pas tout : le lieu du travail a son importance. Il est crucial de sortir de chez soi, d’échanger avec ses collègues : les entendre évoquer leur famille, leurs problèmes et leurs plaisirs aide à s’extraire de son isolement et fait baisser, là encore, le niveau de stress. Le télétravail ne peut pas être une solution unique à long terme : il faut discuter, rire, avoir des projets avec ses équipes… Bien sûr, tout cela implique, à la base, un cadre professionnel un minimum bienveillant : un environnement toxique est délétère pour la santé.

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