Une Pomme ne tombe jamais loin de son arbre. La chanteuse use
à nouveau de sa voix singulièrement douce et puissante pour chanter ses Failles qui ont donné son nom à son second album, et qui constituent sa trame. Pour présenter ce second opus, qui se fond parfaitement dans la mélancolie de l’automne, plus acoustique et sombre que le premier, Pomme revient pour 20 Minutes sur la création des chansons.
Tu as entièrement écrit les 11 chansons de cet album, certaines sont sombres, d’autres lumineuses. Sont-elles le reflet de ce que tu vis aujourd’hui ?
Ma vie actuelle est plus lumineuse. Cet album m’a vachement aidé. Des choses qui me faisaient de la peine et sur lesquelles j’ai écrit des chansons, sont moins violentes parce que j’ai posé des mots dessus. Les failles c’est un peu une manière de me faire comprendre que c’est OK de, parfois, échouer, de faire des erreurs, d’avoir des failles justement.
Peut-on parler d’une thérapie par l’écriture ?
Oui, je pense que pour tous les artistes qui écrivent, composent, parlent de choses assez intimes c’est une thérapie en quelque sorte. Ça aide à aborder des choses que je n’aborde pas forcément dans des conversations avec mes potes ou mes proches. Je suis un peu en PLS quand je dois parler de mes émotions, de ce que je ressens, et l’écrit m’aide.
Et penses-tu que tes chansons peuvent faire du bien à celles et ceux qui écoutent ?
Je n’ai pas beaucoup de prétention parce que j’essaie de me faire du bien à moi-même et je me dis que si ça fait du bien aux gens c’est cool. Ma phobie c’est d’avoir la grosse tête, je ne pourrais jamais dire que mes chansons font du bien aux gens. J’essaie juste d’écrire des chansons sans me demander ce que les gens vont en penser, c’est la base de mon processus, et sur cet album, je n’ai fait aucune concession, j’ai écrit pour moi.
Ne redoutes-tu pas que cet album se détache trop vite de tes ressentis actuels ?
Non pas du tout. Je n’avais pas tout écrit dans le premier, il y avait des trucs qui rapidement me lassaient parce que ça ne me ressemblait pas à 1.000 %. Dans le premier album, il y avait plus de complexité, et moins de liberté, je n’avais pas pu totalement faire ce que je voulais. Alors que là, dans la mesure où j’ai tout écrit ça a été assez fulgurant, et ça va être difficile, je crois, de me lasser. En tout cas, je vais l’assumer toute ma vie parce qu’il me ressemble.
Dans ce second album, tout comme le premier, le thème de l’obscurité est très présent. La nuit est-il le meilleur moment pour composer ?
Dans le noir, en dehors de la nuit, il y a un truc où tu trouves une certaine protection. Je ne compose pas dans le noir, mais dans l’obscurité il y a cette intimité, le truc de se cacher et de ne pas tout montrer. Et parfois c’est plus facile… C’est vrai que la nuit revient beaucoup dans mon album parce qu’elle m’a toujours fait un peu peur. Je n’ai jamais fait beaucoup de soirées, la nuit c’est là où tous mes potes font des activités. Mais moi je diffère d’eux. Il y a mon chez-moi, avec ma perception du monde, et l’extérieur, pour moi, c’est un peu effrayant. Se réunir et faire la fête à l’extrême la nuit, je ne me sens pas du tout appartenir à ça. Je parle souvent de ce thème-là parce que ça me fascine un peu, je vois la nuit comme un ennemi et pas comme quelque chose que j’apprivoise.
De quoi parle la chanson « Les oiseaux » ? Une reconstruction de soi ? Un amour retrouvé ? Ou bien un deuil pas encore passé ?
Je trouve ça cool que les gens se fassent leur propre interprétation des chansons, et qu’ils ne se sentent pas honteux de s’être trompés sur les significations. Chacun interprète en fonction de son vécu.
Cette chanson est adressée à la ville de Montréal qui, pour moi, a été super-apaisante, qui m’a calmée et je me suis beaucoup trouvée là-bas. J’avais ce besoin de mettre une chanson sur cet endroit dans mon album mais c’est vrai que ça parle aussi d’une histoire d’amour, avec une idée de parler à la ville comme si elle était une personne.
Il ne fait pas partie de l’album, mais en juin, 2019, un titre en faveur d’urgence homophobie est sorti. Pourquoi as-tu décidé de prendre part à ce combat ?
J’ai plusieurs combats, les plus importants sont l’écologie, le féminisme et la cause LGBT +. Je veux faire des choses concrètes parce que, quand on fait de la musique parfois on se demande à quoi on sert dans la vie parce qu’on se fait du bien à soi-même, on parle de soi en permanence.
J’avais envie de concrétiser et de donner un peu de visibilité et d’argent à une association, et celle-ci me touche particulièrement parce qu’à la base elle s’est créée suite à des événements en Tchétchénie et ça m’a complètement traumatisé cette histoire, à tel point que j’ai commencé à regarder l’état des lois et de l’acceptation de l’homosexualité dans le monde.
Dans « Grandiose » tu évoques la douleur de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Est-ce que cela t’obsède ?
Je pourrais en avoir. Ce qui m’a obsédé, c’est plus le fait d’en avoir et que ce soit conforme à ce que les gens attendent de moi. J’ai toujours voulu avoir des enfants, mais il y a eu des jours ou je me réveillais et je me demandais si j’en avais envie parce que la société me dit qu’en tant que femme il faut que j’en aie un, ou est-ce que j’ai réellement envie.
C’est plus un écrit de moi à moi-même parce que dans les faits je peux, mais c’est une interdiction que je me mettais moi, dans l’idée de ne pas être conforme à ce qu’on attend d’une famille hétéro normative, ces normes que l’on voit dans les médias et à la télé.
La dernière chanson de l’album, La chapelle, on entend uniquement des vocalises. Pourquoi ce choix ?
J’ai appris à chanter dans une chorale, j’ai aussi eu une éducation très chrétienne donc j’ai beaucoup interprété des chants d’église… En 2018, j’étais en cette résidence et il y avait une chapelle qui sonnait très bien. Et comme j’étais seule, avec cette idée de faire cet album juste pour moi en me foutant complément de ce que les gens allaient penser… Je faisais beaucoup d’exercices d’improvisations et d’écriture automatique, pareil avec la voix, je m’enregistrais et finalement j’ai mis ça dans mon album, cette espèce de vocalise complètement libre parce que je trouvais que ça résumait bien aussi l’état d’esprit dans lequel j’étais quand j’ai fini l’album.
C’était important de me dire : je sors un album et je mets ça dedans, juste parce que ça m’apaise.
L’album est entouré et animé (notamment sur Instagram) par le biais d’un personnage illustré par Ambivalently Yours. Ce personnage te ressemble-t-il ou est-ce un mirage de Pomme « l’artiste » ?
Celui sur la pochette, c’est plutôt moi, l’artiste l’a vraiment dessiné dans l’optique qu’il ait des ressemblances avec mon visage, ma coupe de cheveux et des traits plus ressemblants.
Les autres, sont des facettes de moi, avec l’illustration des chansons. Chaque chanson à son avatar, mais n’ont pas pour vocation de me ressembler. Ils illustrent ce que disent les chansons.
J’ai envie que tout le monde puisse s’identifier dedans, que ce soit des garçons, des filles, pas juste moi sur des illustrations. J’avais envie que ce soit quelque chose d’universel, et qui parle à tout le monde, que celui ou celle qui le regarde puisse se dire « ah bas c’est un peu moi ».
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