A l’occasion de la diffusion sur France 2 de Madame Bovary de Claude Chabrol, focus sur les différentes adaptations du roman culte et scandaleux de Gustave Flaubert. De Jean Renoir à Anne Fontaine en passant par Vincente Minnelli…
Tout chef d’oeuvre littéraire qui se respecte s’est vu décliner dans de nombreuses versions télévisuelles et cinématographiques. Madame Bovary n’y a pas échappé avec une quinzaine d’adaptations depuis 1932. Jean Renoir, Claude Chabrol ou encore Anne Fontaine ont eu l’audace de se frotter au roman à scandale de Gustave Flaubert paru en 1857.
La toute première adaptation date donc de 1932 et se nomme Unholy Love, qu’on pourrait traduire par « Amour impie ». Réalisé par Albert Ray, le film est porté par Lyle Talbot, Joyce Compton et Lila Lee, et transpose l’histoire de Madame Bovary à New York. Une version vite oubliée puisque un an plus tard sort l’adaptation de Jean Renoir.
Valentine Tessier y trouve son premier grand rôle et donne la réplique à nul autre que le frère du réalisateur, Pierre Renoir. Dans une lettre adressée à son ami et collaborateur Robert Hakim en 1946, Jean Renoir revient sur sa vision de l’oeuvre de Flaubert et sa volonté, par le medium du film, de creuser la psychologie du personnage : « Nous devons tenter de tirer une morale des expériences émotionnelles de l’infortunée Emma. Flaubert y parvient fort bien par le biais du roman car il profite pleinement du commentaire et de la description. Un film étant limité au dialogue et à la photographie, il nous faut trouver un autre moyen pour mettre en évidence cette morale. »
En 1949, Vincente Minnelli met en scène sa propre version de Madame Bovary avec Jennifer Jones dans le rôle-titre. Cette fois, l’histoire est racontée du point de vue de Gustave Flaubert, lequel rend des comptes sur son roman « immoral » devant un tribunal et en justifie le contenu, prenant la défense de son personnage principal. Le réalisateur dira de l’héroïne : « elle vivait constamment dans un monde imaginaire, elle voulait que tout soit beau, et cependant autour d’elle, c’est le bourbier. Elle refusait cette situation et vivait au-delà d’elle-même, au-delà de ses moyens, Jennifer Jones voyait le personnage comme moi et fut excellente, parce qu’elle est elle-même une Emma Bovary, pleine de contradictions, très romantique. »
Deux ans après la version de 1991 de Claude Chabrol avec Isabelle Huppert sort l’adaptation la plus appréciée par la critique : Val Abraham. Récompensé au Festival international du film de São Paulo, le film est signé du réalisateur portugais Manoel de Oliveira et est tiré du roman d’Agustina Bessa-Luís, version moderne de Madame Bovary. Le critique Philippe Piazzo de Télérama dira : « la plus belle adaptation de Madame Bovary. Parce qu’Oliveira, pour respecter Flaubert, bien entendu l’a trahi. Il a entièrement fait sienne cette histoire. Et n’a gardé que l’essentiel. »
Après une adaptation indienne, britannique et quelques références dans le Grégoire Moulin d’Artus de Penguern, vient la version d’Anne Fontaine : Gemma Bovery. Sorti en 2014, le long-métrage est tiré du roman graphique du même nom de Posy Simmonds, librement inspiré du roman de Flaubert. On y suit Fabrice Luchini en boulanger normand passionné de littérature et en particulier de Gustave Flaubert, voyant débarquer dans son village un couple d’anglais, Gemma Arterton et Jason Flemyng, dont les comportements semblent tout droit sortis de Madame Bovary. Un rôle taillé sur mesure pour le comédien qui justifiera ainsi son choix de jouer dans le film : « J’ai aimé sa singularité. Il ne s’agissait pas d’illustrer le « Madame Bovary », de Flaubert. Mais de multiplier les allers-et-retours entre le roman et la fiction contemporaine. Faire passer Flaubert en contre bande, comme Molière dans Alceste à bicyclette. C’est la même démarche : on va chercher des textes et on les ressuscite dans une autre vie. Anne Fontaine – et d’une certaine façon Posy Simmonds dans sa BD – a eu le génie de ne pas aborder Flaubert de front. Elle prend le complet contrepied de l’adaptation de Chabrol. »
Enfin en 2015, c’est au tour de Mia Wasikowska de se glisser dans le costume d’Emma Bovary. Cette adaptation classique de Sophie Barthes se concentre sur une seule année de la très jeune héroïne : « Elle est à peine entrée dans l’âge adulte qu’elle enchaîne déjà toute une série d’erreurs d’appréciation qui vont la précipiter dans cette spirale de l’autodestruction. Il s’agit d’une jeune femme naïve et vulnérable, vivant dans un monde de projections et de fantasmes, qui va se faire dévorer par cette envie irrépressible d’accéder au plaisir« , explique la réalisatrice.
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