À partir du 11 mai, la réouverture progressive des écoles aura lieu dans le respect des gestes barrières avec un protocole strict, dévoilé par le ministère de l’Éducation nationale, ce lundi 4 mai. Un protocole examiné à la loupe par une institutrice.

Pour cette première phase de déconfinement, seules les crèches, les écoles et les collèges ouvriront leurs portes, à compter du 11 mai. Un retour qui se fera « partout sur le territoire et, sur la base du volontariat » comme l’a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, ce lundi 4 mai. Pour suivre cette annonce, un nouveau protocole sanitaire a été dévoilé sur le site officiel du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Un protocole qui ne semble pas convaincre les parents mais également les instituteurs.trices, comme Elise Morreau*, qui s’occupe des classes de CP. Elle observe des invraisemblances et ce, dès la première page du document. “Les prescriptions sanitaires insistent sur la nécessité́ de faire respecter cette distance minimale tout en tenant compte de la difficulté́ que cela peut représenter, notamment pour les classes de maternelle”, souligne l’institutrice.

Un apprentissage limité

Pour réduire au mieux la propagation du virus, les classes seront restreintes à 15 élèves maximum. Au sein du protocole, d’autres mesures draconiennes sont mentionnées comme le respect d’une distance d’un mètre entre les personnes, aux abords de l’école, dans les couloirs, en classe, sous le préau, dans les sanitaires ou encore pendant la récréation. On y lit également que les récréations seront échelonnées, le matériel de manipulation collectif et les jeux proscrits. “Ce sont les mesures de prévention individuelles les plus efficaces, à l’heure actuelle, contre la propagation du virus », indique le protocole. Néanmoins, toutes ces restrictions poussent l’institutrice à s’interroger sur le maintien de la fermeture des écoles qui « peut s’avérer être une mesure de prévention efficace elle aussi. ».

Des règles difficiles à faire respecter

Parmi ces gestes barrières, il y a bien sûr, le lavage des mains régulier. Il doit durer au moins 30 secondes et doit se faire “à minima” 6 fois par jour, à des temps spécifiques listés par le protocole.

Toutes les précautions ont été prises pour que les enfants adoptent ces gestes, comme les affiches sanitaires qui figurent dans les sanitaires ou encore les gels hydroalcooliques, à la portée des écoliers. Mais ces règles peuvent s’avérer plus difficiles à faire respecter aux plus petits. « Je pense aux classes d’élémentaire, dont certains élèves de CP sont encore très jeunes, puisque c’est ma situation, mais notre école comprend également des classes de maternelles, pour qui ces mesures seront plus difficiles à appliquer et demanderont un accompagnement systématique des adultes. Pour les plus jeunes, ces pratiques vont se révéler extrêmement chronophages et à nouveau, limiter d’autant les apprentissages que doit normalement porter l’école», indique Elise Morreau.

Des situations imprévisibles

Toujours dans le respect de ces gestes barrière, il est question du port du masque (grand public), obligatoire pour les adultes de l’école “dans toutes les situations où les règles de distanciation risquent de ne pas être respectées”, comme l’indique le protocole. Pour le personnel scolaire et les instituteurs.trices, deux masques par jour sont prévus pour garantir leur sécurité, ce qui n’est pas assez. « Si à un moment donné je pense pouvoir maintenir durablement la distance d’un mètre, je peux envisager de retirer mon masque, pour sourire à mes élèves, pour me faire mieux entendre, pour communiquer que c’est un temps un peu moins encombré d’obligations que nous allons partager. Mais surtout, travailler dans l’humain, encore plus lorsqu’il s’agit d’enfants, rend un nombre important d’événements du quotidien imprévisibles. Il faudra alors garder les idées claires et penser en priorité à replacer mon masque rapidement avant de réagir », souligne l’institutrice.

Une distance de sécurité impossible à maintenir

Il est demandé que les déplacements soient “limités au strict nécessaire, organisés et encadrés”, ce qui implique la présence adulte, le professeur a priori, donc des déplacements par groupe ; selon les effectifs annoncés par le gouvernement, à savoir des groupes limités à 15, ce mode de déplacement est peu propice au respect des distanciations. « Bien sûr, laisser des groupes d’élèves se déplacer seuls est interdit en tout temps. Les récréations doivent se faire par classe : il n’y a donc que le professeur dans la cour avec ses élèves. En cas d’accident, faudra-t-il abandonner son groupe pour porter secours à un élève blessé, ou même le temps d’aller chercher du renfort ? Inutile de préciser que le temps de récréation, pour les adultes qui en temps normal organisent un roulement de surveillance entre eux, est aussi un temps de pause ou de préparation matérielle des apprentissages à venir », indique l’institutrice

Il est précisé cependant qu’en cas de difficulté d’organisation, ce temps pourra être remplacé par une pause en classe entre les cours. Une initiative difficile à faire respecter selon Elise Morreau : « des enfants de qui on exigera de rester assis pendant une heure et demie ne sauront se contenter d’une pause en classe, qui implique de ne pas se déplacer. »

« Il ne s’agit plus d’une école, mais d’ouvrir une garderie à la carte »

Les enfants qui feront leur retour à l’école ne retrouveront certainement pas le cadre scolaire qu’ils avaient quitté. « Il est probable que tous ces changements inquiètent également les enfants qui ne reconnaîtront pas beaucoup de nos attitudes. »

Une situation inédite qui peut perturber les élèves, d’autant plus avec les nouvelles restrictions auxquelles ils devront se plier. « Le retour à l’école étant laissé au volontariat des parents, l’argument social avancé par les responsables politiques tombe de lui-même. Il ne s’agit plus d’une école, mais d’ouvrir une garderie à la carte. Le Conseil scientifique avait confié au Monde que des problématiques sociales mais aussi des risques de maltraitance au sein de certaines familles justifiaient entre autre la réouverture des écoles. L’école ne devrait pas, selon moi, apparaître comme la solution à des dysfonctionnements familiaux. Déconfiner, rouvrir les écoles ne résoudra pas ces problèmes. Cela les rendra simplement moins visibles », souligne l’institutrice.

« Ce protocole sanitaire permet à leur émissaire de se dédouaner des responsabilités »

Dans une tribune publiée ce dimanche 3 mai, l’association des 329 maires de l’Île-de-France ont adressé une lettre ouverte au président, Emmanuel Macron, au sein de la Tribune. Les édiles ont demandé « de ne pas faire reposer sur les maires la responsabilité juridique, politique et morale de la réouverture des écoles mais de les associer dans une concertation avec le Préfet de département, qui doit assumer l’entière responsabilité de sa décision prise sur proposition du maire.».

Cette responsabilité juridique repose également sur les épaules des directeurs.trices des écoles. « Rappelons cependant que la responsabilité juridique du directeur est engagée en cas de non-respect de ce protocole. Pourtant, on l’oublie, un directeur d’école primaire n’est pas un chef d’établissement, mais un professeur libéré des temps d’enseignement pour remplir les tâches administratives essentielles à l’école. »

Pour cette institutrice, « ce protocole sanitaire permet à leur émissaire de se dédouaner des responsabilités qui en découlent. ». En effet, le Conseil scientifique du gouvernement avait initialement recommandé que les écoles restent fermées jusqu’en septembre. « La responsabilité et les conséquences éventuelles reposeront sur ceux qui seront obligés de l’appliquer. Par son existence, le protocole exige de certains et en protège d’autres, tout en explicitant l’irréalisme de sa mise en pratique dans un contexte social comme celui qu’est l’école. »

*son nom a été modifié


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