Suite aux récentes annonces gouvernementales, les écoliers devraient, sur la base du volontariat, reprendre progressivement le chemin vers leur établissement à compter du 11 mai prochain. Florence Millot, psychologue, nous donne les clés pour préparer cette étape en douceur.
Depuis la fin du mois de mars, période du début du confinement en France, les enfants ont dû ranger momentanément leurs cartables et suivre leurs leçons à distance, sous le contrôle des parents et des « e-enseignants« , dans la joie et il faut l’avouer, parfois dans la mauvaise humeur. Cette configuration unique devrait prendre fin à partir du 11 mai prochain pour une partie d’entre eux. Conformément à l’annonce du président de la République Emmanuel Macron, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a confirmé mardi 21 avril un retour progressif dans les établissements scolaires étalé sur trois semaines, par niveau de classe.
En attendant les précisions du Premier ministre Édouard Philippe, lors d’une allocution ce mardi 28 avril devant l’Assemblée nationale, charge aux parents de trouver les bons mots pour remettre leurs progénitures sur les bancs de l’école et les rassurer sur les conditions dans lesquelles leur scolarité va reprendre face à l’épidémie du nouveau coronavirus. Comment s’y prendre ? Éléments de réponse avec la psychologue pour enfants et adolescents Florence Millot (1).
Élaborer un scénario d’anxiété
La spécialiste se veut d’emblée rassurante : «La plupart des enfants sont très heureux de revenir en classe, en particulier ceux qui étaient coincés en appartement dans les grandes villes.» Si la nouvelle est mieux acceptée que celle du confinement, Florence Millot recommande tout de même d’ouvrir le dialogue et d’interroger son petit sur la façon dont il digère l’évènement. «On essaye de savoir ce qu’il en pense, s’il a envie de revenir à l’école ou non», suggère la psychologue.
Dans le cas où l’enfant dégage une certaine inquiétude, Florence Millot conseille de faire appel à son imaginaire. «Demandez-lui comment il envisage son retour pour connaître son scénario d’anxiété et pointer du doigt ce qu’il lui fait peur», propose la psychologue. Certains redoutent la séparation familiale, comme lors du premier jour d’école, d’autres sont effrayés à l’idée de retrouver la maîtresse, un camarade difficile ou même d’attraper le coronavirus.
Aussi exagérées et parfois infondées soient-elles, ces peurs doivent être écoutées jusqu’au bout, sans intervention de la part de l’adulte. Ce dernier va amener au contraire l’enfant à trouver ses propres solutions : «Comment réagirais-tu si un copain tombait malade ?», «Si tu te mettais à pleurer ?», «À qui demanderais-tu de l’aide ?» «De cette manière, il évalue le pire à venir avec des raisonnements logiques et s’attribue au passage le rôle du héros», souligne Florence Millot.
En vidéo, comment les Français vivent-ils le confinement ?
Sortir de son cocon
Il arrive que certains enfants refusent catégoriquement ce retour à la scolarité. «C’est le cas chez les petits de 3 à 4 ans, qui ne sont pas encore dans une quête d’indépendance et qui préfèrent le cocon affectif et câlin du foyer familial», analyse la psychologue. Si ce choix peut être encore respecté, Florence Millot incite les parents à désamorcer rapidement ces angoisses, car l’école devra reprendre pour tous en septembre. «Pour lutter contre les désagréments de l’enfermement, on multiplie les sorties à l’extérieur», insiste-elle.
Lister les avantages de l’école
Rien ne sert de lui mentir. Oui, la journée commencera peut-être par des pleurs et sera plus longue que l’école à la maison. Mais au lieu de se concentrer sur le négatif, il s’agit là du moment idéal pour réexpliquer l’intérêt de l’école, la vraie, et de se souvenir de tous ses avantages : les meilleurs copains, les matières préférées, la cour de récréation… «Pour illustrer ces situations auprès des plus jeunes, on imprime des images pour qu’ils se réapprivoisent cet environnement», indique la psychologue. Qui plus est, il est bon de noter que les mois de mai et juin correspondent à la fin de l’année scolaire et sont donc synonymes pour les élèves de maternelle et de primaire de révisions, de jeux et d’activités sous le soleil.
Anticiper les interactions sociales
Pour prolonger cette anticipation positive, la reconnexion avec les amis s’avère bénéfique. Inviter un copain ou une copine à la maison, organiser une soirée pyjama ou des retrouvailles près de l’école, en essayant de respecter les mesures de sécurité sanitaire, sont tout autant de solutions familières pour renouer socialement avec les autres en douceur. «Peu importe la forme, ce mini-événement ou cette fête apparaissent comme excitantes aux yeux de l’enfant et donc détrônent la peur», insiste Florence Millot.
En vidéo, Dr Mascret répond: que valent les masques faits maison?
Dédramatiser
Pas besoin non plus de parler de nos inquiétudes aux enfants face au nouveau coronavirus. «Ils les ressentent déjà», assure Florence Millot. En revanche, un simple rappel des gestes barrières, comme se laver les mains et tousser dans son coude notamment, participera à rassurer toute la famille.
Dans deux communiqués publiés simultanément sur le site du ministère des solidarités et de la santé ce samedi 25 avril, le conseil scientifique préconise aux parents de prendre quotidiennement la température des petits avant de les emmener à l’école. Pour essayer de rendre le geste le moins invasif possible, on peut se procurer un thermomètre infrarouge sans contact, disponible en pharmacie et parapharmacie. «On dédramatise en éludant le risque potentiel de maladie mais en expliquant plutôt avec des mots simples que ce nouveau virus implique de multiplier les mesures de protection, plus ou moins encore prouvées», détaille la psychologue.
Retrouver le rythme scolaire
Si au départ du confinement, les horaires et les tâches quotidiennes étaient tablées sur celles du rythme scolaire, semaine après semaine, le planning a pris des libertés, qui ressemblent sur certains aspects aux vacances. Extinction des feux plus tardive, repas décalés… Dans deux semaines, la récréation sera terminée. Pour remettre en ordre les bonnes habitudes, Florence Millot invite les parents à reprendre les réflexes pré-confinement environ une semaine avant la rentrée : «se lever, s’habiller, travailler comme si on allait à l’école, manger et dormir à heure fixe, et surtout diminuer les écrans au maximum.»
Faire confiance à l’enfant
Vous avez peur que votre tête blonde soit perdue le jour J et se retrouve avec des lacunes scolaires ? «Cela ne se sera pas que le cas», rassérène la psychologue. Si la continuité pédagogique n’a pas été assurée parfaitement, Florence Millot met en lumière les bénéfices de l’enseignement à la maison sur la transmission et la relation parent-enfant. «Les adultes stressent davantage, conclut la spécialiste. Alors que les plus jeunes ont un rapport au temps différent. Le lendemain de la rentrée, beaucoup commenceront déjà à être réhabitués.»
(1) Florence Millot est auteure notamment de Comment parler à ses enfants ? (Éd. Albin Michel), 256p., 17,90 euros.
Source: Lire L’Article Complet