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C’est une sorte de conscience morale, qui nous aide à (bien) agir. Mais à force d’exigences et de reproches, il peut aussi nous empoisonner la vie. Le psychanalyste Jean-Pierre Winter* nous dit pourquoi.
Il détermine le permis et l’interdit
Le Surmoi fait partie (avec le Ça et le Moi) des trois instances définies par Freud pour décrire notre appareil psychique. Sa fonction est celle d’un régulateur : alors que le Ça émet des pulsions, le Surmoi en autorise ou en interdit l’accomplissement, en donnant des ordres au Moi (notre être conscient). Autrement dit, il est cette fameuse petite voix qui nous guide, nous freine, nous pilote, en nous rappelant ce qui est bien ou mal, ce qu’il convient de faire ou pas. Mieux : sous l’effet du Surmoi, certaines pulsions agressives se transforment en élan positif. Voilà comment certains deviennent chirurgiens, bouchers ou vétérinaires, plutôt que criminels sanguinaires…
Il se construit dans l’enfance
Le Surmoi n’est pas inné. Les premiers interdits intériorisés sont ceux édictés par l’entourage, familial, amical, puis à l’école : on ne triche pas, on ne vole pas dans les magasins etc. En se forgeant, le Surmoi rend possible notre vie en société (à l’inverse, une personne qui n’en possède pas peut verser dans le crime ou la délinquance). Mais sa construction se fait aussi de manière empirique, via nos expériences de plaisir ou de déplaisir. Un enfant qui mange trop – et s’en trouve gêné – fera naître dans son psychisme une loi selon laquelle il est interdit de trop manger. Il ne s’agit plus ici d’une règle intériorisée mais d’une injonction personnelle, née dans l’inconscient, et qui peut mener à un trouble (l’anorexie par exemple).
Il peut devenir tyrannique
Car en effet, un Surmoi trop présent peut devenir un poison. Parce qu’on craint de céder aux pulsions du Ça, on s’impose de manière inconsciente une série d’interdits. Mauvais calcul. Car plus on se soumet, plus il en demande. Lacan nous avait prévenu : le Surmoi est gourmand… C’est ainsi que se mettent en place des inhibitions très fortes (incapacité de s’engager, refus des responsabilités, etc.). Pire : le Surmoi est capable de nous rendre coupable d’un délit que l’on n’a pas commis… Comme si le fait d’avoir eu une pulsion criminelle (l’envie de découper son voisin en morceaux par exemple) revenait à l’avoir fait. Là où l’affaire se complique c’est que cette pulsion criminelle étant refoulée, elle est inaccessible à la conscience. Reste la culpabilité dont on ne connaît l’origine…
Il nous pousse à nous dépasser
Au-delà des interdictions qu’il nous prescrit, le Surmoi nous impose un modèle à atteindre, un idéal. Cela peut être un projet de vie, une ambition ou un héros à hauteur duquel on se projette. Stimulant, votre Surmoi est là pour vous soutenir ! Problème : si vous n’atteignez pas l’objectif fixé, le Surmoi vous le reproche. Vous souhaitez par exemple être quelqu’un de bien, doté d’un sens moral, mais parce que les nécessités de la vie sociale vous y contraignent, vous cédez à quelques compromissions. A cause du Surmoi, vous éprouverez peut-être un certain mépris pour vous-même. Idem si vous manquez une occasion amoureuse ou une opportunité professionnelle.
On peut faire évoluer son surmoi
Un travail analytique peut être un moyen de réduire les exigences surmoïques et d’atténuer cette culpabilité latente (non, avoir des pensées délictueuses n’est pas un délit !). Concrètement, le psychanalyste prend la place du Surmoi : lorsque le professionnel intervient, c’est comme si votre petite voix intervenait. Aussi, en faisant preuve de bienveillance à votre égard, il contribue à l’adoucir. Cette gymnastique fonctionne aussi dans la vie. Par exemple, un conjoint qui porte sur vous un regard bon et aimant, vous aidera à remettre doucement votre Surmoi à sa place et à en faire un allié.
Cruel, sadique, dévorateur… Le Surmoi est du pain béni pour les grands romanciers et autres auteurs de thrillers psychologiques. Le Procès de Kafka serait par exemple une métaphore de ce concept freudien : Joseph K, coupable de rien, est arrêté un beau matin pour des raisons obscures et présenté devant la Justice. Alors qu’il ne sait pas de quoi on l’accuse (!), il va se débattre durant tout le roman pour prouver son innocence, d’autant qu’il finira lui-même par être convaincu du bien-fondé de son procès. Kafkaïen, oui !
*Jean-Pierre Winter est l’auteur de L’avenir du père, éditions Albin Michel
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