- Le confinement a créé un véritable engouement pour le jogging.
- Pourquoi les Français ont-ils attendu la crise du coronavirus pour se trouver cette nouvelle passion ?
- Derrière le jogging, il est plus question de résistance à l’épidémie et de recherche de preuves de notre existence, que de perte de poids (si, si).
« Sans le confinement, je ne me serais probablement jamais mise à courir, admet Sophia qui a enfin trouvé une occasion de sortir ses baskets roses pétantes toutes neuves. Rester un mois sans marcher, ce n’est pas bon pour la santé ». Et elle n’est pas la seule à y voir une occasion de décompresser, de prendre l’air et de rester en forme.
Depuis le début du confinement pour tenter de stopper la propagation du
coronavirus, on n’a jamais vu autant de coureurs dans les rues. Entre les habitués et les nouveaux venus, ça fait du monde qui gambade et on repère facilement les joggeurs improvisés. « J’en vois beaucoup qui courent à l’arrache, sans basket ni jogging, reprend Sophia. Les vrais coureurs n’ont pas la même foulée que nous, ça se voit tout de suite ». Pourquoi ces nouveaux runners ont-ils attendu le confinement pour se mettre en mode marathon ?
Courir « ce n’est pas mon truc, mais l’air pur, c’est important »
Derrière cette obsession pour la course à pied, on retrouve sans surprise la peur de prendre du poids et les injonctions de beauté. « Toute l’année je n’ai pas réussi à me motiver, je me suis dit qu’il fallait que je compense les gâteaux que je mange avec mes enfants l’après-midi ! », explique Camille. Le confinement contraint les Français à rester immobiles. Ils s’aperçoivent de l’importance de se dépenser. « Le quotidien crée une obligation à faire de l’exercice pour éviter les effets néfastes sur la santé physique et mentale », pointe Olivier Bessy, professeur des universités en sociologie à Pau et spécialiste du phénomène de la course à pied.
« J’ai besoin de décompresser, le jogging me fait du bien au moral », confirme Sonia, tandis qu’Hervé a dû trouver un sport de substitution à ses sorties à vélo pour se vider la tête. « Ce n’est pas mon truc, mais l’air pur, c’est important », insiste-t-il. Les situations de crises ramènent à l’essentiel. « Tout à coup, il y a un retour sur soi, sur sa santé, observe Isabelle Queval, philosophe et enseignante-chercheuse à l’Institut national supérieur formation et recherche – handicap et enseignements adaptés (INS HEA). Et même pour les personnes qui jusqu’ici consacraient leur temps à d’autres activités, l’ordre des priorités se modifie.
D’ailleurs, dans l’histoire, la course a souvent gagné en popularité en temps de crise. Christopher Mcdougall explique dans son ouvrage Born to run [Né pour courir, en français], qu’il y a eu
un boom pour le running aux Etats-Unis dans les années 1920, 1970 (pendant la guerre du Viet Nam), et après les attaques contre le World Trade Center. C’est un moyen de se changer les idées, c’est facile d’accès (on a juste besoin d’une paire de basket), mais pas seulement.
« Il y a l’idée qu’on sera moins vulnérables »
Depuis le début de la crise du coronavirus, la population mondiale est noyée sous l’information. Les journaux télévisés diffusent chaque jour un nouveau bilan de l’épidémie, créant un climat anxiogène. Selon le dernier en date annoncé par le Directeur général de la santé mardi soir, l’épidémie de Covid-19 a fait au moins 15.729 morts depuis début mars, dont 5.470 dans des maisons de retraites médicalisées. Dans ce contexte, être en bonne santé devient la priorité numéro un.
« Avec l’incitation actuelle à marcher, à compter ses pas, on nous rabâche que l’être humain est un être en mouvement, fait pour marcher, analyse Isabelle Queval. Dans des atmosphères de mort, les gens cherchent à se sentir exister au travers du mouvement ». Sans mentionner que, selon de nombreuses études, le sport d’endurance, comme le jogging, permet de renforcer le système immunitaire. « Il y a l’idée qu’on sera moins vulnérables face au virus », note Olivier Bessy.
Le jogging correspond à un besoin nouveau provoqué par une situation nouvelle. « Courir donne une prise sur notre existence, comme si on se sentait davantage maître de son destin », conclut le sociologue. Finalement, c’est une façon de prendre le pouvoir sur la crise sanitaire, économique et environnementale. Sortez de votre lit, vous savez ce qu’il vous reste à faire, maintenant.
Courir, c’est bien, mais respecter les gestes barrières c’est mieux. Se laver régulièrement les mains, tousser et éternuer dans son coude, utiliser un mouchoir à usage unique sont les trois gestes barrières préconisés. Et n’hésitez pas à porter un masque alternatif pour protéger les autres.
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