Expérimentateur invétéré, l’inventeur et compositeur américain avait révolutionné la pratique de la musique électronique et jeté les bases de la sono mondiale dès la fin des années 60. Il est décédé jeudi à l’âge de 80 ans.
Pour être méconnu, Richard Teitelbaum n’en fut pas moins un pionnier. De l’improvisation. Du mélange des genres. Du brassage des cultures. Un innovateur de l’aura d’un John Cage, d’un Ornette Coleman ou d’un Terry Riley, défendraient certains qui connaissent son legs et ont profité des inventions de celui dont le destin de traverse dans les avant-gardes classiques, le jazz et la musique électronique aura beaucoup changé les choses en imprimant peu sur leurs histoires officielles.
Son groupe Musica Elettronica Viva (MEV), fondé en 1966 à Rome avec Allan Bryant, Alvin Curran et Frederic Rzewski, fut le premier de l’histoire à proposer au public de la musique électronique jouée en temps réel devant ses yeux et ses oreilles, quand la majorité des compositeurs bataillait encore avec bandes magnétiques et ciseaux. Pour permettre cette révolution, il fut le premier musicien à importer en Europe un synthétiseur Moog, dont l’envergure était alors équivalente à celle d’une armoire normande, et à y brancher son corps, pour transformer les ondes cérébrales en musique.
Né en 1939 à New York, l’Américain avait rejoint le Vieux Continent pour étudier avec Goffredo Petrassi et surtout Luigi Nono, maître de l’avant-garde italienne. Plus tôt dans sa vie, il avait assisté avec enthousiasme à un concert de Louis Armstrong et sympathisé avec Henry Cowell, enfant terrible de la musique américaine qui fascina le monde avec sa technique du cluster et lui transmit sa passion pour la musique traditionnelle japonaise. Puis grâce au succès public de MEV, très apprécié par la jeunesse hippie en quête d’expériences hors du commun (far out, comme on disait), il connecta avec l’underground free jazz, dont les têtes brûlées Steve Lacy, Roscoe Mitchell ou Anthony Braxton étaient aux anges d’échanger avec des ondes électroniques en liberté à peine surveillée ou les filtres du synthétiseur.
Puis Richard Teitelbaum prit de nouveau le large, dans les années 70, après un passage par la case université pour suivre un cursus d’ethnomusicologie qui l’inspirera pour apprendre le shakuhachi, flûte en bambou qui est l’un des plus emblématiques instruments de la culture japonaise, et former le World Band, groupe défricheur s’il en est puisqu’il fut parmi les premiers à rassembler des improvisateurs d’Inde, du Japon et du Moyen-Orient. Par la suite, Teitelbaum approfondira sa pratique du shakuhachi au Japon, collaborera extensivement avec Anthony Braxton, et composera des concertos et opéras aux formes hybrides, toujours abreuvés d’expérimentations, mais aussi, de plus en plus de mysticisme juif, tel ce furieux et formidable Golem édité en 1995 par le Tzadik de John Zorn, l’un de ses plus fervents admirateurs. Il est décédé à l’âge de 80 ans des suites d’un AVC foudroyant.
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