Difficile de penser à autre chose que le coronavirus en ce moment. Certains en oublieraient même que d’autres pathologies nous touchent. À commencer par ceux qui en sont atteints. Que deviennent les "non malades du Covid-19" en plein confinement ?

Soignants épuisés, hôpitaux au bord de la rupture, mise à jour quotidienne du nombre de décès et de nouveaux cas… La médiatisation massive des conséquences de l’épidémie du coronavirus ferait presque oublier que d’autres pathologies peuvent nous atteindre.

Le Covid-19 est-il le seul à menacer notre santé ? Spoiler : non. Alors, que deviennent les « autres malades » ? Ceux qui souffrent d’une maladie chronique, d’un trouble psychiatrique, d’un cancer sont toujours bien là. Tout comme les femmes enceintes ou les bien portants qu’une crise cardiaque ou un AVC guettent en tous temps. 

Pour toutes ces personnes, le confinement est une double peine : il les empêche non seulement de sortir comme bon leur semble, mais il met aussi davantage leur santé en danger.

La crainte d’une épidémie de victimes collatérales au Covid-19

L’appréhension d’engorger davantage les hôpitaux/cabinets et de gêner les soignants ou la peur d’une contamination sont les deux raisons principales qui les poussent volontairement à ne pas consulter.

Une désertion déjà quantifiable puisque le CHU de Bordeaux, par exemple, constate une baisse de 50% des patients se présentant pour des AVC. Même constat pour le Dr Mathieu Bernard-Le Bourvellec, cardiologue au sein de l’Institut Paris Cœur Centre : « Au début du confinement, nous n’avons vu personne pendant deux semaines. C’est comme s’il n’y avait plus de crises cardiaques. »

D’autres situations, qui cette fois-ci ne sont pas de leur fait, pénalisent également les malades : réorganisation des services dans les hôpitaux, déprogrammation importante d’opérations jugées non urgentes, mobilisation d’une grande partie du personnel pour les services de réanimation… Difficile dans ces conditions de garantir un suivi.

Au début du confinement, nous n’avons vu personne pendant deux semaines. C’est comme s’il n’y avait plus de crises cardiaques.

De quoi faire craindre une épidémie de « malades collatéraux » dans les mois à venir.

Une inquiétude généralisée du corps médical 

Le 24 mars dernier, le Collège national des généralistes enseignant pointait le fait qu’une « détérioration de la qualité des soins et de la surveillance de tous les patients fragiles et polypathologiques risque d’augmenter les hospitalisations et la mortalité liées aux autres causes que le Covid. »

Le lendemain, c’était au tour du Collège de Médecine Générale de tirer la sonnette d’alarme : « Mettre en pause les soins de santé primaire, c’est enclencher une bombe à retardement ! », réagissait-il dans un communiqué.

Nombreux ont ensuite été les médecins généralistes à exprimer leurs craintes sur les réseaux sociaux au sujet de la désertion des consultations. À l’instar du Dr Jean-Baptiste Blanc, qui le 27 mars écrivait sur son compte Twitter :  » Je vais rentrer chez moi. Le téléphone ne sonne pas, les malades et les maladies ont disparu. Je sais que c’est le cas pour de nombreux médecins généralistes (…) Nous avons tous peur que les gens négligent leurs autres problèmes de santé. »

Mettre en pause les soins de santé primaire, c’est enclencher une bombe à retardement !

Ou encore le Dr Baptiste Beaulieu, qui dans un tweet évoque ces « morts non liées au Covid-19, mais à la perte de chance sanitaire des patients refusant de consulter car ‘Il y a plus grave en ce moment !’ ». Il prenait alors en exemple le cas concret d’un patient hospitalisé après un AVC sévère, parce que ce dernier… « n’avait pas voulu le déranger. »

« Vous ne nous dérangez pas ! »

Face à la menace d’une multiplication de futures cas graves, 400 soignants de premier recours (parmi lesquels des médecins généralistes, pharmaciens, psychiatres, IDE, pédiatres, oncologues, gériatres, cardiologues, sages-femmes, kinés…) ont alors décidé de lancer un appel collectif massif.

« Nous avons le devoir d’alerter la population française et les autorités sanitaires : les autres problèmes de santé ne doivent pas être négligés. La plupart des gens pensent que nous sommes débordés et qu’ils vont nous déranger, qu’il faut attendre la fin du confinement », écrit ainsi le Dr Jean-Baptiste Blanc, à l’initiative de cette démarche. Ajoutant que « ne pas consulter quand cela est nécessaire c’est prendre le risque de laisser se développer un problème qui sera beaucoup plus difficile à traiter plus tard. Ou pire. »

« J’ai lancé cet appel car nous constatons une importante baisse de la fréquentation dans les cabinets, nous précise-t-il. Il y a des patients que l’on suit pour des pathologies chroniques et on ne les voit plus. On ne voit plus non plus ceux qui peuvent souffrir d’un lumbago, d’une sciatique ou d’une cystite…. Comme si toutes les autres pathologies s’étaient évaporées. Tout le monde pense que nous sommes débordés avec le Covid, ce qui a pu être le cas au début quand tout le monde pensait l’avoir, mais plus maintenant. »

Il y a des patients que l’on suit pour des pathologies chroniques et on ne les voit plus.

Autre théorie qui pourrait selon lui expliquer ces absences : la situation de crise à laquelle nous sommes confrontés pourrait, à juste titre ou non, faire relativiser certaines personnes quant à leur état. « Ils comparent leur cas et se disent qu’ils vont bien par rapport aux malades du Covid » Mais ceci n’est qu’une supposition. 

Des recommandations pour assurer la continuité de la prise en charge

Estimant que le risque de rupture de la prise en charge des patients fragiles était tout de même bien réelle, la Direction Générale de la Santé a de son côté saisi, le 27 mars dernier, la Haute Autorité de Santé (HAS) afin d’élaborer des recommandations générales destinées à assurer la continuité de prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques somatiques en période de confinement.

Elle redoute également que la vulnérabilité des personnes souffrant de troubles psychiatriques soient davantage accentuée par ce contexte « anxiogène ». Sujettes à des comorbidités somatiques, elles sont « souvent en situation d’isolement social, présentent des risques de rupture de soins et peuvent avoir des difficultés à respecter les consignes de confinement et à effectuer les gestes barrières », précise-t-elle.

Également, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a émis des recommandations à destination des oncologues afin de continuer à prendre en charge les personnes atteintes de certaines formes de cancer (solides, thoraciques, digestifs, sarcome…).

Enfin, le Ministère de la Santé à de son côté publié le 8 avril dernier une fiche d’informations complète à destination des soignants pour les orienter sur la prise en charge des soins hors Covid-19.

La téléconsultation, un rendez-vous médical « virtuel » à privilégier

Largement déployée depuis le début du confinement, la télémédecine est un mode de consultation que les sociétés savantes incitent à privilégier. Elle apparaît comme la solution la plus « pratique » pour consulter un généraliste ou un spécialiste.

« Lorsqu’on est affaibli par les traitements, franchement, moins on traine en salle d’attente mieux ça vaut, témoigne par exemple Sylvia, atteinte d’un cancer du sein, sur le site de l’association Rose Up. J’ai aussi l’application de suivi des effets secondaires de l’hôpital qui est très bien faite : comme cela, le médecin a toutes les informations me concernant ». Suivie à l’Institut Bergonié de Bordeaux, elle suit une chimiothérapie adjuvante.

Cependant, certains soins et examens ne peuvent être réalisés qu’en présentiel et ceux-ci doivent bien évidemment se dérouler avec toutes les précautions sanitaires que le Covid-19 implique.

Ne négligez rien de ce qui vous parait inhabituel ou urgent.

La plupart des hôpitaux ont désormais mis en place un système de tri à leurs entrées afin de ne pas mettre en contact un éventuel Covid+ avec des patients venant consulter pour une autre pathologie. « Il faut que le public se rassure : il est quand même tout à fait possible de se faire soigner à l’hôpital ou en cabinet de médecine aujourd’hui », confirme le Dr Blanc.

Les associations, de précieux soutiens pour les malades

Outre les consultations qui sont indispensables pour suivre l’évolution d’une pathologie (qu’elle soit chronique ou non, les associations de patients ont aussi un rôle majeur à jouer en cette période.

Via leur site Internet ou des lignes d’écoute téléphonique, elles peuvent notamment apporter des informations relativement précises sur la prise en charge, les traitements, les démarches à suivre ou précautions à prendre relatives au Covid-19. 

Ainsi, l’Association Asthme et Allergies avait très rapidement tenu à rassurer les patients en leur expliquant qu’il était important pour eux « de garder la même attitude que d’habitude vis-à-vis des crises et exacerbations d’asthme ». Une mise au point nécessaire après l’annonce d’une aggravation des infections par le SRAS-COVID2 associée à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.

La Société Francophone du Diabète rappelle de son côté à tous les diabétiques qu’il ne faut pas hésiter à solliciter leurs référents médicaux en cas de déséquilibre du diabète ou de plaie aux pieds. 

« Ne négligez rien de ce qui vous parait inhabituel ou urgent (…) cela permettra de vous prendre en charge le plus tôt pour éviter un problème plus grave », prévient-elle.

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