Pour son nouvel album en leader, le trompettiste israélien Avishai Cohen s’est donné du temps. Ses derniers disques sur le label ECM, l’émouvant Into the Silence (2016) et Cross my Palm with Silver (2017) ont été enregistrés en France en 2015 et 2016. Entre-temps, il y a eu un très beau duo avec le pianiste Yonathan Avishai, Playing in the Room (2019).
Big Vicious, un groupe de vieux copains
Avishai Cohen (à ne pas confondre avec le contrebassiste du même nom), musicien fascinant, charismatique, très attachant, est donc de retour à la tête d’un projet au nom de code percutant : Big Vicious. Il s’agit en fait du nom du quintette qu’il a formé avec des amis de jeunesse à son retour en Israël, il y a six ans, après ses années new-yorkaises. Dans ce groupe qui sort enfin son premier disque, on retrouve un visage bien connu en Europe, celui du batteur Ziv Ravitz, partenaire entre autres des pianistes Yaron Herman et Shai Maestro. Fini l’introspection et la mélancolie planante des précédents disques, place à de nouvelles intentions. À l’image de la reprise de Teardrop, hymne trip hop, morceau culte du groupe Massive Attack, sorti dans leur album Mezzanine (1998), Avishai Cohen se permet plus de légèreté – du moins en surface – et d’exubérance.
« Teardrop, on ne s’en lassera jamais »
À ses débuts, le groupe a commencé à jouer « énormément de vieilles chansons, principalement des années 90, parce que c’est un truc générationnel, c’est ce qu’on écoutait quand on était à l’école », explique Avishai Cohen dans le texte de présentation du projet Big Vicious. « Mais je crois que Teardrop de Massive Attack, aucun d’entre nous ne s’en lassera jamais. » Le clip de leur superbe reprise a été posté il y a quelques jours, au moment où l’on apprenait le report de la sortie d’un certain nombre d’albums de jazz du fait de la crise du coronavirus. ECM a maintenu le lancement de Big Vicious au 27 mars. Et on s’en réjouit.
Avec son groupe d’amis de lycée et des premiers pas musicaux, Avishai Cohen flirte avec des sonorités rock et électro, parfois psychédéliques, celles qui ont bercé leur adolescence. Mais quelque soit l’environnement sonore, sa musique demeure mélodieuse, enivrante, profonde. À l’exception de la reprise de Massive Attack et d’une relecture ensorcelante de la Sonate au Clair de lune de Beethoven, tous les titres sont des compositions originales d’Avishai Cohen ou cosignées par le groupe.
« Ce qui nous intéresse, c’est de faire des chansons »
Le disque a été écrit, collectivement pour une large part, dans un studio de Tel-Aviv avec le concours (sur trois titres) du maître des lieux, le producteur Yuvi Havkin, alias Rejoicer, avant d’être enregistré dans le sud de la France, aux studios de La Buissonne. C’est la première fois que le trompettiste composait avec d’autres musiciens.
La structure et l’esprit des morceaux marquent un autre tournant par rapport à ses projets précédents. « Dans ce groupe, on ne peut pas dire qu’il y ait véritablement de solos. Ce n’est pas notre horizon esthétique. Ce qui nous intéresse ici c’est de faire des chansons même si aucun d’entre nous ne chante. C’est la grande différence pour moi avec ce que j’ai pu faire par le passé. » Avishai Cohen semble parfaitement à l’aise dans cette nouvelle approche. On rêve désormais d’entendre ce programme sur scène, quand la vie musicale aura repris son cours…
Avishai Cohen « Big Vicious », sortie le 27 mars 2020 chez ECM
Avishai Cohen : trompette, effets, synthétiseur
Uzi Ramirez : guitare
Yonatan Albalak : guitare, basse
Aviv Cohen : batterie
Ziv Ravitz : batterie, sampling
Source: Lire L’Article Complet