Trente-cinq ans après l’empaquetage du Pont-Neuf, Christo revient à Paris pour s’emparer de l’Arc de Triomphe. En préambule, le Centre Pompidou retrace la période parisienne du couple qu’il forma avec sa complice disparue, Jeanne-Claude.

À nous deux, Paris ! Christo (Christo Vladimirov Javacheff) et Jeanne-Claude (Jeanne-Claude Denat de Guillebon) se sont rencontrés à Paris en mars 1958. La légende veut qu’ils soient nés le même jour à la même heure, le 13 juin 1935. Lui, le Bulgare macédonien d’origine tchèque à Gabrovo, en Bulgarie. Elle, la rousse flamboyante à Casablanca, au Maroc, où son père, militaire, était en poste. Ils vécurent à Paris jusqu’en 1964, date à laquelle ils s’installèrent à New York, dans un immeuble de SoHo, à la lisière du quartier chinois.

Jeanne-Claude, l’épouse de Christo. Paris, 1962.

Une œuvre complexe

Il y a dix ans, Jeanne-Claude, la femme, la complice, l’artiste associée d’une vie, meurt d’une rupture d’anévrisme. En solo, Christo poursuit leur œuvre – un art de l’environnement in situ qui crée des images uniques -, les signant toujours de leurs deux noms accolés. «Sur 47 projets, nous en avons réalisé 23», dit-il, manière d’indiquer leur complexité. Il en ajourne certains (Over the River, l’empaquetage d’un segment de la rivière Arkansas dans le Colorado), en suspend d’autres (The Mastaba, la construction d’une pyramide en barils de pétrole dans le désert d’Abu Dhabi), en concrétise un troisième, et pas des moindres. Soit l’empaquetage de l’Arc de triomphe, édifice hautement symbolique, du 19 septembre au 4 octobre prochain, requérant 25.000 mètres carrés de tissus et 7000 mètres de cordes.

Le credo de Christo

En prélude à cet événement, qui intervient trente-cinq ans après l’empaquetage du Pont-Neuf, le Centre Pompidou, à Paris, rend hommage aux sept années parisiennes du couple. L’exposition «Christo et Jeanne-Claude. Paris !» (1) est construite en deux temps. D’une part, elle évoque en 80 œuvres le travail de l’artiste qui s’affranchit de la surface du tableau, empaquette des objets du quotidien et élabore des projets dans l’espace public. De l’autre, elle rend compte avec trois cents pièces de toutes les étapes de l’œuvre monumentale The Pont-Neuf Wrapped.

En 1985, Christo emballé le Pont-neuf. Le projet requiert 40.000 m2 de toile, 12 tonnes de câbles d’acier et l’intervention de 300 professionnels spécialisés dirigés par 12 ingénieurs.

«Nos projets sont proches de l’architecture, explique Christo. Chacun développe son identité et son pouvoir pendant le processus de permission». Partant de là, le couple a toujours refusé les commandes. L’autofinancement est un point essentiel de son travail, le manifeste de sa liberté. Autre point fort, l’esthétique, toujours au rendez-vous. Les îles de Miami ceintes de fuchsia étaient leurs Nymphéas, les drapés d’antan tournaient autour de la sculpture, la barricade de barils rue Visconti, à Paris, une réponse poétique au mur de Berlin. «Tous nos projets sont des projets de saison. Ce sont des œuvres temporaires d’une durée de quinze ou seize jours, comportant trois week-ends afin que le plus de spectateurs puissent les voir». Gravées dans nos mémoires, elles invitent à voir autrement, suggèrent en cachant… Joie, plaisir et beauté, tel est le credo de Christo.

(1) L’exposition «Christo et Jeanne-Claude. Paris !», du 18 mars au 15 juin, au Centre Pompidou, à Paris. centrepompidou.fr
À lire : Christo and Jeanne-Claude, de Paul Goldberger et Wolfgang Volz, Taschen, 616 pages, 150€.

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