« Je suis très heureuse d’être là. Enfin « très heureuse », non, ce n’est pas le mot qui prédomine, ce n’est pas le sentiment premier. On va dire que je suis très euh… courageuse d’être là ! » En se lançant dans son discours d’introduction vendredi soir, Florence Foresti n’imaginait sans doute pas qu’elle n’apparaîtrait pas jusqu’au bout de la 45e édition des
César retransmise sur Canal+.
La maîtresse de cérémonie savait que les yeux seraient braqués sur elle et que, cette année, le rôle dont elle avait la charge, était particulièrement ingrat. Principal souci : la controverse Roman Polanski. Le réalisateur – qui avait renoncé à assister à la cérémonie salle Pleyel – et son film, J’accuse, comptaient douze nominations. Un honneur qui a indigné une partie du public et du monde du cinéma déplorant qu’un homme visé par des accusations de viol puisse faire l’objet d’un tel plébiscite.
Lors de l’annonce des nominations, fin janvier, Florence Foresti avait fait savoir sa position sur le sujet, par le biais d’un lapsus volontaire. « Je suis accu… euh… J’accuse », avait-elle glissé, sourire aux lèvres.
« Qu’est-ce qu’on fait avec Atchoum ? »
Dans les jours qui ont précédé la cérémonie, se sachant attendue au tournant, l’humoriste a annulé toutes les interviews qu’elle devait donner, pour mieux se focaliser sur sa mission. Et plutôt que de rester à l’écart du sujet Polanski, elle a mis les pieds dans le plat d’emblée. « Il faut qu’on règle un dossier sinon on va avoir un souci pendant la cérémonie. Il y a douze moments où on va avoir un souci. Il faut qu’on règle le problème sinon ça va nous pourrir la soirée. Qu’est-ce qu’on fait avec Roro ? Qu’est ce qu’on fait avec Popol ? Ne faites pas comme lui, ne faites pas les innocents vous savez très bien de qui je parle. Qu’est-ce qu’on fait avec Atchoum ? », a osé Florence Foresti. Les César, en quarante-cinq éditions, n’avaient pas habitué le public autant d’irrévérence.
« J’ai décidé qu’Atchoum n’était pas assez grand pour faire de l’ombre au cinéma français et au reste de la sélection », a même ajouté la maîtresse de cérémonie avant d’évoquer, parfois avec taquinerie, les autres principaux longs-métrages nommés. Au passage, elle n’a pas manqué d’en remettre une couche en parlant de « Grâce à Dieu, un film sur la pédophilie dans l’Eglise » puis de « J’accuse, un film sur la pédophilie sur les années 1970. »
Au cours de la soirée, Florence Foresti s’est servie de ses déboires pour nourrir ses sketches. A plusieurs reprises, elle a ainsi évoqué la difficulté de trouver des personnalités prêtes à venir remettre des César. Beaucoup se sont faites porter pâles ou lui ont sortie de fausses excuses. Bien peu étaient motivées à la perspective de poser sur la photo de famille aux côtés de Roman Polanski. Jean-Pierre Darroussin, lui, ne s’est pas débiné. Au moment d’annoncer le résultat du César de la meilleure adaptation, il a mâché les syllabes des noms des lauréats – Roman Polanski et Robert Harris pour le scénario de J’accuse – rendant leurs patronymes inintelligibles.
Chape de plomb
Mais lorsque, aux alentours de minuit et quart, Claire Denis a prononcé le nom de Roman Polanski comme gagnant du César de la meilleure réalisation, une chape de plomb s’est abattue sur la salle Pleyel. Il y a eu un grand silence, quelques applaudissements, des huées. Adèle Haenel a quitté les lieux, suivie par quelques autres personnalités, dont Céline Sciamma.
C’est dans ce moment de flottement que Sandrine Kiberlain, présidente de cette 45e édition des César est arrivée sur scène pour décerner le trophée du Meilleur film. La récompense est allée aux Misérables de Ladj Ly. L’équipe du long-métrage est montée sur scène, mais le choc de ce qui vient de se produire se fait encore ressentir. « Atchoum » a, malgré lui, fait de l’ombre au reste de la sélection. Du moins, en partie.
Florence Foresti, elle, n’est pas réapparue sur scène pour rendre l’antenne. Elle ne reprendra la parole publiquement qu’une dizaine de minutes plus tard dans sa story Instagram où elle n’a écrit qu’un seul mot : « Ecœurée ».
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