L’annonce de la nomination du créateur au belge, en collaboration étroite avec la créatrice italienne, a mis le monde de la mode en émoi. En voici les raisons.
Si l’arrivée de Raf Simons dans les murs de la maison Prada n’est pas vraiment une surprise (la rumeur l’annonçait depuis plusieurs mois), les contours de son poste, eux, le sont un peu plus. La maison italienne a choisi d’accueillir le créateur belge en tant que codirecteur de la création. À compter du 2 avril, il faut comprendre que Miuccia Prada et le designer flamand travailleront main dans la main. Ils bénéficieront des mêmes responsabilités, tant dans le processus créatif que dans les prises de décisions stratégiques.
Ici donc, pas de collaboration comme on en voit beaucoup dans les maisons de luxe en ce moment. Non, il est bien question d’un partage de pouvoir égalitaire entre deux grands noms établis de la mode. À ce niveau, c’est inédit. Si cette nouvelle organisation fait taire pour un temps les bruits d’un possible retrait de la créatrice âgée de 70 ans – certains observateurs y voient néanmoins la présentation de son successeur potentiel – elle a aussi un objectif bien précis : celui de renforcer la créativité dans une maison de mode powerful.
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La mode créative, au cœur du copilotage de Prada
«L’industrie de la mode évolue de plus en plus vers une industrie qui pourrait finir par exclure les créatifs», a déclaré Raf Simons lors de la conférence de presse. «Je vois de plus en plus qu’il est possible de faire une marque forte sans création forte. C’est une chose avec laquelle nous ne sommes pas d’accord, Miuccia et moi-même, et je sais pertinemment que de nombreux designers ne le sont pas non plus. Nous pensons que nous ne devons pas oublier la créativité dans cette marque.»
A l’heure où la data, très prisée des marques, permet d’identifier des signaux de consommation ou de générer des comportements d’achat, les propos de Raf Simons résonnent comme un positionnement fort. Mais posent question : une vision créative suffit-elle pour vendre aujourd’hui ? C’est tout le défi qui attend le duo, qui se connaît bien. En 2005, Miuccia Prada avait engagé Raf Simons pour piloter la création de Jil Sander, alors en perte de vitesse. Le contrat a duré sept ans et s’est soldé par un succès aussi bien commercial que créatif, largement salué par l’industrie de la mode.
Un goût pour le contenu
Les rythmes effrenés des collections qui s’enchaînent, Miuccia Prada et Raf Simons en sont familiers. Le créateur anversois a signé jusqu’à six collections par an chez Dior pendant ses trois années passées à la direction artistique de la maison française. Une cadence lourde qui a eu raison de sa motivation en novembre 2015. «J’avais tous les moyens techniques pour réussir, mais il me fallait davantage de temps entre les collections pour trouver l’inspiration, reconnaîtra-t-il un peu plus tard. Je ne suis pas le genre à aimer faire les choses vite, les idées ont besoin de mûrir.»
Les idées, on y revient toujours avec Raf Simons. Chez Calvin Klein, où il dirige la création artistique en 2016, l’enjeu commercial se nourrit de sa volonté de créer une expérience marquante, remplie de références artistiques. Une vision ambitieuse qui a finalement eu raison de sa collaboration avec la griffe américaine en 2018. Cette fois, le designer belge entend bien maintenir le dialogue avec sa nouvelle partenaire. Une conversation à découvrir en septembre, à l’occasion de la prochaine Fashion Week de Milan.
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