C’est avec un pas de danse improbable inspiré de Michael Jackson, que Michel Drucker a déclaré ouvertes ces 35es Victoires de la musique, vendredi soir. Sur la scène de la Seine musicale, Florent Pagny, président d’honneur, lui a emboîté le pas, saluant les «artistes» et l’industrie musicale dans un discours lunaire que, de son propre aveu, il n’avait pas beaucoup préparé. Quelques considérations sur l’état de l’industrie musicale, des revendications pour les artistes face aux majors et aux producteurs. «J’ai raconté trente-cinq ans de musique», a-t-il plaisanté. Vite, vite, il fallait laisser la place à Laurent Ruquier, Bruno Guillon ou encore Daphné Burki et huit des onze autres présentateurs de cette édition 2020 qui avaient chacun un mot à dire.
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Moment attendu de la soirée, la chanteuse Angèle, archifavorite de ces 35es Victoires, est montée sur scène pour un medley de ses tubes, Balance ton quoi, Oui ou Non ou encore Flou… Mais elle a vite déchanté: avec trois nominations, la Belge de 24 ans pouvait espérer triompher dans les catégories artiste féminine, création audiovisuelle et concert. Mais elle est tombée sur un os nommé Clara Luciani. La chanteuse de La Grenade, remporte le trophée de l’artiste féminine au nez et à la barbe de la Belge et de leur aînée Catherine Ringer. «Si vous avez été sans Valentin ce soir, il y a plein de chanson de rupture sur mon album», a déclaré la chanteuse victorieuse, concluant un discours de remerciement plein d’émotion sur une note d’humour.
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Malgré son look Pocahontas, la chanteuse des Rita Mitsouko n’a pas réussi à conquérir le cœur d’une majorité des 900 votants. La doyenne de la compétition a interprété plusieurs tubes électriques des Rita Mitsouko après un hommage à Fred Chichin, guitariste du groupe disparu en 2007.
Et des hommages, il y en a eu beaucoup tout au long de la cérémonie: Alain Bashung, Serge Gainsbourg, Johnny Hallyday… Et Marie Laforêt, décédée en novembre, dont Philippe Katerine et Clara Luciani ont salué la mémoire en reprenant la chanson La Tendresse…
Après un bref retour en images des moments forts des éditions passées, Vitaa et Slimane ont interprété leur duo Ça va, ça vient, en lice pour remporter le trophée de chanson originale. Dans la foulée, PNL remporte la Victoire de la réalisation audiovisuelle pour son clip Au DD, filmé en haut de la tour Eiffel. Les deux frères de Corbeil-Essonnes Tarik et Nabil Andrieu, qui n’étaient pas présents pour recevoir leur trophée, s’imposent face à Angèle et son hymne féministe Balance ton quoi.
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Alain Souchon roucoule au public de La Seine musicale son morceau Presque, lui aussi nommé pour la meilleure chanson originale. Il est imité par ses concurrents Boulevard Des Airs et Vianney (Allez reste), Clara Luciani (Nue) et un Philippe Katerine, fidèle à lui-même, vêtu d’une cape de gants en caoutchouc bleu azur (Stone avec toi). Le ministre de la Culture Franck Riester et le président des Victoires de la musique Romain Vivien avaient peine à le croire. Et le trophée est attribué à… Vitaa et Slimane. «Pour nous c’est le prix du public, alors merci aux gens», ont déclaré les lauréats, dédiant leur victoire à Soprano, Maître Gims et Kendji Girac et «les gens qui font de la musique populaire pour des gens».
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Place à un rappeur «loin des clichés», dixit Cyril Féraud. Lomepal entre en scène pour chanter Trop Beau. Trop moche, Stéphane Bern en poncho péruvien se caricature lui-même dans un sketch censé faire rire le président d’honneur Florent Pagny. Peine perdue. Un palmier sur la tête, Hoshi, nommée dans la catégorie révélation scène, paraît plus crédible et défend sa chanson engagée Amour Censure. Elle joint le geste à la parole et donne un long baiser à l’une de ses danseuses.
Plus tard dans la soirée, Philippe Katerine retourne devant les caméras, cette fois pour remporter la Victoire de l’artiste masculin de l’année. «Moi qui il y a un mois me disais, bah Philippe, t’es nul comme chanteur», a-t-il déclaré dans une prise de paroles qui rappelait son monologue de remerciement aux César 2019. Le chanteur a également salué les artistes avec «phallu» et artistes avec «uteru» dans un discours dont lui seul a le secret et les clefs.
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Il est 22h26 et c’est la deuxième fois – ou bien la troisième, on s’y perd – que l’on nous repasse la séquence de Vanessa Paradis en larmes en 1990. Comme un bon vieux vinyle, la soirée ne tournerait-elle pas en rond? Jean-Jacques Goldman, avec un message enregistré, Alain Souchon et Vianney ont, eux, préparé une surprise à Maxime Le Forestier. L’interprète de Je m’en vais reprend San Francisco avec un orchestre symphonique. «Merci de m’avoir apporté ce bibelot. À charge de revanche», déclare le chanteur de Né quelque part récupérant une Victoire d’honneur des mains d’Alain Souchon.
Aloïse Sauvage, le micro accroché à un câble qui lui permet de jouer la Spider-woman sur scène, présente son titre À l’horizontal. Cette valeur montante du paysage hexagonal est nommée dans la catégorie révélation scène. Malgré sa prestation rebondissante, c’est Suzane et ses «paroles percutantes» qui remporte le trophée. La jeune femme inscrit son nom à côté de ceux de Zazie, Patricia Kaas, Lara Fabian, Izia et Juliette Armanet au palmarès des artistes féminines lauréates dans cette catégorie.
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Derrière son piano, Vincent Delerm interprète Vie Varda, hommage à la papesse de la Nouvelle Vague décédée en 2019. Des hommages à n’en plus finir… Ces Victoires se transforment en cérémonie funéraire. On peinait déjà à comprendre pourquoi il y avait plus de présentateurs que de catégories ; au bout de trois heures de direct, on a vu plus de chanteurs morts à l’écran que d’artistes vivants sur scène. Ironie du sort, Jeanne Added et ses danseuses gothiques viennent apporter un peu de vie avec Mutate. Trop de vie sûrement. À peine le morceau terminé, Leïla Kaddour-Boudadi et Laurent Ruquier ont «une pensée pour ceux qui nous ont quittés». Et c’est reparti pour une séquence nécrologique.
Angèle est finalement récompensée pour le concert de l’année, à quelques jours de conclure son Brol Tour à l’AccorHotels Arena. «Ça fait deux semaines que je ne dors plus la nuit parce que je stresse de ce que je vais faire après», explique la chanteuse avant de laisser la place à Pomme qui remporte sans surprise le prix de l’album révélation. «C’est un métier où il est difficile de placer correctement son curseur», confie la lauréate, qui raconte avoir planché depuis un mois sur son discours. «Il y a une faille dans chaque chose, c’est par-là que rentre la lumière», ajoute-t-elle, citant feu Leonard Cohen.
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Il est presque minuit et demi et on devine que la régie a épuisé tous ses magnétos de chanteurs morts ou de résumés de la soirée. Il est temps de conclure. L’ultime trophée, récompensant le meilleur album de l’année, est sur le point d’être remis. Et c’est Alain Souchon qui l’emporte avec Âme Fifties, disque coécrit avec Édouard Baer. Un dixième trophée à ajouter à sa collection pour l’interprète de Foule sentimentale, qui remercie son complice de toujours et «compagnon de route» Laurent Voulzy. Une chanson pour célébrer? Même pas. La cérémonie s’achève précipitamment à minuit 30, après 3 h 20 de direct. Dommage qu’un palmarès aussi frais ait donné une soirée aussi lugubre.
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Artiste féminine: Clara Luciani
Artiste masculin: Philippe Katerine
Album: Âmes fifties, d’Alain Souchon
Chanson originale: Ça va ça vient de Vitaa & Slimane
Concert: Brol Tour d’Angèle
Création audiovisuelle: Au DD de PNL
Révélation Scène: Suzane
Album révélation: Les Failles de Pomme
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