La fille à suivre. – Climatologue de renom aux États-Unis, elle analyse les effets du réchauffement de la planète pour la Nasa et dans les médias. Une voix experte et engagée.

«Je suis climatologue et je déteste la météo.» Le 26 avril 2017, Kate Marvel marque les esprits sur la scène des conférences TED. Zappette à la main et pendentif de l’État de Californie autour du cou, la chercheuse a treize minutes, pas une de plus, pour vulgariser auprès du public le rôle des nuages dans le changement climatique – l’un de ses thèmes de recherche. Et d’enchaîner d’un ton assuré : «Nous ne savons pas comment ils vont réagir au réchauffement et, caché dans cette incertitude, réside peut-être l’espoir». Avec Kate Marvel, associée à l’institut Goddard de la Nasa et à la prestigieuse Université de Columbia, pas de jargon scientifique : la simplicité prévaut, le message doit être clair.

Car l’urgence n’est plus à rappeler : comment limiter l’impact du changement climatique ? «Dans le cadre de mon travail, j’ai rencontré beaucoup de personnes charmantes sur Internet, m’expliquant que les modèles climatiques sont tous faux, raconte la climatologue, non sans ironie, au cours de cette même conférence TED de 2017. J’ai envie de leur dire : sans déconner ! Sérieusement ? Je suis payée pour me plaindre de ces modèles.» Plus exactement : pour les remettre en question, revendiquer l’incertitude comme donnée scientifique de base, qui permette d’avancer vers des scénarii toujours plus précis, plus valides. L’idée de Kate Marvel et de ses confrères est la suivante : «Pour effectuer des expériences sur notre planète, nous devons construire une planète virtuelle la plus proche possible de ce qui va vraiment arriver. Car nous n’avons qu’une planète, et c’est notre maison».

Une vocation née par hasard

Alors qu’après l’Amazonie, l’Australie est en proie aux flammes et que la banquise fond à vitesse grand V, une prise de conscience semble s’être produite. La catastrophe n’est plus pour demain : elle a déjà commencé. Greta Thunberg a aussi changé la donne. La Suédoise de 17 ans suit d’ailleurs Kate Marvel sur Twitter. L’experte américaine y partage au quotidien ses travaux comme ceux de ses confrères. En novembre, elle tenait toutefois à le rappeler dans les colonnes du New York Times : «Je ne suis pas une scientifique de terrain, je ne sors pas et ne prends pas d’échantillons.» Son champ d’action ? L’analyse des effets du changement climatique (précipitations, chutes de neige, gaz à effet de serre…) sur la base de simulations informatiques, pour prédire de la façon la plus fiable possible la trajectoire du climat. «Des scientifiques avec 33.000 abonnés sur Twitter, ce n’est pas monnaie courante», observe l’experte du développement durable Elisabeth Laville, fondatrice et présidente du cabinet de conseil en RSE Utopies. Avant d’ajouter : «C’est une femme, elle est jeune et adoubée par la Nasa. Elle réunit tous les critères pour être une voix qui compte et, à ce niveau d’urgence, toute popularité est bonne à prendre».

Rien ne destinait la jeune femme (de son vrai nom, Katherine Marvel) à s’intéresser au climat. Après un master de physique et d’astronomie à l’Université de Berkeley, elle traverse l’Atlantique pour rejoindre Cambridge, en Angleterre. Là-bas, elle étudie la physique dite «théorique». Mais la frustration la gagne. «Je voulais faire quelque chose de plus concret, qui pourrait vraiment impacter la vie des gens et faire la différence», confie-t-elle à Katie Robertson, journaliste au New York Times – dont elle est l’une des expertes favorites. Une bourse postdoctorale de l’Université de Stanford en poche, elle a le champ libre pour choisir son sujet. La condition ? Qu’elle l’aborde à travers le prisme scientifique et politique. «Je me suis essayée à quelques thématiques et c’est comme cela que j’ai découvert la science du climat. Elle ne m’a pas quittée depuis.»

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Des plateaux télé aux prisons

Kate Marvel et l’auteure Erica Cerulo. (New York, le 4 mars 2019.)

Au fil du temps, l’expertise de Kate Marvel fait sa renommée. Outre ses travaux menés à la Nasa et à l’Université de Columbia, la chercheuse alimente la chronique «Hot Planet» pour le magazine Scientific American. Elle y publie chaque mois des billets engagés et pédagogiques parmi lesquels une fable moderne, «Les trois petits cochons et le changement climatique», au mois d’août. L’Américaine prend tout autant plaisir à partager son savoir devant les étudiants de Columbia que sur NBC News… ou dans les prisons. «Dans la prison d’État de San Quentin (en Californie, NDLR), j’ai enseigné les statistiques et l’algèbre, face aux meilleurs étudiants que j’aie jamais eus», confie-t-elle d’ailleurs dans un entretien à la Nasa.

Côté vie privée, Kate Marvel joue la carte de la discrétion. Dans un entretien à la Nasa, elle livre tout de même quelques détails : «J’ai un enfant en bas âge, mes hobbies tournent donc beaucoup autour de la petite enfance».

« Être une femme scientifique, c’est fantastique »

En tant que femme scientifique, a-t-elle déjà fait l’objet de sexisme ? Kate Marvel répond au New York Times par l’affirmative. Mais préfère voir le verre à moitié plein. «Je pense qu’être une femme dans le climat, et une femme scientifique, est tout simplement fantastique», considère celle qui dit s’inspirer de ses consœurs Kim Cobb et Katharine Hayhoe, mais aussi de la directrice de politiques chez New Consensus Rhiana Gunn-Wright (à l’initiative du Green New Deal, avec la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez). Toutes unies dans un même but : sauver la planète.

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