L‘acteur Kirk Douglas, décédé mercredi 5 février à l’âge de 103 ans, au terme de plus de 70 ans de carrière, a toujours porté haut et fort son engagement démocrate. S’il ne se différencie guère de l’ancrage à gauche, de ce que l’on appelle aux Etats-Unis « La Profession », ses interventions en faveur de la cause amérindienne aux Etats-Unis, ou contre l’absurdité de la guerre, se reflètent dans ses films, comme acteur et producteur, mais aussi dans son engagement citoyen.

Le fils du chiffonnier

Fils d’un immigré juif russe aux Etats-Unis, né Issur Danielovitch Demsky en 1916 à Amsterdam dans l’Etat de New York, Kirk Douglas est le seul garçon d’une fratrie qui compte sept enfants. D’origine modeste, devenu star, l’acteur n’oubliera jamais d’où il vient, et donnera à son autobiographie fleuve de 1988 le titre Le Fils du chiffonnier (Presses de la Renaissance, puis Livre de poche), en référence à la profession de son père, illettré.

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Douglas tournera également El Perdido (1961), écrit par le scénariste, et surtout Seuls sont les indomptés (1962) où il incarne un cow-boy anachronique (l’action se déroule en 1960) qui prend fait et cause en faveur des immigrés mexicains aux Etats-Unis, en écho à ses origines d’immigrant russe.

Face à Reagan et à Trump

Hors son engagement d’acteur et de producteur, le prestige de Kirk Douglas lui permit à partir de1960, sous l’administration de John Fitzgerald Kennedy en pleine guerre froide, de porter une parole à travers le monde en faveur de la « détente » entre Washington et Moscou.

Ces prises de position connues de tous, ne l’empêchèrent pas d’être reçu par le Républicain Ronald Reagan (à l’origine acteur de seconde zone dans les années 1940-50, alors que Douglas échafaudait sa gloire) à la Maison blanche.  Il était par ailleurs proche de son épouse et Première dame Nancy, également actrice qui l’introduisit à Hollywwod. Il était tout autant un familier de John Wayne, figure totémique des Républicains.

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Dans La Rivière de nos amours (André de Toth, 1955), Kirk Douglas est un éclaireur coutumier de la culture indienne qui négocie une voie de passage auprès d’un chef sioux, assassiné par deux renégats cupides. Dans Le Dernier train de Gun Hill (John Sturges, 1959), l’acteur est un sheriff marié à une indienne, assassinée après une tentative de viol sous les yeux de son fils.

A l’époque, les films pro-indiens son rares. La veine a été inaugurée par La Flèche brisée en 1950 de Delmer Daves, et John Ford y accèdera tardivement en 1964 avec Les Cheyennes, avant la grande vague des années 70 (Soldat bleu, Little Big Man…)

On l’oublie trop souvent, la reconnaissance des Nations indiennes faisait partie de la lutte pour les Droits civiques, au côté des Afro-américains. Douglas démontre ainsi sa participation à ce combat qui perdurera dans les années 1960.

L’absurdité de la guerre

Autre engagement de la star : la dénonciation des excès de la hiérarchie militaire sur les soldats, considérés comme de la chair à canon. Sollicité par Stanley Kubrick, qui veut tourner Les Sentiers de la gloire avec son producteur James Harris, d’après le roman éponyme (1935) de Humphrey Cobb, Kirk Douglas répond : « Stanley, je crois que ce film ne fera pas un rond, mais il faut absolument le tourner« . Il produira le film et interprètera le rôle principal du capitaine Dax, à la tête d’un régiment français dont trois soldats sur le front de1916 ont refusé de monter à l’assaut.

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Le film s’inspire de l’affaire des caporaux de Souain, de 1915. Refusant l’ordre de monter à un assaut perdu d’avance, les soldats sont soumis à un bombardement français pour les pousser à l’attaque. Elle n’aura pas lieu et le capitaine Equilbey (Dax/Douglas dans le film) doit désigner dix-huit poilus qui seront exécutés pour l’exemple. Quatre (trois dans le film) seront présentés au peloton d’exécution.

Souvent présenté comme emblématique des mutineries de 1916 sur le front, Les Sentiers de la gloire s’inspire d’un fait antérieur, et encore plus significatif des abus de la hiérarchie militaire durant le premier conflit mondial. Le film résonne d’autant plus fortement aux Etats-Unis en 1957, à l’aube de leur engagement au Vietnam, à l’issue de la Guerre d’Indochine. Les Sentiers de la gloire restera près d’un quart de siècle interdit en France sous la présidence du général de Gaulle puis de Georges Pompidou. Il sera distribué seulement en 1975, sous Giscard d’Estaing.

Kirk Douglas est ravi de sa collaboration avec Stanley Kubrick, en qui il reconnaît un grand cinéaste qui signe un film révélateur d’un autre rebelle d’Hollywood. Les Sentiers de la gloire reste un des films phares de l’acteur et du metteur en scène.

La star hollywoodienne fera à nouveau appel à lui pour Spartacus, quand, producteur du film, il déloge le vétéran Anthony Mann du poste de réalisateur pour « différends artistiques« . Seul long métrage de commande dans la carrière de Kubrick, Spartacus fut le théâtre de conflits profonds entre le metteur en scène et l’acteur-producteur durant le tournage. Mais il demeure sans doute le film le plus emblématique de la star. 

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