Avec le film Adam, en salle le 5 février, l’actrice, réalisatrice et scénariste Maryam Touzani s’empare à nouveau d’un sujet brûlant.
Actrice de Razzia, réalisé par son mari, Nabil Ayouch, et auteure du documentaire qui inspira le Much Loved de son époux, elle passe derrière la caméra avec Adam, une histoire d’amitié entre une veuve, maman d’une fillette, et une jeune fille tombée enceinte hors mariage. Une chronique sensible, sensuelle et politique sur le quotidien des femmes seules qui, victimes du patriarcat au Maroc, trouvent leur salut dans la solidarité, le courage et la résilience.
Madame Figaro. – Racontez-nous la rencontre qui a donné naissance à Adam…
Maryam Touzani. – À 22 ans, après l’université, je suis retournée chez mes parents, à Tanger. Un jour, une femme non mariée et enceinte de huit mois a frappé à notre porte. Elle était désemparée, n’avait nulle part où aller. Mes parents l’ont accueillie pour qu’elle n’accouche pas dans la rue, et j’ai vécu le dernier mois de sa grossesse à ses côtés. J’ai vu le rapport à ce corps qu’elle rejetait, son instinct maternel prendre le dessus malgré elle… Quand j’ai senti mon enfant bouger pendant ma grossesse, ce souvenir a ressurgi : je comprenais dans ma chair ce qu’elle avait subi, le sacrifice auquel sa condition l’avait contrainte.
Pourquoi avoir construit le film en huis clos ?
Pour préserver mes personnages de cette société qui juge et condamne, pour que l’on comprenne ce que ces femmes s’apportent, mais aussi les luttes intérieures qui les animent, implicitement liées à leur environnement.
Un mot sur vos actrices…
Lubna Azabal avait ce que je cherchais : elle peut être un roc et laisser surgir l’émotion quand on ne l’attend pas. Pour la mère célibataire, j’ai d’abord pensé à celles que j’avais connues dans des associations, mais c’était trop leur demander de revivre cela. Je suis alors tombée amoureuse de la force brute de Nisrin Erradi lors d’un casting.
La situation des mères célibataires a-t-elle évolué au Maroc ?
Elles sont toujours honnies, comme leurs enfants, sur lesquels pèse officiellement le déshonneur, puisqu’ils sont inscrits comme «nés hors mariage». Malgré le travail remarquable d’associations, les avancées juridiques sont très timides : il est en effet toujours illégal d’avoir des relations sexuelles hors du cadre marital.
Réalisez-vous des films pour faire bouger les lignes ?
Absolument ! Mes courts-métrages et mes documentaires avaient déjà pour but de libérer la parole. Il est important de donner des visages et des émotions aux chiffres et statistiques pour que les spectateurs prennent conscience de l’ampleur des dégâts dans des pays comme le Maroc. Si l’on vibre avec un personnage, le regard qu’on a peut changer, et peut- être des changements concrets peuvent-ils alors survenir.
(1) Adam, de Maryam Touzani, avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi, Douae Belkhaouda. En salles le 5 février
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