Suivi par 77.000 abonnés, le compte Instagram @antidietriotclub proposait le 19 janvier 2020, à Londres, son tout premier festival anti-régime. Bilan : 250 billets vendus et une foule conquise par les conférences, ateliers et stands de shopping voués à enterrer le culte des régimes. Reportage.
“Jette un œil à l’énergie là-dedans” me propose une des bénévoles qui accueille les premiers arrivants. Il n’est que 10h du matin et nous sommes dimanche mais c’est l’heure du cours de strutology. Il s’agit d’une leçon de danse où le seul impératif est d’avoir la démarche et la confiance en soi de Beyoncé.
Le premier festival anti-régime de Londres
Ce 19 janvier 2020, je me suis rendu à Londres au premier festival de « l’Anti Diet Riot Club », « club révolté anti-régime », du nom d’un compte Instagram affichant plus de 77.000 abonnés.
La vingtaine d’ateliers et discussions sur les masculinités, le racisme dans le body positive, l’activisme, la sexualité et le plaisir mais aussi un cours de yoga, de méditation ou de nu ont fait de cette première édition un succès.
Je veux leur montrer qu’elles ont le droit d’être insolentes, culottées, de se la péter !
Une vingtaine de femmes de toutes les morphologies, en talons ou baskets, suivent la chorégraphie de Zoe McNulty dont l’énergie et la bonne humeur embaument la salle. Sur Badass Women de Meghan Trainor, elles semblent toutes on ne peut plus confiantes et heureuses. “Je suis là pour changer leur état d’esprit, m’explique Zoe. Je veux leur montrer qu’elles ont le droit d’être insolentes, culottées, de se la péter ! Parce que tous les corps sans exception ont droit à l’amour, le respect et la dignité”.
Lors d’un atelier sur l’identité, je suis mis en binôme avec Ingo, la quarantaine. Depuis 2003, elle est à la tête de sa propre entreprise et produit des événements pour, et créés par, la communauté queer. Se définissant comme grosse et lesbienne, elle est ici avant tout pour encourager les jeunes organisatrices du festival : Becky Amoi Young et Harri Rose.
Plus tard, je fais la queue près de Letty, qui se réjouit que cet évènement réunissant plusieurs communautés marginalisées lui soit accessible. Elle avait six ans lorsque le fauteuil roulant lui a été imposé et regrette qu’en 2020 encore, elle doive vérifier à l’avance si tel ou tel évènement peut accueillir des personnes à mobilité réduite. Elle m’explique aussi être venue soutenir son épouse, qui intervient comme experte dans la table ronde où nous nous rendons tous les deux : “Le pouvoir de la laideur”.
Un rassemblement avant tout politique
“La laideur a été créée par des personnes blanches pour oppresser certaines communautés” clame Imogen Fox, la femme de Letty, au micro. Née avec un handicap et étant passée par des phases d’obésité puis d’anorexie, elle est aujourd’hui une militante qui relie la beauté à la lutte des classes.
Arrêter les régimes, c’est devoir nous demander qui l’on est en tant que personne
“Toute action politique commence par l’intime. Arrêter les régimes, c’est devoir nous demander qui l’on est en tant que personne” m’explique-t-elle après la conférence. Comme Imogen, toutes les personnes invitées à prendre la parole insistent sur l’intersectionnalité du combat qui les réunit au même endroit. Par là, elles entendent inclure toutes les différenciations sociales : le genre, la race au sens sociologique du terme, la classe, l’orientation sexuelle, le handicap mais aussi la morphologie.
Sur scène se succèdent des personnes qui ressemblent au public présent : principalement des femmes, de toutes les ethnies, cis, trans, grosses, minces, grandes, petites, de 20 à 40 ans, aux cheveux roses ou portant le foulard. C’est sur les réseaux sociaux qu’elles se sont d’abord rencontrées et qu’elles ont formé une communauté solide qui a permis à @antidietriotclub de lancer le festival.
Sur Instagram, des sympathisantes américaines demandaient le soir même si une édition US pourrait voir le jour. Les projets de Becki et Harri ne se concentraient pour l’instant qu’au Royaume-Uni et étaient bien plus restreints (conférences, rencontres autour d’un verre avec leurs followers). Les deux femmes tiennent là un festival qui ne demande qu’à être reconduit et reproduit là où se trouve leur communauté. Et pourquoi pas en France ?
Briser le mythe de la beauté
“Si vous ne quittez pas cet événement en colère, vous faites partie du problème”, ai-je entendu Imogen Fox prononcer plus tôt. Pour elle, il est capital de s’insurger et d’être plus radical. Intrigué, je lui demande de développer en tête à tête : “Personne ne devrait dédier sa vie à courir après la beauté. Le capitalisme a besoin qu’on soit dans cette quête du beau en permanence alors que se battre pour des droits ça ne fait pas vendre, ce n’est pas joli. C’est simple : prenons nos responsabilités ! Arrêtons d’aller dans les boutiques qui excluent toutes les personnes grosses par exemple”.
Au fil de la journée, on nous conseille aussi d’aller s’acheter un sex-toy, de payer pour du bon porno et de réfléchir à notre libre arbitre en sortant. Quant à moi, je repars du festival avec assez d’énergie pour changer le monde, une invitation à tester un cours de strutology avec Zoe et Badass Women de Meghan Trainor dans les oreilles.
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