À Briançon, ce prof en filière professionnelle a choisi de fédérer ses élèves autour d’un projet patrimonial. À découvrir dans Le Monde en face : Au bonheur d’être prof, mardi 28 janvier à 20 h 50 sur France 5.
Rien ne vous destinait à enseigner ?
Gérard : Non, j’ai eu pendant sept ans un négoce de machines à bois que j’ai finalement revendu pour devenir inspecteur dans un organisme de certification : j’étais en charge de la conformité des bâtiments, des structures. Le lycée de Briançon (05), que je contrôlais, cherchait un enseignant pour son CAP Maintenance des bâtiments de collectivités. J’ai passé des entretiens au rectorat et j’ai été retenu.
En septembre 2009, vous intégrez le lycée de Briançon. Qui sont vos élèves ?
Des jeunes de seconde, première, terminale : plutôt âgés, au parcours souvent difficile. Mais ce n’est pas la banlieue de Marseille : je suis privilégié, avec 16 jeunes par classe, je ne galère pas comme la majorité des collègues dans le pays. J’ai des élèves issus de Segpa*, d’autres en placement judiciaire… et deux à quatre migrants par an, généralement de Guinée Conakry ou du Cameroun. Des gamins merveilleux : ils ont vécu l’horreur mais ils sont très enthousiastes.
Comment avez-vous réussi à motiver ces jeunes ?
Je me suis inspiré du projet lancé en 2008 par un collègue, Denis Vialette, et des élèves, pour remettre en service la vieille horloge du lycée. À Briançon, nous avions un édifice classé au patrimoine mondial de l’Unesco, la Collégiale. Pour son tricentenaire en 2018, nous avons décidé de restaurer la visite, à l’époque interdite au public, des tours et des combles de l’édifice. Pour cela, nous avons mis à contribution pendant dix ans les élèves de la filière pro, BTS, CAP, Bac pro…
Ce chantier concret et valorisant a été la clé de leur motivation ?
Plutôt que de travailler en ateliers sur des maquettes qui étaient détruites à la fin de la semaine, ils ont participé à la restauration d’une partie du patrimoine. En plein hiver quand le bus était bloqué au dépôt par la neige, certains élèves faisaient en stop les 40 km jusqu’au lycée.
Ce projet vous conduit même à Venise chaque année depuis 2008…
J’y emmène une poignée d’élèves pour restaurer des horloges dans les campaniles de la ville… C’est aussi un prétexte pour faire voyager ceux qui n’ont jamais quitté le département.
C’est quoi la réussite pour vous ?
C’est de voir ces gamins sortir avec un CAP, le compléter par un autre CAP et trouver un super boulot. Ou alors voir cet autre jeune résister à l’argent facile, s’accrocher et partir en apprentissage chez les compagnons quand son grand frère dealer gagne quatre fois mon salaire. Ce sont de belles victoires.
* Section d’enseignement général et professionnel adapté.
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