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Organes internes entièrement ou partiellement remplacés, peau et visage réparés, nerfs substitués… les transplantations peuvent désormais s’effectuer sur presque tout notre corps. Et ce n’est pas fini. Alors que l’Agence de la biomédecine vient d’indiquer que les greffes d’organes sont reparties à la hausse en 2019, on fait le point.
Les greffes comptent parmi les plus extraordinaires avancées de la médecine. D’ailleurs, en 2014, 70 % des Européens interrogés (sondage Ifop pour l’Inserm) les désignaient comme l’innovation la plus importante des cinquante dernières années. Ce champ d’activité n’a cessé de se réinventer, porté par les progrès conjugués des gestes et du matériel chirurgical, de la bio-ingénierie, c’est-à-dire la fabrication de substituts biologiques aptes à remplacer tout ou partie d’un organe, et de la recherche en immunologie qui permet de minorer les phénomènes de rejet. Dans la foulée des greffes de visage totales réalisées en Espagne et en France en 2010, beaucoup d’incroyables « premières » ont émaillé la dernière décennie. Et celle qui se profile devrait nous en réserver au moins autant.
Trachée : une bouffée d’air frais
Paris ne s’est pas fait en un jour, les progrès en matière de greffe non plus ! Il a fallu vingt ans à Emmanuel Martinod, professeur de chirurgie thoracique à l’Hôpital universitaire Avicenne (Bobigny) et professeur à l’UFR de santé, médecine et biologie humaine de l’université Paris-XIII, pour conclure en 2018 à la réussite des greffes de trachées qu’il avait effectuées à partir d’aortes, les plus grosses artères de l’organisme. Prélevées sur des donneurs décédés, cryogénisées, elles ont été transplantées avec une endoprothèse, qui agit comme un tuteur, chez des patients dont la grande majorité était obligée de vivre avec une trachéotomie. Les résultats des interventions ont finalement dépassé les espérances de l’équipe qui les a initiées. « L’aorte s’est rapidement recolonisée en épithélium et en cartilage, tissus qui sont les constituants de la trachée, et s’est mise spontanément à assumer ses fonctions respiratoires. Et on a pu par la suite enlever l’endoprothèse », confie Emmanuel Martinod. Ce procédé extrêmement sophistiqué présente en outre l’avantage de ne pas nécessiter de traitement antirejet.
Cœur : de battre, il n’est plus arrêté
En 1967, la première greffe de cœur mondiale effectuée par Christiaan Barnard a écrit une nouvelle page de l’histoire de la santé et a ouvert la voie à d’autres exploits. En 2019, deux personnes ont reçu un cœur encore « vivant » au CHU de Lille. Un dispositif de transport venu des États-Unis, l’Organ Care System, qui alimente en continu l’organe en sang oxygéné et lui permet de se comporter comme s’il était « vivant » (contrairement au traditionnel caisson de glace), a permis une telle intervention. Cette technique rallonge d’au moins 50 % le temps de conservation du greffon avant implantation. Déjà adoptée dans de nombreux pays, la méthode a plusieurs avantages, notamment celui de donner la possibilité d’aller chercher des organes géographiquement plus éloignés et de relancer et maintenir en activité des cœurs déjà arrêtés. « C’est intéressant car cela élargit le spectre des greffons ‘éligibles’ et donc des donneurs potentiels. Jusqu’à aujourd’hui, nous étions obligés de nous limiter à ceux en état de mort cérébrale mais dont le cœur battait encore », commente notre expert. D’autres perspectives se dessinent grâce à des scientifiques de l’université de Tel-Aviv, qui ont réussi à imprimer un prototype de cœur en 3D, fabriqué à partir de tissus et de vaisseaux humains. « C’est une piste d’avenir. Nos années 2010 sont marquées par une baisse du nombre de greffons disponibles, tous organes confondus. Pour compenser cela, dans cinquante ans, on travaillera beaucoup avec les ‘organes ex vivo’, c’est-à-dire entièrement produits en laboratoire. Et le foie sera certainement le premier avec lequel on y parviendra. Ce sera sans doute plus complexe pour le cœur car c’est un muscle très perfectionné avec des cavités« , prédit Emmanuel Martinod.
Rein : la vessie en bonus
En 2015, des chercheurs japonais ont créé des reins artificiels à partir de cellules souches humaines. S’ils ne sont pas les précurseurs dans ce domaine, ils ont néanmoins marqué les esprits car leurs « inventions » ont la particularité d’avoir des capacités physiologiques similaires à celles des vrais organes. Contrairement à leurs prédécesseurs, ces substituts de synthèse peuvent filtrer le sang mais également évacuer l’urine, grâce à une vessie artificielle synchronisée avec la vessie naturelle. La technique, testée avec succès chez les souris et les cochons, pourrait prochainement s’appliquer à l’homme.
Nerfs : la mobilité retrouvée
Les greffes ne se limitent pas aux organes. Une équipe australienne a récemment redonné à des jeunes tétraplégiques victimes d’accidents la faculté d’utiliser leurs bras, d’attraper et de manipuler des objets, en prélevant certains de leurs nerfs encore « valides » et en les leur implantant au niveau des membres supérieurs. Grâce à cette intervention, ils peuvent exécuter seuls beaucoup de gestes du quotidien, comme se déplacer en fauteuil roulant. Ce même protocole de réinnervation peut se décliner au niveau des cordes vocales, en déviant un nerf du cou afin de redonner la parole à des personnes qui en sont privées.
Cellules de pancréas : une victoire contre le diabète
Dans le cadre d’un projet mené par le CHU de Grenoble, des chercheurs ont implanté chez quarante-six patients, par le biais de plusieurs greffes, des îlots pancréatiques sains destinés à remplacer ceux détruits par le diabète de type 1 chez des patients sévèrement atteints par l’affection. Parmi eux, 63 % ont vu leur état s’améliorer et 23 % n’ont même plus besoin de s’injecter d’insuline. « Sur le papier, ce style de greffe semble relever de l’évidence et on pourrait se demander pourquoi ça n’a pas été fait avant. Mais dans la pratique, isoler ces fameuses cellules est très complexe et les maintenir en vie, encore plus, parce que l’on est confronté à beaucoup de réactions immunologiques », précise le professeur Martinod.
Excréments : le microbiote de substitution
La flore intestinale, c’est-à-dire l’ensemble des bactéries vivant dans notre tube digestif, est au cœur des préoccupations de la recherche scientifique. Aujourd’hui, la greffe fécale, qui consiste à transférer les excréments d’un donneur sain chez un receveur, est réservée au traitement de l’infection récidivante à Clostridium difficile. Mais on pourrait prochainement l’employer pour soigner la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Un essai sur son efficacité est en cours à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris.
Peau : toujours plus
Il y a deux ans en Allemagne, des médecins ont greffé à un petit garçon souffrant d’épidermolyse bulleuse, une maladie génétique rare, un épiderme reconstitué à partir de cellules souches adultes, sur une surface correspondant à 80 % de son corps. Dans l’Hexagone, l’équipe Génodermatose de l’I-Stem à Évry-Val-d’Essonne planche sur une peau universelle qui pourrait être greffée à tous, sans provoquer de réaction du système immunitaire. Les grands brûlés, les diabétiques souffrant d’ulcères et les individus affectés par la drépanocytose, une maladie génétique de l’hémoglobine, pourraient en bénéficier. Enfin, en associant un système d’imagerie à une bio-imprimante 3D, des Américains ont réussi à imprimer de la peau couche par couche directement sur des plaies de souris et de cochon.
La technique semble sans limite même si aujourd’hui, il demeure parfaitement impossible de transplanter un cerveau. À la vitesse où avance la science, rien n’interdit cependant d’espérer qu’un jour, on saura greffer des neurones.
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