La mécène Maja Hoffmann, qui a fait d’Arles son terrain de jeux culturels, a rouvert le mythique hôtel L’Arlatan, réinventé par l’artiste Jorge Pardo. Unique !
Une explosion de couleurs au sol : c’est ce kaléidoscope qui attire immédiatement l’œil dans ce bâtiment historique, plus habitué aux fouilles archéologiques qu’aux folies d’un artiste cubain. Pour les 6 000 m2 de mosaïques conçues au Mexique (onze formes et dix-huit couleurs interchangeables), “il a fallu rouvrir une ancienne usine pour produire de telles quantités”, raconte la manager de l’hôtel. Tout, dans ce lieu, évoque la démesure.
Un hôtel conçu comme une œuvre d’art
De l’histoire de ce “palais des souverains de Provence”, construit sur les ruines de la basilique qui jouxtait les thermes de Constantin à l’époque romaine, à son rachat en 2014 par la Suissesse Maja Hoffmann, mécène, collectionneuse d’art et réalisatrice. Particulièrement discrets sur leur patronne, qui a créé la fondation Luma à Arles, les employés de l’hôtel racontent l’histoire d’un coup de foudre entre une mécène et un artiste cubain exilé au Mexique : “Quand elle a découvert son œuvre, elle a su que ce serait à lui qu’elle confierait la réalisation de L’Arlatan.” Une carte blanche qui s’est muée en œuvre globale, des luminaires aux portes. Jorge Pardo s’est glissé dans ce bâtiment classé et protégé pour le remplir d’œuvres d’art fonctionnelles. Chaque penderie ou bureau est unique, produit dans les usines de l’artiste à base de bois tropical de guanacaste, l’arbre national du Costa Rica. Il a également imaginé un jardin tropical dans la cour provençale – l’araucaria, aussi appelé désespoir des singes, s’y mêle aux bananiers, magnolias à grandes fleurs et autres figuiers nains qui entourent une piscine recouverte de mosaïques. Un hôtel comme objet d’art, barré, chatoyant : un spectacle vivant.
Le spectaculaire bar de l’hôtel, en sous-sol du restaurant. Les murs verts, les appliques jaunes et les suspensions violettes changent de tonalités avec les variations de la luminosité. Tabourets “Bishop” d’India Mahdavi, canapés et fauteuils “Olso” de Muuto et tables d’Alvar Aalto, Artek.
La salle du restaurant, dont la carte est signée Armand Arnal, reprend les codes de l’hôtel : mosaïques au sol, panneaux de bois ajourés et peints à la main, luminaires en plastique reprenant les codes des piñatas mexicaines. Dans les pièces à vivre, le mobilier a été chiné par la galerie Nilufar ou provient de la collection personnelle de Maja Hoffmann. Au loin, bibliothèque de Jorge Zalszupin de 1960.
Dans les pièces à vivre, de nombreux salons se succèdent, dans un esprit “comme à la maison” souhaité par Jorge Pardo. Ici, canapé, table basse et fauteuils vintage choisis par la galerie Nilufar.
Certaines chambres, construites contre le mur de l’ancienne basilique des thermes de Constantin, offrent un évident contraste entre les époques. Les courbes des banquettes et de la tête de lit conçues par l’artiste répondent au miroir dont le rond se dédouble.
Dans une chambre, le rocking-chair conçu par l’artiste, devant une “porte œuvre d’art”. La photo a été décalquée sur bois, puis peinte et, enfin, gravée.
Les salles de bains sont aussi des œuvres complètes, avec des mosaïques qui montent au plafond et une porte gravée et peinte à la main sur laquelle Jorge Pardo est venu appliquer son dernier coup de pinceau et sa signature.
Dans le couloir qui mène aux chambres, les luminaires font office de sculptures en plastique, reflétant le soleil sur les murs bleus. Les près de deux millions de fragments de mosaïque conçues par Salisa Construcciones au Mexique ont été posés par l’entreprise arlésienne Tonello.
La porte d’entrée unique, utilisée comme une toile de tableau, d’une des dix-neuf chambres que compte l’hôtel.
Reportage paru dans le Marie Claire Maison numéro 512 octobre 2019
Reportage : Bérengère Perrocheau
Photos : Vincent Thibert
Source: Lire L’Article Complet