Après avoir été reporté à deux reprises, le procès de l’ex-magnat d’Hollywood s’est enfin ouvert ce lundi 6 janvier. Seules deux femmes ont pu officiellement porter plainte contre lui. Parmi elles : Mimi Haleyi, une ancienne assistante de production qui compte bel et bien faire payer au producteur le cauchemar qu’il lui aurait fait subir en 2006.
Harvey Weinstein face à la justice. Reporté à deux reprises, le procès de l’ancien magnat d’Hollywood s’ouvre ce lundi 6 janvier pour environ six semaines. Depuis les premières révélations du New York Times début octobre 2017, plus de 80 femmes – dont des célébrités comme Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie ou Léa Seydoux – ont accusé l’Américain de 67 ans, un faiseur d’Oscars longtemps vénéré, de les avoir harcelées ou agressées sexuellement.
Pour autant, le procès qui s’ouvre ce lundi ne concerne directement que deux d’entre elles : Mimi Haleyi, ex-assistante de production, et une autre femme dont l’identité n’a pas été révélée. Preuve qu’il est difficile de construire un dossier pénal sans preuve matérielle et sans témoin, autour de faits remontant souvent à plusieurs années.
Humiliée à Cannes
C’est en 2004 que Mimi Haleyi (Miriam Haleyi, de son nom complet) rencontre pour la première fois Harvey Weinstein lors de l’avant-première européenne d’Aviator. Elle a alors «une vingtaine d’années». Deux ans plus tard, au Festival de Cannes, leurs chemins se recroisent. À l’époque, la jeune femme est à la recherche d’un poste d’assistance de production à New York. «J’ai demandé à Harvey si je pouvais l’aider sur certaines de ses productions», confie-t-elle, d’une voix tremblante, lors d’une conférence de presse le 24 octobre 2017. Ce à quoi le cofondateur de Miramax lui répond : «Pourquoi ne pas venir me voir à mon hôtel pour en parler ?».
Un après-midi, Mimi Haleyi se rend à l’hôtel cannois où se trouve toute l’équipe de la Weinstein Company, la société de production que Harvey Weinstein et son frère Bob ont créée en 2005. «Un(e) assistant(e) m’a conduite dans la chambre d’Harvey puis est parti(e). Après quelques minutes de politesse et à échanger, Harvey m’a soudainement demandé si je pouvais lui faire un massage, assure-t-elle dans sa déclaration. Je lui ai dit : « Non désolée, je ne suis pas masseuse », et je lui ai suggéré de contacter la réception pour cette demande.» Mais le producteur de Pulp Fiction et The Artist insiste. Humiliée, Mimi Haleyi finit par quitter en pleurs la chambre d’hôtel. «Je sentais que le rendez-vous n’allait mener nulle part alors je suis partie.»
En vidéo, Harvey Weinstein : la chute d’un magnat du cinéma
« Il a littéralement forcé ma porte »
Mimi Haleyi donne une conférence de presse pour témoigner de l’agression sexuelle qu’elle a subie. (New York, le 24 octobre 2017.)
À sa grande surprise, Harvey Weinstein la recontacte pour lui proposer du travail sur un programme télévisé à New York. Mimi Haleyi accepte l’opportunité. Durant le tournage du show, la jeune femme ne rencontre pas le producteur. Alors, quand celui-ci prend fin, elle décide de lui envoyer un mail pour le remercier. Harvey Weinstein lui signale qu’il a reçu d’excellents retours sur son travail et lui propose de la revoir pour «discuter» dans le hall de l’hôtel Mercer, dans le quartier de Soho à Manhattan. Cette fois, l’entrevue se passe sans encombre. Le magnat d’Hollywood se montre même très agréable. «Il était absolument charmant et se conduisait comme un vrai gentleman», se souvient la principale intéressée devant la presse en 2017, assise à côté de son avocate Gloria Allred, figure de la lutte contre les agresseurs sexuels.
Quelques jours plus tard, rebelote. Mimi Haleyi retrouve Harvey Weinstein au siège de sa société. Ce dernier évoque ses derniers projets, parmi lesquels le film Factory girl et sa stratégie pour relancer la maison de couture Halston. «Harvey m’a aussi prêté le livre Tendre est la nuit de Francis Scott Fitzgerald, avant de me faire raccompagner chez moi par un(e) assistant(e)», poursuit-elle. Néanmoins, peu de temps après, les choses s’accélèrent. Le producteur demande à Mimi Haleyi de l’accompagner à Paris pour un voyage. La proposition est alléchante. Au menu : jet privé, chambre au luxueux Ritz et défilés de mode. Mais la jeune femme se méfie. «J’ai refusé car cela ressemblait à une invitation romantique.» La réaction de Harvey Weinstein ne se fait pas attendre : il est furieux. «Il n’a pas arrêté de m’envoyer des messages et de m’appeler. En une journée, il est venu deux fois là où je logeais dans l’East Village. Il a littéralement forcé ma porte pour me supplier de venir avec lui à Paris, raconte la plaignante. Alors, je lui ai dit : « Je ne viendrai pas à Paris avec toi. J’ai appris que tu avais une horrible réputation avec les femmes. »» La cinglante réplique de Mimi Haleyi fait mouche chez Harvey Weinstein, qui décide de s’en aller sur le champ.
Un cunnilingus forcé
À son retour de France, Harvey Weinstein recontacte Mimi Haleyi. Il lui propose de se voir cette fois chez lui. L’assistante de production accepte pour rester en bons termes avec le producteur, «réputé pour faire la pluie et le beau temps à Hollywood» comme le rappelle Franceinfo. Dans la voiture privée qu’il envoie chez elle, un exemplaire du New York Post est posé sur la banquette arrière. Mimi Haleyi y aperçoit une photo du producteur et de sa compagne de l’époque, Georgina Chapman. «Je me suis demandé s’il l’avait placée stratégiquement pour me faire sentir que j’avais manqué quelque chose.»
Une fois arrivée à destination, la jeune femme regarde brièvement la télévision avec Harvey Weinstein. «Très vite, il s’est mis à me faire des avances sexuelles», énonce Mimi Haleyi, en pleurs. Puis d’enchaîner : «Je lui ai dit que j’avais mes règles et que rien ne se passerait entre nous.» Le producteur ne veut rien entendre. Selon les dires de la victime présumée, l’homme la pousse dans une petite pièce sombre où des dessins d’enfants sont accrochés aux murs. «Il m’a poussée et allongée dans le lit. Je n’arrêtais pas de lui dire d’arrêter mais c’était impossible. Il était extrêmement insistant et imposant physiquement. Il m’a imposé un cunnilingus alors que j’avais mes règles. J’étais mortifiée. Je n’aurais laissé personne faire ça, même pas mon compagnon.» Après quoi, Harvey Weinstein se serait allongé sur le dos en lançant : «Ne trouves-tu pas que nous sommes plus proches l’un de l’autre maintenant ?»
Un comportement sexuel « prédateur »
Mimi Haleyi et son avocate Gloria Allred, figure de la lutte contre les agresseurs sexuels. (New York, le 26 octobre 2017.)
Pour ces faits commis en juillet 2006, Harvey Weinstein est poursuivi pour «acte sexuel forcé» datant de juillet 2006. Ce dernier, lui, nie les faits. Ses avocats ont d’ores et déjà produit des documents censés attester que les victimes présumées ont continué à avoir des relations avec le producteur des années après les faits allégués, rapporte France Inter.
La seconde plaignante – demeurée anonyme – accuse, quant à elle, Harvey Weinstein de l’avoir violée dans une chambre d’hôtel à Manhattan, le 18 mars 2013. Un acte consenti, selon la défense du présumé serial agresseur sexuel de Hollywood. Son premier avocat, Benjamin Brafman (qui s’est retiré de l’affaire depuis), affirme ainsi que la plaignante entretenait une relation «depuis des années» avec le producteur.
Modifié en août, l’acte d’accusation inclut une troisième femme : l’actrice Annabella Sciorra, qui affirme avoir été sexuellement agressée par Harvey Weinstein en 1993. Si les faits la concernant sont prescrits, ils doivent permettre à l’accusation d’étayer le chef d’inculpation de comportement sexuel «prédateur», ce qui fait risquer la perpétuité au producteur de 67 ans, précise l’AFP. Une condamnation de l’ex-patron du studio Miramax serait une victoire majeure pour le mouvement #MeToo et l’organisation Time’s Up née dans son sillage, qui combat harcèlement sexuel et discrimination à Hollywood et au-delà. Dans un communiqué adressé ce vendredi 3 janvier, 25 des accusatrices du producteur déclarent : «Ce procès est crucial pour montrer que, partout, les prédateurs doivent rendre des comptes, et que briser le silence peut apporter de vrais changements.»
Sur les traces de Harvey Weinstein
Né dans le Queens, à New York, Harvey Weinstein est le fils du tailleur de diamants Max Weinstein. Il étudie à l’université de Buffalo et fonde en 1979 la société Miramax Films, au côté de son frère Robert. (New York, le 21 avril 1989.)
Célèbres dans les années 1980 et 1990 pour leur production de films indépendants – comme ceux de Steven Soderbergh ou Quentin Tarantino – ils remportent leur première Palme d’or en 1990, pour Sexe, mensonges et vidéo. (Avec Robert Weinstein, New York, le 21 avril 1989.)
En 1997, les deux frères raflent leur premier Oscar pour Le Patient anglais, d’Anthony Minghella. Harvey est bien plus présent que Bob sous les feux des projecteurs. (New York, 1994.)
Le tout-puissant Harvey Weinstein est de toutes les soirées mondaines, où se côtoient les grands pontes de Hollywood. (Avec Tom Cruise, New York, le 3 mars 1998.)
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