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Alexandra, une quinqua dynamique, fait partie des 400 donneurs de voix à l’association Valentin Haüy qui enregistrent chaque année plus de 1600 livres destinés aux non-voyants, un activité gratifiante pour ceux qui aime lire et aider les autres. Alexandra raconte.

Alexandra, 51 ans, s’est engagée il y a 13 ans auprès de l’association Valentin Haüy lorsque sa grand-mère de 90 ans, qui dévorait les livres, a perdu la vue. Elle n’a malheureusement pas eu le temps de lui faire découvrir l’enregistrement de son premier livre. Mais cela ne l’a pas empêchée de poursuivre cette activité bénévole qui lui apporte tant. Comme une musicienne, elle adore donner vie et couleurs aux mots…

“Je déguste chaque livre comme un bon vin”

“Je fais partie de cette génération qui a grandi avec trois chaînes de télévision… et la bibliothèque rose, puis verte, qui me sauvait de l’ennui les jours de pluie. L’amour des livres me vient sans doute de ma mère, qui avait une formation de professeure de français. Je me souviens comme hier des histoires qu’elle nous racontait le soir en y mettant le ton. J’ai poursuivi le même rituel avec ma fille… Mon addiction pour les séries n’a nullement freiné ma soif de lire. Je lis sur une liseuse électronique, partout, tout le temps, même dans la rue en marchant ! C’est ma cousine, très engagée dans le bénévolat, qui m’a donné l’idée de contacter l’association Valentin Haüy lorsque je cherchais une solution pour égayer le quotidien de ma grand-mère. J’ai attendu le casting avec impatience. Il fallait tester ma voix, son intonation, sa modulation. Peu importe qu’elle soit grave ou aigüe, du moment qu’elle est vivante, que l’émotion passe. Par chance, je suis tombée sur un merveilleux roman qui m’a fait beaucoup d’effet ! Je n’ai pu m’empêcher de verser une larme en découvrant les premières pages. Un mois plus tard, j’apprenais que j’avais été retenue… Le bonheur ! Pourtant, de même que je n’aime pas me voir en photo, je ne suis pas spécialement fan de ma voix !

“Je garde à l’esprit que je ne viens pas lire pour moi ”

J’ai commencé à venir m’enregistrer il y a 13 ans, à raison de deux heures par semaine. J’ai choisi le créneau du mardi, de 11h à 13h : en milieu de matinée, ma voix est échauffée et je sais que je peux déborder un peu sur l’heure du déjeuner. On ne vient pas avec son livre, on en choisit un dans la bibliothèque de l’association. Les nouveaux livres sont sélectionnés par un comité de lecture en fonction de leur date de parution, de leur diversité. Il y a de tout : des romans (policiers, historiques, “de gare”, classiques ou contemporains), de la politique, des biographies, des livres de cuisine ou pour enfants, en passant par les derniers prix littéraires. Je me force à emprunter toutes sortes de livres. En tant que bénévole, je dois m’adapter à la demande. Il faut qu’il y en est pour tous les goûts. Cela m’a permis de renforcer ma culture générale et de découvrir des genres auxquels je ne me serais jamais intéressée, comme la science-fiction. Un jour, je me suis surprise à emprunter “La femme de papier” de Françoise Rey. Certains non-voyants sont très friands de littérature érotique. A la dixième page, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que c’était carrément pornographique ! C’est une lecture intime, lire à voix haute me mettait mal à l’aise. Il fallait me forcer à gémir. Je pensai à la tête de la secrétaire qui allait vérifier mon enregistrement. Comique ! Pour la première fois, j’ai failli renoncer à poursuivre. Je me suis motivée en me rappelant pourquoi je le faisais.

“Lire à voix haute demande de l’entraînement”

La première année, je ne choisissais que de petits livres, par peur de me lancer dans des “pavés”. Et j’emportais le livre à la maison, pour m’entraîner. La plupart des livres ne sont pas écrits pour être lus à voix haute. Il y a aussi beaucoup de traductions étrangères. J’avais la hantise de buter sur un mot, de bloquer sur une phrase. Pour être agréable, la lecture doit être fluide. On doit sentir l’émotion, la joie, la tristesse, la colère. Pas toujours facile de se concentrer dans une petite cabine d’enregistrement type Photomaton. Il faut apprendre à synchroniser la vue, la voix – dont les variations sont visualisées sur un écran – et l’esprit, qui a tendance à s’échapper lorsqu’il s’ennuie. Impossible de sauter les passages qui nous intéressent moins ! Lorsque j’ai commencé, je me référais sans cesse au mémo pour identifier les commandes sur le clavier numérique : 2 pour arrêter, 5 pour enregistrer, + pour revenir à la dernière coupure, 6 pour revenir doucement en arrière et écouter mot à mot, 8 pour marquer un chapitre, 9 pour enregistrer définitivement… Aujourd’hui, mes doigts connaissent les touches spontanément. Mon esprit n’a plus à faire le travail.

“Je me mets à la place du non-voyant”

Lorsque je commence l’enregistrement d’un livre, je lis la page de garde présentant l’association et les droits d’utilisation, l’auteur, le traducteur, l’illustrateur et.. le donneur de voix. Bizarrement, il m’arrive souvent d’oublier de me mentionner. Heureusement qu’il y a des vérifications ! A chaque séance, un technicien cale ma voix sur la bande pour qu’elle ait la même qualité sonore que les fois précédentes. Dans les livres pour tout-petits, il y a peu de texte et beaucoup d’images. Quand un enfant n’a jamais vu un dragon, il faut pouvoir le lui expliquer avant de le nommer. Je m’efforce aussi de ne pas oublier les notes en bas de page, de décrire minutieusement les graphiques (en expliquant ce qu’est un “camembert” dans un manuel d’économie) ou les photos quand il y en a. Récemment, j’ai enregistré “4 groupes sanguins, 4 régimes” du Dr Peter J. d’Adamo. Un ouvrage scientifique qui m’a demandé beaucoup d’investissement. En deux heures, on enregistre une cinquantaine de pages et une heure de lecture “pleine”. Il faut donc en moyenne cinq ou six séances (de deux heures) pour lire 250 pages, soit environ deux mois. En fonction de la taille du livre, j’enregistre une moyenne de cinq livres par an, d’autant que je m’absente les deux mois d’été. J’attends toujours avec impatience la séance suivante. Il me tarde de découvrir la suite ! J’ai aussi beaucoup de plaisir à côtoyer les non-voyants. J’admire la dignité dont ils font preuve malgré la fatalité qui les a frappés en leur imposant ce handicap, qui pour moi serait peut être insurmontable…Depuis que je suis bénévole pour l’association, je soutiens l’Union Des Aveugles et Déficients Visuels (UNADEV) qui finance le dressage de chiens guides pour aveugles et malvoyants. Et, bien sûr, je n’hésite plus jamais à leur proposer mon aide dans la rue ou le métro…”

(1)Pour accéder : https://www.avh.asso.fr/fr/mediatheque

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