• Depuis le 12 novembre, Paramount + et MTV France diffusent la téléréalité « Frenchie Shore », adaptée d’un format américain.
  • L’émission donne à voir les festivités et les ébats de dix candidats au sein d’une « luxueuse villa du Cap d’Agde où tout peut arriver ».
  • Certains habitants, qui regrettent une « publicité déplorable », se seraient bien passés de ce coup de projecteur sur la station balnéaire.

Si on vous parle du Cap d’Agde, à quoi pensez-vous ? A : A la plage de la Grande Conque ? B : Au naturisme ? C : Au libertinage ? Si vous répondez C, sachez que cette image hérisse le poil de certains Agathois et Agathoises, exaspérés d’être réduits à cette réputation olé olé. Un vieux courroux ravivé par la téléréalité Frenchie Shore, diffusée depuis le 12 novembre sur Paramount + et MTV France.

Particulièrement trash, le programme déconseillé aux moins de 16 ans a été tourné cet été dans cette commune du bord de mer de l’Hérault, sur la foi de promesses aguicheuses. « Cinq hommes et cinq femmes, entre 20 et 30 ans, choisis pour leur personnalité extravagante, leur tempérament et leur style de vie excentrique vont passer des vacances mémorables dans une luxueuse villa du Cap d’Agde où tout peut arriver », indique le communiqué de presse. Le résultat est à la hauteur des attentes : les épisodes donnent à voir les festivités des candidats, mais aussi les rapports sexuels qu’ils pratiquent sous l’œil des caméras de la maison, tout juste floutés.

« Le Cap d’Agde nous a paru assez vite comme une évidence »

« Ça fait du bruit et ça ne plaît pas du tout », assure une habitante à 20 Minutes. Qu’ils aient vu le programme ou non, beaucoup de résidents racontent en avoir entendu parler d’une manière ou d’une autre, par le bouche-à-oreille ou à travers les images qui tournent sur les réseaux sociaux. « C’est un peu abusé, ils sont allés au-delà de ce qu’une téléréalité montre d’habitude, commente une commerçante de la commune. C’est un peu choquant. » Dans un long post Facebook, le compte d’actualité locale anonyme « Les scandales d’Agde » dénonce une « pub dont on se serait bien passé » : « A croire qu’il n’y avait pas meilleur endroit, aux yeux de spécialistes de l’audiovisuel en quête d’audience, que le Cap d’Agde pour filmer des individus s’exprimer avec une vulgarité sans bornes et faire montre de comportements obscènes. »

« Le pitch de l’émission, c’est dix jeunes qui partent faire la fête et travailler, détaille David Maceira, le producteur artistique. On était à la recherche d’un lieu où on pouvait faire toutes ces choses-là, qu’il soit aussi festif et plutôt sur le littoral. On a visité pas mal de villas dans plusieurs villes et le Cap d’Agde nous a paru assez vite comme une évidence ».

Selon une Agathoise, ce choix n’a « rien d’un hasard » et surfe sur l’image libertine de la commune. David Maceira s’en défend. « On n’a pas du tout été là-bas pour cette vision du Cap d’Agde. On a tourné dans des endroits classiques, « textiles » comme on pourrait dire, qu’on aurait pu retrouver ailleurs. L’idée n’a jamais été d’aller tourner dans le village naturiste ou d’être assimilé à cette image-là. En plus, Agde n’axe pas sa communication sur cette partie-là. C’est une station balnéaire festive. »

De son côté, l’office du tourisme précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’une « action de promotion » de leur part. « C’est une production privée, c’est complètement indépendant de l’office du tourisme qui n’a rien à voir avec ça et qui n’a pas été consulté. Nous ne sommes absolument pas intervenus là-dedans », insiste le service de communication.

« Une publicité déplorable »

La majorité municipale (Les Républicains), qui n’a pas souhaité répondre aux questions de 20 Minutes malgré plusieurs relances, a été informée du tournage de l’émission, avance la production. « En amont, on leur a expliqué qu’on voulait tourner une téléréalité avec dix jeunes qui font la fête. Ensuite, on les informait tous les jours des endroits où on allait tourner, ainsi que des créneaux horaires. On prévenait également la police », complète David Maceira. Au-delà des séquences tournées dans la villa, les candidats se rendent en effet dans différents endroits de la ville et de la région, des bars de plage, un parc d’attractions, des discothèques ou encore une poissonnerie.

Le producteur évoque un tournage qui s’est déroulé « à merveille ». « Tout s’est très bien passé, que ce soit avec les gens avec qui on travaillait mais aussi dans les commerces, dans les restaurants etc. Certains d’entre eux connaissaient déjà le format et ça les amusait de nous recevoir. Sur le tournage on a eu que des retours positifs », se réjouit-il.

« Moi, l’émission je m’en fiche un peu. Le problème, c’est la réputation sulfureuse que ça donne à la ville », nous glisse une habitante. Au cœur des inquiétudes : le potentiel amalgame entre le programme et l’image de la station balnéaire. « Chacun aura constaté que le Cap d’Agde est la première victime. Il y a en effet fort à parier que le seul fait de lier ainsi Frenchy Shore (sic) au Cap d’Agde fera une publicité déplorable à notre commune, devenue plus que jamais un lieu sulfureux où « tout peut arriver » », regrette « Les scandales d’Agde ».

Du côté d’un camping « textile » des environs, on tempère. L’émission « ne reflète pas forcément » la ville, reconnaît-on, mais ne risque pas pour autant de ternir sa réputation : « C’est le Cap d’Agde, hein, c’est connu pour ça, pour la fête et tout ça. Mais quand on n’en fait pas partie, je ne pense pas que ça puisse nous impacter de façon négative. »

« Ce genre d’émissions pourraient être contre-productives »

Thierry Nadal, élu d’opposition sur la liste Agde juste, verte et sûre, n’a pas eu de remontées sur le sujet. Il comprend néanmoins les inquiétudes. « Pour des gens qui ne connaissent pas le Cap d’Agde et la destination, l’image qu’ils vont peut-être en retirer est celle un peu délétère qui nous colle à la peau depuis plusieurs décennies », « en discordance avec le quotidien des Agathois et des Agathoises », dit-il, ajoutant ne pas avoir vu lui-même le programme.

Un propriétaire de plusieurs établissements festifs pour adultes, lui, est partagé. « Au Cap, c’est libertin, vous avez des passages et des coursives où tout peut arriver… Mais ce n’est pas exposé à la vue de tout le monde. Il y a des gens qui ne viennent que pour ça parce qu’ils savent qu’ils peuvent le trouver ici sans problème. C’est la vérité, il ne faut pas se la cacher », explique-t-il. Néanmoins, il déplore l’image que certains reportages ont pu donner dans le passé. « C’est un cinquième de la réalité, c’est juste pour faire parler. Ce n’est pas une image très représentative ».

« Nuire à l’image de la ville n’était pas le but, rassure le producteur David Maceira. Au contraire, on a pu montrer qu’il y avait une vraie offre diversifiée et qu’en plus le Cap d’Agde ne se résumait pas à sa réputation naturiste. » Il ajoute : « Les images un peu plus osées du programme, en réalité, elles pourraient se passer n’importe où. Elles sont dans la maison et on ne fait jamais le lien entre le Cap d’Agde et les activités des candidats ».

Si une deuxième saison se confirme, la production n’exclut pas de remettre le couvert. Au risque de se faire marquer à la culotte par les Agathois ?

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