- Trois vendredis du mois de septembre, le chœur interprétera sur les marches du Grand Théâtre de Bordeaux l’hymne des nations qui jouent au stade Matmut.
- C’est un véritable défi pour les quarante choristes « d’apprendre en très peu de temps autant de langues différentes » dont certaines « que l’on fait assez peu traditionnellement, comme le Roumain. »
- Le directeur de l’Opéra de Bordeaux Emmanuel Hondré explique que l’enjeu derrière la performance est aussi de « montrer que la culture n’est pas étrangère aux grands enjeux du sport. »
Alexis Duffaure démarre sa séance de travail par les règles de base de prononciation dans chaque langue. En Gallois, « le « ch » c’est le « che » allemand, les « f » se prononcent « v », quand vous avez deux « f », c’est un « f », « th » c’est le « the » anglais… » énumère le chef assistant du chœur de l’Opéra de Bordeaux devant les quarante choristes, qui notent scrupuleusement les consignes.
Réunis mercredi dans une salle de l’auditorium, ils répètent les hymnes des huit nations qui joueront à Bordeaux durant la Coupe du monde de rugby, à savoir les Fidji, l’Irlande, la Roumanie, le Pays de Galles, les Iles Samoa, le Chili, l’Afrique du Sud et la Géorgie. Trois vendredis du mois de septembre, le chœur interprétera sur les marches du Grand Théâtre de Bordeaux l’hymne des nations qui jouent le week-end suivant au stade Matmut, suivi par un chant traditionnel de chaque pays, et La vie en rose d’Édith Piaf qui clôturera le concert. La prestation sera agrémentée d’une performance de la troupe Tango nomade, des circassiens qui évolueront au-dessus du chœur.
« Il restera certainement un petit accent français… »
« Chœur de rugby », une initiative de l’Opéra de Bordeaux sur demande de la ville et de la métropole qui souhaitaient un événement spécial autour de la Coupe du monde de rugby, a été décidée en juin dernier. Et les répétitions n’ont démarré… qu’au début de cette semaine. En dix minutes, l’ensemble des quarante choristes doit être capable d’assimiler la prononciation de chaque chant avant de livrer une première interprétation, qui sera affinée lors de l’ultime répétition. « Nous travaillons minutieusement, syllabe par syllabe, car on ne parle pas du tout la langue natale, donc nous répétons la phonétique jusqu’à ce que ce soit abouti, nous explique Alexis Duffaure. Il faut que des gens dont c’est la langue maternelle puissent comprendre, même s’il restera certainement dans l’interprétation finale un petit accent français, mais ce sera notre touche personnelle que l’on assume. »
Si le chef assistant du chœur rappelle que ses choristes sont rodés à l’exercice, puisqu’ils doivent être capables d’interpréter tout au long de l’année des opéras en Tchèque ou en Russe, il relève tout de même que cette fois-ci, le défi « est d’apprendre en très peu de temps beaucoup de langues différentes » dont certaines « que l’on fait assez peu traditionnellement, comme le Roumain. »
« Des sons que nous ne savons pas faire »
Heureusement, pour cette langue, Alexis Duffaure compte dans sa troupe une Roumaine d’origine, Marilena Florica Goia. Après avoir fui la Roumanie en 1990 à la chute du dictateur Ceausescu, elle a rejoint le chœur de Bordeaux en 1995. « En tant que Roumaine, j’ai du mal à laisser passer une prononciation approximative, c’est pourquoi je me suis permis de proposer d’aider mes collègues », explique-t-elle, remplie d’émotion de pouvoir interpréter son hymne dans sa langue natale. Une aide d’autant plus bienvenue, qu’elle reconnaît aussi « que c’est une langue difficile, parce que c’est une articulation très tonique, il faut vraiment mettre un poids sur la consonne, ce qui n’est pas le cas en Français. »
Alexis Duffaure, qui s’est beaucoup renseigné sur les langues et les cultures de chaque pays dès le mois de juin, ne souffre pas non plus de prononciation approximative. Mais reconnaît que la difficulté varie selon les langues. « Cela dépend en fait du nombre de phonèmes qu’il y a en plus de la langue française. Par exemple, j’ai été très surpris de la difficulté de l’hymne de la Roumanie, et surtout des Pays de Galles [Hen Wlad fy Nhadau, Vieux pays de mes ancêtres), car ils ont des sons que nous n’avons pas, et que nous ne savons pas faire. »
« Quarante voix qui chantent ensemble, c’est comme une équipe »
Au vu de la vitesse d’assimilation des choristes, et de la qualité de l’interprétation dès le premier jet, nul doute que le chœur sera au rendez-vous dès ce vendredi pour la première, et donnera une représentation à faire dresser les poils sur les bras. « C’est un chœur d’opéra très agile et qui sait à peu près tout chanter » salue Emmanuel Hondré, le directeur de l’Opéra de Bordeaux.
A l’origine de ce projet, Emmanuel Hondré explique que l’enjeu derrière la performance est aussi de « montrer que la culture n’est pas étrangère aux grands enjeux du sport. » « Il y a beaucoup de points communs entre les deux : le collectif, l’action, l’inspiration, le rêve… Quand un orchestre, un ballet ou un chœur se produit, c’est aussi un travail d’équipe. » « Quarante voix qui chantent ensemble, c’est comme une équipe, abonde Alexis Duffaure. C’est plein de joueurs qui forment une seule mêlée pour gagner. »
« Peut-être que le public aura envie de chanter avec nous ! »
L’ambition du projet est aussi de pénétrer « dans la culture de chacun de ces pays » en allant plus loin que l’hymne national. C’est pourquoi Emmanuel Hondré a chargé Alexis Duffaure d’aller dénicher des chants traditionnels pour chaque pays. « Je voulais quelque chose qui donne l’identité d’un peuple, explique ce dernier, comme le chant Fidji que l’on va interpréter, Fijian Gospel, qui est un cantique traditionnel que les rugbymen chantent eux-mêmes parfois dans le vestiaire. »
Enfin, le directeur de l’Opéra a aussi voulu représenter la France à la fin de chaque soirée. « J’ai proposé que l’on réfléchisse à ce qui incarnerait la France, en dehors de La Marseillaise. Et nous sommes tombés d’accord sur La vie en rose de Piaf. » Emmanuel Hondré ne cache pas son impatience de découvrir cette prestation dès ce vendredi, « sur la place de la Comédie qui est un lieu incroyable, comme un théâtre extérieur. » « Et peut-être que le public aura envie de chanter avec nous ! » espèrent de concert Emmanuel Hondré et Alexis Duffaure.
« Chœur de rugby », vendredi 8 septembre : Irlande, Roumanie, Pays de Galle, Fidji ; vendredi 15 : Samoa, Chili, Afrique du Sud, Roumanie ; vendredi 29 septembre : Fidji, Géorgie. A 19 heures sur le parvis du Grand Théâtre. Gratuit.
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