- Dans l’épisode de Drag Race France diffusé vendredi sur France 2, chaque candidate avait pour défi de faire un duo drag avec un rugbyman.
- 20 Minutes a recueilli le témoignage de deux de ces sportifs, membres des Coqs festifs, une équipe inclusive, gay friendly, où chaque adhérent, qu’il soit homo, bi ou hétéro, a l’assurance de pouvoir être lui-même sans craindre le jugement des autres.
- « Cela me permettait de casser les codes. Quand on veut me mettre dans une case, je tiens à montrer que je peux faire autre chose. Je suis persuadé qu’on a tous une part de féminité en nous. La question, c’est de l’accepter ou non », nous confie Rayhanne, l’un des joueurs qui s’est prêté au jeu.
Des rugbymen sur un autre terrain. Ce vendredi, dans « Drag Race France », les candidates devaient relever le « maxi-défi » de former un duo drag avec un sportif. En l’occurrence, des joueurs des Coqs festifs, une équipe de rugby inclusive, gay friendly, où chaque adhérent, qu’il soit homo, bi ou hétéro, a l’assurance de pouvoir être lui-même sans craindre le jugement des autres. Comment ont-ils vécu cette expérience en talons hauts ? Qu’ont-il appris sur eux-mêmes et sur l’art du drag ? 20 Minutes a posé les questions à deux des participants. Voici leurs témoignages.
« Je sais que des amis vont me juger. Je leur montrerai qu’il n’y a rien de dramatique »
Rayhanne, 32 ans, est gay. La prochaine saison sera sa septième au sein de l’équipe des Coqs festifs. Avant de découvrir « Drag Race France » l’an passé, il ne s’était jamais intéressé à ce concept. Il a fait équipe avec Piche.
« Je n’avais pas forcément d’appréhension avant d’arriver sur le tournage de « Drag Race France ». Au contraire, j’aimais beaucoup l’idée parce que, en apparence, on me catalogue comme un mec un peu rustre. Là ça me permettait de casser les codes. Quand on veut me mettre dans une case, je tiens à montrer que je peux faire autre chose. Je suis persuadé qu’on a tous une part de féminité en nous. La question, c’est de l’accepter ou non. Ma seule vraie peur, c’était de décevoir, de mal faire. J’ai galéré à marcher en talons, c’est un calvaire. J’avais les plus grosses cuisses, ça n’aide pas. Quand je me suis vu en drag pour la première fois, c’était impressionnant. Je ne l’aurais pas imaginé. J’ai été surpris de ne pas me reconnaître. En regardant de plus près, j’ai vu la précision du maquillage. J’ai compris pourquoi j’étais resté deux heures et demie immobile – je me faisais engueuler parce que j’avais tendance à lever les sourcils, à trop bouger… Ce qui m’a fait drôle aussi c’est quand les autres m’ont dit qu’à partir du moment où je me suis vu maquillé, ma personnalité a changé, je parlais davantage… Comme si j’étais une autre personne.
J’ai appris que derrière chaque drag, il y a une histoire, ça m’a touché. Malheureusement, ce ne sont pas toujours des histoires joyeuses. Personnellement, j’ai un passé pas évident, avec ma famille, au sujet de mon orientation sexuelle, donc je me suis reconnu sur certains points. Je ne dirais pas que j’ai totalement changé, mais j’ai davantage d’estime et de respect pour ce que font les drags qu’avant. J’ai encore des copains aujourd’hui qui me disent : « Je ne regarde pas Drag Race, ce n’est pas pour moi ». Ils veulent faire – je vais utiliser un terme de Grindr [l’appli de rencontre] – les « masc for masc » [pour » masculine for masculine « , lorsqu’un homme gay ou bi estimant correspondre aux critères de virilité exprime sa volonté de ne pas nouer de contact romantique et/ou sexuel avec un homme efféminé]. J’ai été un peu comme ça, sans m’en rendre compte, parce que je pensais que l’émission n’était pas pour moi. Mais je n’avais jamais regardé avant l’année dernière.
Je sais pertinemment que, quand l’épisode va sortir, il va y avoir une sorte de jugement de la part de ces amis. J’ai les épaules solides. Je profiterai de ce moment pour leur montrer que tu peux être masculin, viril, tout ce que tu veux, mais à côté tu peux t’amuser, il n’y a rien de dramatique. Sur le terrain, je peux être un peu « brute », parce que c’est le sport qui veut ça, mais en dehors de ça, je suis quelqu’un de très sympa, je suis un amour. Me mettre en drag m’a permis de montrer une part de féminité, de l’assumer. On se sent plus libéré après. »
« C’était comme une rencontre avec une autre partie de moi »
François, 36 ans, est hétérosexuel et père de deux enfants. Ce musicien, allié de la communauté LGBT et sensible à l’inclusivité, fait partie des Coqs festifs depuis six ans.
« Pour moi, en tant qu’hétéro, il est important d’élever la voix pour défendre la cause LGBT. Les phrases d’un hétéro sont parfois tellement vite dites quand il voit à la télé un gay s’assumer. Là, j’avais l’opportunité de dire à ces gens-là : « ça va, tout va bien. » C’est une transformation physique qui amène à faire parler, à faire agir et réagir. J’ai vécu l’expérience à fond. Avec Sara Forever, on était complémentaires. Cela fait des années que je suis la franchise RuPaul’s Drag Race, donc j’en avais déjà le pressentiment, mais j’ai quand même découvert le professionnalisme qu’implique l’art drag. Il faut savoir se maquiller, s’habiller, danser, jouer…
Quand je me suis vu en drag, c’était très spécial. Contrairement à ce que les autres disent, j’ai réussi à me reconnaître à travers le maquillage. J’ai vu une autre facette de moi, mon aspect féminin, s’exprimer de manière outrancière. Je l’ai perçu comme une rencontre avec une autre partie de moi. Quand on est parent hétéro de base, on a toujours peur qu’un de nos enfants nous dise qu’il est gay. Peur parce que j’ai des copains homos et je sais qu’ils n’avaient pas toujours bien vécu les choses, souvent parce qu’ils n’avaient pas des parents bienveillants. Je ne voulais pas que mon enfant soit confronté à un environnement où il ne pourrait pas vivre pleinement ses expériences. Après mon passage dans « Drag Race France », je peux dire que je n’ai plus peur de cela. Les mentalités évoluent.
Depuis le tournage, j’ai assisté à plusieurs spectacles drags (je n’en avais jamais vu aucun avant) et je me rends compte que j’ai un certain niveau d’exigence (rires). Je suis impatient de pouvoir en parler avec les coéquipiers des Coqs festifs parce que la plupart ne sont pas au courant. Je me demande comment le visionnage va se passer. J’ai aussi hâte de voir la réaction de mes enfants. Mon tout-petit de 3 ans va sans doute poser des questions. Mon plus grand de 7 ans est au courant, je lui en ai parlé. On a regardé ensemble la saison 2, cela me permet de les préparer à ce qu’il va se passer, d’être prêt à répondre à leurs questions. »
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