De notre correspondant à Los Angeles,
Impossible de rater le célèbre logo rouge sur la façade végétale. Après des expériences « IRL » (in real life) autour de ses séries Stranger Things, Bridgerton et Squid Game, Netflix a décidé de briser le quatrième mur culinaire en ouvrant son premier restaurant à Los Angeles. Avec ce pop-up éphémère Netflix Bites, installé du 30 juin à la fin octobre dans la cour du Short Stories Hotel, à West Hollywood, la plateforme de streaming tente un coup marketing : proposer un menu « all star » conçu par huit chefs aperçus dans ses programmes comme « Chef’s Table », « Iron Chef » ou « Nailed it ». Un pari plutôt réussi, avec une fusion de talents et de saveurs originales, même si le timing, en pleine grève des scénaristes et des acteurs, fait grincer des dents.
La porte s’ouvre, et on pénètre dans un univers multicolore que ne renierait pas Barbie. Chaises menthe à l’eau ou orange, parasols roses ou bleus, carrelage noir et blanc, coussins et art aux accents disco-pop… Pas de doute, l’endroit a été pensé pour les stories Insta. Les Américains mangent tôt, et à 18 heures, les tables sont déjà aux deux tiers occupées.
Dominique Crenn et ses trois étoiles
Une bartender donne le rythme avec son shaker. Elle verse un cocktail tropical rhum-tequila-goyave dans un verre recouvert d’une poudre qui « fait picoter la langue ». Une recette de Kate Gerwin, finaliste de la compétition de Netflix « Drink Masters ». Pour les amateurs de bourbon, la serveuse recommande le Cornbread Old Fashioned de la mixologue Julie Reiner, une des trois juges de l’émission. Elle offre un twist mexicain à ce classique en y ajoutant de la tequila et de la liqueur de maïs. L’équilibre alcool-sucre est parfait, et on n’en attendait pas moins d’un cocktail à 21 dollars.
On commence par du chou-fleur rôti sur un Tahini au piment d’Espelette. Parfait pour l’été, mais difficile de ne pas être un peu déçu par le manque de surprise, notamment côté texture, par une création de la cheffe française Dominique Crenn, triple étoilée Michelin avec son Atelier Crenn à San Francisco. Le sashimi de Ming Tsai, garni d’huile au curry, de jalapenos et de grains de riz soufflés croquants, coche en revanche toutes les cases sensorielles.
Cochon entier fumé
Côté plats, les carnivores seront au paradis avec une assiette du roi du barbecue de Caroline du Sud, Rodney Scott. Lauréat d’un James Beard award, sa spécialité est un cochon entier fumé avec patience et passion pendant des heures. Car ceux qui ont passé du temps avec des Texans le savent, le secret pour des ribs réussies, c’est de les faire cuire « low and slow », sans jamais dépasser les 200°F (93°C), pendant quatre ou cinq heures.
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Le smoker était hors-service quand le critique du L.A. Times est venu manger – les voisins se plaignaient de la fumée – mais il a été déplacé hors-site et le plat a fait son grand retour. Le « pulled-pork » effiloché est fondant, et la sauce au vinaigre coupe le gras juste comme il faut.
De l’autre côté du restaurant, un employé s’active devant le four au feu de bois. Le menu propose quatre pizzas de la cheffe Ann Kim. En mélangeant saveurs italiennes et sud-coréennes, notamment avec une pâte napolitaine aérienne garnie de kimchi, elle a créé un empire au Midwest, et sa popularité a explosé après sa participation au documentaire de Netflix « Chef’s Table Pizza ».
En dessert, la star est le gâteau miel-noisettes à sept couches de la pâtissière britannique Nadiya Hussain, gagnante du « Great British Bake Off ».
Critiques mitigées
Venu pour leur date night sans enfant du mercredi, un couple ressort convaincu par la nourriture et les cocktails, mais moins par le service, qui n’autorise aucune substitution ou modification. Et avec une note qui dépasse facilement les 100 dollars par tête, l’expérience reste chère, même si le prix est relativement standard pour un resto tendance de L.A. pour un menu entrée-plat-dessert-vin, surtout avec un tip à 20 % par-dessus. En ligne, les critiques sont mitigées sur Yelp : 3.1 / 5 de moyenne, avec des notes souvent dans l’extrême. Certains journalistes américains ont également étrillé Netflix, qui a lancé son restaurant tout en refusant de négocier avec les scénaristes d’Hollywood en grève, qui se battent pour défendre leur rémunération et leur accès à une assurance santé à l’ère du streaming.
Mais la plus grande déception pour les gastronomes reste que ces chefs étoilés ne font que prêter leur nom et leurs recettes. Ils ne sont pas impliqués au quotidien, même si certains comme l’Australien Curtis Stone, avec qui Netflix s’est associé pour ce pop-up, passent régulièrement. Dans sa critique assassine, le L.A. Times note que la qualité est ici incomparable avec ce qu’une cheffe comme Dominique Crenn propose dans son propre établissement. Mais à 475 dollars le menu dégustation, on est dans une autre dimension.
S’agit-il d’un « one-off » éphémère, ou l’expérience sera-t-elle déclinée dans d’autres villes, ou avec d’autres chefs ? Pour l’instant, l’entreprise reste muette. Allez, à quand le parc d’attractions Netflix?
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