Francis Kurdjian qui officie dorénavant chez Parfums Christian Dior a noué un lien très privilégié avec le château de Versailles. A l’occasion des 400 ans de la demeure de Louis XIV, et sous le mécénat de Maison Francis Kurkdjian Paris, le parfumeur a inauguré en mai dernier le Jardin du Parfumeur. Un lieu unique ouvert au grand public. Pour Gala.fr, il en raconte la génèse.

Il y a des rencontres qui vous accompagnent une vie entière. Celle de Francis Kurkdjian avec le château de Versailles est de celle-là. Elle a débuté alors que le célèbre parfumeur était étudiant, à l’ISIPCA, la grande école de parfumerie située… à Versailles. Aujourd’hui, le parfumeur ouvre une nouvelle page de son histoire avec ce lieu qui aimante la planète entière, en y créant Le Jardin du Parfumeur, situé autour de l’Orangerie de Châteauneuf, peuplé de centaines d’essences floristiques dont certaines historiques, utilisées depuis toujours dans les jardins de Versailles comme la verveine, les roses ou les jasmins… et bien d’autres qui disent tout de son amour pour le parfum, mais qui racontent également à travers trois espaces que sont Le jardin des curiosités, Sous les arbres et Le jardin secret à quoi pouvait ressembler le parfum à la cour, au XVIIème.

Gala lui a demandé de raconter la genèse de cette histoire unique, débutée alors qu’il avait 25 ans et, où dans une même temporalité, il « entre » en parfumerie et quitte son autre passion, la danse débutée à l’âge de cinq ans.

Comment est né ce lien si particulier que vous entretenez avec le Château de Versailles ?

Après les cours de parfumerie, quand j’avais du temps libre, j’y allais en sept minutes, avec ma petit Renault 5 rouge, qui faisait rire tous mes potes. Le château de Versailles devenait une forme d’aire de repos/travail de révisions des parfums. On s’asseyait avec mes amis sur la pelouse du jardin et on révisait nos accords et nos matières premières.

Parallèlement vous continuiez à suivre des cours de danse, votre passion ?

Je voulais continuer à pratiquer la danse, rester en forme physiquement. J’avais commencé à l’âge de 5 ans avec le désir de devenir danseur étoile ! L’école de danse de Versailles ne voulait pas d’un garçon de 24 et quelques années, et je suis tombé sur la compagnie privée Versailles Soleil. Comme j’étais encore étudiant, ils ont dû me faire une fleur financièrement pour m’accepter, j’y allais trois quatre fois par semaine. Cette compagnie de danse avait, entre autres, un contrat avec Versailles pour assurer des spectacles de son et lumière produits pour le château et au château, qui démarraient à partir de mai-juin et se finissaient en septembre. Je me souviens des nuits vénitiennes sur le grand canal où ils avaient ramené des gondoles de Venise. J’incarnais souvent Louis XIV, le roi qui dansait. Il n’y avait que deux garçons dans la troupe, une grande baraque qui était danseur au Lido et moi, avec ma base de danse classique qui ai appris un peu le baroque. J’ai arrêté la danse, à 25 ans, quand je suis parti aux Etats-Unis. A New-York, je n’ai pas trouvé de cours qui me convienne.

Vous ne saviez pas, alors, que la vie vous ramènerait à Versailles ?

C’est arrivé presque dix ans plus tard avec la création du parfum de Marie-Antoinette. C’est à ce moment-là, que j’ai lancé l’idée : « et si on parfumait les eaux du château ? ». Je m’en souviens comme si c’était hier, ils m’ont tous regardé avec des yeux comme des soucoupes. A l’époque, ils voulaient créer à Versailles, le temps d’un week-end, le pendant des premières nuits blanches parisiennes, Et j’ai eu carte blanche pour parfumer le bassin de l’Orangerie. C’était la première fois que je parfumais de l’eau, elle exhalait la fleur d’oranger. L’échelle était immense, à Versailles tout est sur-dimensionné ! L’année suivante, ils m’ont confié la mise en scène de trois bosquets : l’esplanade du château de Versailles avec Préambule, les bulles de savons parfumées, le bosquet des Trois Fontaines avec Chut ! d’eau et le troisième, au centre duquel le roi dansait devant la cour installée sur des gradins, que j’avais remplacée par des bougies au parfum de poudre, d’iris, surmontées de deux mèches, comme des yeux qui brillaient dans la nuit. Cela m’a relié à mon imaginaire versaillais. J’y passais des heures, souvent à des horaires où les lieux n’étaient pas ouverts au public, exactement comme lorsque j’étais danseur. On a tourné des films, répété à la Galerie des glaces, en costumes d’époque avec des perruques, des plumes et du doré. On a beaucoup rigolé. C’était merveilleux, on avait le sentiment que le château était à nous.

Parmi vos créations, quelle est celle qui évoque le plus Versailles ?

A la rose (de Maison Francis Kurkdjian, ndlr), sans conteste, inspiré par le tableau Marie-Antoinette à la rose peint par Elizabeth Vigée Le Brun, en 1783, initialement intitulé Marie-Antoinette en chemise. Ce parfum synthétise beaucoup de cette période. Aujourd’hui, lorsque l’on découvre La galerie des glaces, on s’émerveille mais on oublie qu’à l’époque, la hauteur des miroirs était la plus grande jamais réalisée. Que lorsque l’on regarde les orangers en contrebas de l’Orangerie, c’était l’arbre le plus cher au monde. Et il n’y en avait pas qu’un, mais une centaine. Il y a toujours une forme de modernité à Versailles, une démonstration de force à travers l’architecture, à travers le savoir-faire des plus grands talents du monde… Aujourd’hui encore, l’aura de ce Château n’a pas été détrônée, elle n’a pas d’équivalent.

Renseignements : chateauversailles.fr @maisonfranciskurkdjian

Crédits photos : Photo JPH-Clandoeil

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