- Dans Le Cadran de la destinée, Indiana Jones veut récupérer une machine antique, qu’on lui a volée.
- Inspiré de la machine d’Anticythère, c’est bien le seul vrai artefact archéologique que les chercheurs ont retrouvé.
- L’histoire la plus rocambolesque est peut-être celle du crâne de cristal, un faux fabriqué au XIXe siècle et qui continue de fasciner.
Elle s’appelle la machine d’Anticythère. Ou le cadran de la destinée dans le dernier Indiana Jones, en salles ce mercredi 28 juin. L’intrépide archéologue veut retrouver cette machine antique, qui permet de calculer des positions astronomiques et de prévoir les éclipses. Dans le film, elle se retrouve dotée, rien de moins, que de la capacité de détecter les failles temporelles. Découverts dans une épave, près de l’île d’Anticythère dans le Péloponnèse en 1901, il n’en reste que des fragments conservés aujourd’hui au musée archéologique d’Athènes.
C’est une constante de la franchise Indiana Jones : s’inspirer d’objets “mythiques” de l’archéologie, qui acquièrent, avec la magie du cinéma, des pouvoirs extraordinaires. Dans le premier opus, l’archéologue au coup de fouet infaillible devait s’emparer de l’Arche d’alliance avant les Nazis pour gagner la guerre. Dans le Temple maudit, c’était une pierre sacrée indienne, avec des proriétés magiques, la Dernière croisade reprend la quête du graal, accordant la vie éternelle et, dans le quatrième, le crâne de cristal, doté d’un grand pouvoir psychique et renfermant des connaissances, appartient à un extraterrestre, d’où une bataille contre les Soviétiques pour le récupérer…
Une histoire rocambolesque
A part la machine d’Anticythère, aucun de ces artefacts légendaires n’a été réellement trouvé. L’histoire la plus rocambolesque est peut-être celle du crâne de cristal (encore plus que le scénario du film). Car il s’agit en réalité d’un faux archéologique, fabriqué au XIXe siècle et qui n’a pas de lien avec les Aztèques et encore moins avec les extraterrestres. Des exemplaires en cristal de roche ont trompé pendant une petite centaine d’années de grands musées, comme le musée de l’Homme en France ou le British Museum à Londres.
A Paris, en 1878, un chercheur amateur, Alphonse Pinart, fait don d’un crâne de cristal haut de 11 cm au musée d’ethnographie du Trocadéro, qui deviendra le musée de l’Homme, et dont une partie des collections rejoindra le quai Branly. Il est alors présenté « comme un crâne aztèque sans doute du XVe siècle, représentant le dieu de la mort », explique André Delpuech, conservateur général du patrimoine, ancien directeur du musée de l’Homme et ex-responsable des collections des Amériques au musée du quai Branly.
Un antiquaire naïf ou louche ?
Alphonse Pinart l’a acheté auprès d’Eugène Boban, un archéologue amateur et antiquaire, qui voyageait entre la France et le Mexique. Il vendait des objets précolombiens et aurait découvert ces crânes de cristal. Comment ? Où ? « On n’en sait rien, répond Fabienne de Pierrebourg, responsable de collections Amériques au musée du quai Branly, qui précise que l’antiquaire a vendu des pièces exceptionnelles au musée. On ne sait même pas s’il a été naïf en achetant ces crânes ou s’il les a fait passer pour aztèque. »
Le crâne de cristal a tout de même étonné, à la fin du XIXe siècle, car son style était peu courant, mais il a été longtemps présenté comme un des chefs-d’œuvre du musée. C’est à la fin des années 1970 que l’authenticité des crânes est questionnée, notamment parce que les objets précolombiens en cristal de roche sont très, très rares. Et en raison aussi de la découverte du site de Teotihuacán à Mexico en 1978, qui permet de mieux comprendre la société aztèque, explique Fabienne de Pierrebourg.
Fabriqué par des outils modernes
« On se rend compte que les crânes ont été fabriqués avec des outils métalliques et, qu’en plus, le cristal viendrait du Brésil [pour l’exemplaire du British Museum], détaille André Delpuech. Donc, ce n’est pas possible qu’il soit mexicain et encore moins qu’il ait été fabriqué par les Aztèques qui ignoraient le métal. » Des analyses plus poussées ont permis de retrouver des traces d’une eau piégée et datée du XIXe siècle pour le crâne de Paris. Les orifices sont aussi « beaucoup trop précis, beaucoup trop circulaires », ajoute Fabienne de Pierrebourg. et confirment l’utilisation d’outils modernes dont ne disposaient pas les Aztèques.
Pourtant, le voyage des crânes de cristal ne s’arrête pas là. L’objet fascine. Encore en 2023, il est possible d’acheter des crânes en cristal de roche aux vertus soi-disant guérisseuses sur Internet (entre 50 et 660 euros, en fonction du modèle). Dans un salon consacré aux minéraux en Alsace la semaine dernière, une conférence portait sur les vertus de ces crânes, promettant de se connecter « aux anciennes connaissances et sagesses de l’humanité » et de « régénérer son système énergétique ».
Un objet et des légendes
Mais il n’y a « jamais eu de propriété associée au cristal de roche chez les Aztèques, c’est une invention contemporaine d’Occidentaux, c’est vraiment une histoire bâtie de toutes pièces », appuie André Delpuech. Dans Des Martiens au Sahara, deux siècles de fake news archéologiques (éd. Du Détour), l’anthropologue Jean-Loïc Le Quellec raconte la légende autour de cet objet : apportés par les Anciens de l’Atlantide ou des extraterrestres (nous y voilà Indy), ils seraient dotés de nombreux pouvoirs, notamment d’empêcher le basculement de la Terre au dernier jour du calendrier maya.
Un aventurier a aussi prétendu avoir trouvé en 1924 un crâne de cristal, il s’est avéré qu’il avait acheté une copie du faux du British Museum aux enchères à New York en 1943. « Le côté mésoaméricain, mystères, rituels, l’idée d’une civilisation disparue, d’un peuple porteur d’un savoir extraordinaire, qui a laissé quelques traces et dont nous pourrions bénéficier, notamment dans le médical, tout ça forme une espèce d’aura autour de l’objet », analyse Jean-Loïc Le Quellec.
Pour l’anthropologue, cela montre que nous ne sommes pas débarrassés de la mythologie. « L’histoire de l’archéologie romantique montre bien que la science coexiste avec le mythe, parfois dans les mêmes personnes », affirme-t-il. Et peut-être bien qu’Indiana Jones en est la synthèse : un professeur fictif qui, dans ses cours, s’attache aux faits, à la méthode scientifique, et dans ses aventures affronte des puissances occultes. Les mythes nous rattrapent.
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