• Pour la plus courte nuit de l’année, 20 Minutes est passé en mode #20Minuit et est allé à la rencontre de ceux qui vivent, travaillent, dansent ou transpirent la nuit. #20Minuit, c’est une série d’articles, de vidéos, podcast ou quiz à lire, à regarder ou à écouter de jour comme de nuit.
  • Nous nous penchons sur le quotidien des artistes de musique électronique, contraints de devoir veiller jusque tard dans la nuit pour faire danser la foule.
  • Plutôt sexy quand on a 20 ans, ce rythme en décalé devient plus difficile à avaler quand les années s’accumulent et que la famille s’agrandit.

C’est une passion que l’on ne peut pratiquer que la nuit. A l’heure à laquelle ils rangent leurs disques, la plupart des Français dorment. Les plus matinaux ont déjà englouti leur petit-déjeuner et enfilé leurs chaussures pour un footing du dimanche. Comme les passionnés d’astronomie, les DJ savent qu’ils doivent attendre que le rideau noir se baisse pour pouvoir entrer en scène. Dans le milieu, mixer tard est même un signe de gloire. Plus tard vous être programmé, plus vous faites partie des « gros noms » de la soirée. Mixer de 4 à 6 heures du matin pour clore une fête en club est un rêve que tous les jeunes DJ rêvent d’exaucer un jour. Mais pour combien de temps ? Comment vit-on sa vie de DJ quand on a 40 ans passés ? Comme se remet-on d’une soirée de boulot bouclée à 8 heures du matin quand on a des enfants pour nous réveiller ? Dans le cadre de notre série #20Minuit, nous avons posé la question à plusieurs DJ que l’on décrira comme « expérimentés » pour voir comment ils vivent la nuit après plusieurs décennies aux platines. Une chose est sûre : tout le monde n’est pas à égalité.

  • Comment leur métier a évolué avec l’âge

Ils ont tous commencé à 17 ou 18 ans. Un âge où tu peux tout encaisser et où tu peux dormir la journée. Avec les années, le quotidien des DJ a largement évolué. « Quand j’ai commencé à mixer, j’avais 16 ans et j’étais encore au lycée. J’allais en free party le week-end et je mixais au Grand Rex tous les mercredis. Le jeudi matin, c’était compliqué d’aller en cours à la fac. Je me levais mais j’étais comme dans un monde parallèle, ça me berçait et je m’endormais », raconte Elisa do Brasil, qui a commencé dans la drum’n’bass il y a presque trente ans. « Quand j’ai commencé, je mixais en rave party très tard dans la nuit, avec tous les excès que ça comporte. Aujourd’hui, je privilégie les événements comme les festivals ou les open air. Aller jouer en club de 3 heures à 5 heures, j’avoue, j’ai un peu décroché », reconnaît l’expérimenté Yuksek.

Avec l’expérience et la notoriété, tous les DJ que l’on a interrogés ont reconnu avoir levé le pied pour se préserver. « Il y a un moment où j’acceptais tout. Parce que tu as l’impression que plus tu es vu, plus tu vas être demandé. J’étais un peu couillon », reconnaît Agoria. Le DJ de 47 ans explique « avoir largement réduit aujourd’hui ». « Je prends six ou sept dates par mois, pas plus. »

Le DJ lyonnais Agoria reconnaît avoir réduit le nombre de dates qu'il accepte chaque mois et privilégie le format festival, comme ici lors de son passage aux Trans Musicales de Rennes.

David Asko est un peu plus jeune. Malgré une hygiène de vie hyper soignée sans alcool ni drogue, le DJ de 44 ans doit parfois se préserver : « J’essaye d’avoir des pauses plusieurs fois par an. J’ai pas mal voyagé ces derniers temps donc en juin, je me suis accordé trois semaines sans rien. J’ai besoin de faire moins de dates. L’envie est là, mais le physique ne suit pas toujours. » Adepte d’une techno sombre et qui tape, il doit souvent patienter jusque tard dans la nuit pour s’avancer aux platines. 

  • Ce qu’ils font avant de jouer

« J’aime bien aller visiter la ville avant de jouer. J’aime bien prendre le temps mais souvent c’est compliqué. Quand tu te couches à 7 heures ou 8 heures du matin, tu es tout décalé », raconte David Asko. Comme bon nombre de DJ, il s’offre souvent une sieste quand il doit mixer tard dans la nuit. « Je pars de chez moi le plus tard possible même quand j’ai un avion à prendre. J’aime bien profiter de la famille. J’arrive souvent tard dans la ville où je joue. Je dîne avec l’équipe sur place et puis je vais me coucher à l’hôtel pour faire une sieste de trente minutes à une heure et demie », confesse Agoria. Elisa do Brasil a un rituel un peu similaire : « Souvent, je dors un peu. Je prends une petite douche, je me maquille, je fais mes ongles. Ça me permet de voir si je tremble. » Un rituel matinal « classique » sauf qu’il se déroule là à 22 ou 23 heures « J’aime bien boire quelques verres aussi mais pas trop pour ne pas être à l’envers. Je passe souvent dans la salle pour voir comment ça sonne, comment est l’ambiance, le public », témoigne celle qui est maman de deux enfants.

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Avant de jouer, Yuskek apprécie lui aussi de s’envoyer quelques verres sur place. « En général, je ne dors pas trop avant. Parfois une  »power nap » de quinze à trente minutes. Il y a toujours des mecs dans le milieu qui vont te dire qu’ils ne boivent pas et qu’ils ne fument pas. Moi, j’aime bien boire quelques coups, me mettre dans l’ambiance. »

  • Comment ils font pour s’endormir

A l’image des sportifs qui poireautent plusieurs heures pour trouver le sommeil après leur match, les artistes de musique électronique doivent parfois patienter pour évacuer les basses et les kicks de leur esprit avant de fermer les yeux. « Après avoir joué, j’ai toujours besoin d’un sas pour redescendre. J’ai besoin d’une heure trente ou deux heures, que mes oreilles et mon corps se calment », relate Yuksek. Les quatre autres DJ que nous avons interrogés ont tous témoigné avoir acquis des capacités à s’endormir au fil des années. « En général, je dors très bien. J’ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil et de pouvoir dormir dans n’importe quelles conditions. Dans le train, dans l’avion. Ce qui est le plus fatigant, c’est d’enchaîner les voyages », explique David Asko. Son luxe ? « Pouvoir rentrer dormir chez moi après un set. C’est hyper rare mais c’est tellement bon » !

Spécialiste de la drum n' bass, Elisa do Brasil est devenue professeure de yoga pour s'offrir un meilleur équilibre de vie.

Ce luxe, Florent Le Gall l’a tous les vendredis et samedis soir. Résident de la discothèque le 1988 Live Club à Rennes, le DJ de 47 ans ne se couche « jamais avant 7 heures ou 8 heures du matin ». « Je ne me lève jamais avant 14 ou 15 heures C’est sûr que je mets plus de temps à récupérer mais mon rythme n’a pas changé. Quand je rentre, je me douche, je prends un petit-déj’ et je vais me coucher. Je m’endors très rapidement. Je n’ai jamais eu de problèmes de sommeil », explique le Rennais.

Pour retrouver un rythme plus sain, Elisa do Brasil s’est mise au yoga. Depuis plusieurs années, la spécialiste de la drum n’bass donne des cours la semaine. « Ça me ramène un équilibre. Avant, je pouvais passer mes journées à dormir. Maintenant, c’est comme si le yoga me nettoyait du week-end. Par contre, le dimanche quand j’ai joué la veille, je ne sers à rien. Mes enfants le savent et me laissent tranquille. Franchement, il faut être une force de la nature pour tenir. »

  • Pourquoi ils adorent jouer de jour

C’est un phénomène qui s’est amplifié avec la crise sanitaire. Bridés par des couvre-feux et des restrictions sanitaires, bon nombre de collectifs organisant des soirées électro ont investi des créneaux en journée. De plus en plus prisés, notamment par des parents qui ne peuvent plus aller en soirée, ces événements de plein jour s’échelonnent en général entre 16 heures et minuit. En plus de plaire au public, ils font le bonheur des artistes, bien contents de pouvoir mener une vie presque normale le temps d’un dimanche ensoleillé. « La nuit, c’est bien, j’ai toujours aimé ça. Mais dormir, c’est bien aussi. J’ai eu ma fille à 25 ans, c’était hyper rare dans le milieu. La semaine, je me levais à 8 heures et le week-end, je me couchais à 8 heures C’était hyper compliqué », raconte Yuksek. Du haut de ses 44 ans, David Asko savoure aussi ces événements organisés en journée. « Quand tu as mon âge, tu es bien content de jouer à 22 heures. Tu peux profiter de ta soirée et te coucher à 1 heure. De temps en temps, c’est génial. La fête est différente quand elle est faite la nuit. »

En plus de préserver la vie privée des artistes, ces événements permettent aussi de toucher un public différent, dans un cadre souvent moins propice aux débordements et aux excès. « La nuit, tu as parfois de mauvais comportements. Tu as des filles qui ne voudront pas prendre le risque d’aller en club pour éviter d’avoir des mains au cul ou des trucs dans leur verre », analyse Yuksek.

  • Leur petit fail de carrière

Forcément, dans une carrière longue et décalée, il y a des ratés. Alors qu’il était encore inscrit à la fac, le Lyonnais Agoria mixait souvent très tard lors des rave partys organisées autour de chez lui. Pas facile pour lui d’aller en cours le lendemain : « Je me souviens d’avoir fait un exposé en classe où je parlais du milieu de la rave. Je voulais montrer une autre image que celle de la drogue et du boum boum. Et là, j’ai le nez qui s’est mis à pisser le sang devant tout le monde. J’étais claqué. » Il finira par lâcher les études pour se consacrer à sa carrière.

Yuksek se souvient quant à lui d’un voyage à Barcelone. Dans une ville où « il ne se passe rien avant 2 ou 3 heures du matin », le DJ français avait opté pour une grosse sieste de début de soirée. « Là-bas, tu sais que tu vas jouer hyper tard. Tu n’as pas le choix. Je m’étais couché dans ma chambre d’hôtel. Je dormais tellement bien que je n’avais pas entendu les réveils, ni les appels de mon promoteur, ni les appels de la réception. Ils avaient fini par monter dans ma chambre. Je dormais depuis quatre heures. En dix minutes j’étais prêt et je suis arrivé dans la boîte, j’étais en décalé. Je prenais mon petit-déj’ avec 110 décibels dans les oreilles devant une foule de mecs furieux. » Et alors, c’était comment ? « Pas vraiment mon meilleur souvenir. »

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