Dans la vallée qui porte son nom, la ville de Saint-Jean-de-Maurienne abrite un musée gratuit dédié au couteau mythique.
ll est dans la poche des pêcheurs, des jardiniers, des alpinistes, des amateurs de pique-nique… L’Opinel, c’est le nom de ce couteau pourvu d’une bague appelée virole, qui permet à la lame de s’ouvrir et de se fermer. L’objet est devenu mythique au point d’entrer au MoMA de New York en 1986 et de figurer dans le classement des 100 plus beaux produits du monde de l’Albert Museum de Londres.
©Alban Pernet
Depuis 1992, il a son musée en France, visité gratuitement par 60 000 personnes chaque année, à Saint-Jean-de Maurienne. Dans cette ancienne forge de la famille Opinel, des outils et des couteaux ont été réalisés de 1932 à 1973 avant que la production ne soit regroupée dans les locaux de Chambéry où elle se trouve encore. Approchez-vous de la grande photo en noir et blanc visible dès l’entrée, c’est celle de l’ancien chalet de bois du hameau tout proche de Gévoudaz, l’atelier de Daniel Opinel, où l’aventure a commencé.
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Un savoir-faire traditionnel
À la fin du XIXe siècle, les forgerons et les taillandiers de la région sont établis de pères en fils près des rivières. Pour le fer, celui des montagnes de Maurienne est exploité depuis 700 avant J.-C. La famille Opinel est connue pour ses serpes et ses faucilles. La forge noire où se mariaient le feu et l’acier est là, ainsi qu’une enclume, l’énorme marteau à engrenages qui nécessitait deux ouvriers pour fonctionner ou encore la presse qui servait à poinçonner la marque sur la lame.
Celui qui va apporter un souffle d’innovation s’appelle Joseph. Comme son père, il a appris le métier très tôt. Créatif, inventeur, curieux, il réussit à se fabriquer un appareil photo qu’il mettra au service des mariages et autres événements de la région. Parce qu’il a aussi la passion des lames et que les couteaux de poche sont à la mode, il a une marotte : en fabriquer un qui soit simple, fonctionnel, esthétique et innovant. Il met au point une machine à fente qui enlève juste ce qu’il faut de bois. L’Opinel est né. Dès 1887, Joseph réussit à en fabriquer cinq douzaines par jour avec ses trois ouvriers. Il le déclinera en douze tailles pour s’adapter à toutes les mains et tâches. Le N°1 était même doté d’un anneau pour être attaché à la montre à gousset !
Un retentissement international
Ce succès, Joseph le partage ensuite avec ses fils : Marcel, l’industriel qui s’occupe de l’atelier qu’il faut agrandir, et Léon, le commercial qui arpente les routes de France et d’Europe dès les années 50 pour faire connaître l’emblématique couteau. En avance sur leur temps, ils déposent des brevets et protègent intellectuellement leur invention qui décroche la médaille d’or à l’Exposition internationale de Turin (1911). Sur un établi bleu, une montagne de carrelets de bois, issus de forêts françaises (95 %) gérées durablement, attend de devenir des manches. Ils peuvent être en hêtre, chêne, olivier, noyer.
Avant 1960, il fallait six étapes, plusieurs ouvriers et les machines inventées par Joseph pour y parvenir. À son tour, son fils Marcel, inventera celle qui permettra de les réunir toutes. À l’intérieur d’une virole géante dans laquelle il est possible d’entrer, nombreux sont ceux qui ont accepté de raconter un souvenir lié à leur couteau. Sur les murs orangés, des dessins d’enfants et d’adultes se côtoient. On y lit des souvenirs d’un premier couteau pour un anniversaire, d’un camp scout, d’une coupure… De son côté, Pablo Picasso utilisait un N°5 pour sculpter ses figurines ; Paul Bocuse avait déclaré que c’était le seul objet qu’il emmènerait sur une île déserte et Éric Tabarly en avait attaché plusieurs sur son Pen Duick. La visite se termine par un film qui montre le travail actuel des ouvriers de Chambéry. Un passage par la boutique permet d’admirer les collections anciennes.
©Alban Pernet
On y croise, par exemple, celui réalisé avec les ateliers Yves Saint Laurent, un N° 8 avec cuir de veau et lame noirs et ceux créés pour les JO d’Albertville ou le bicentenaire de la Révolution française. La gamme ne cesse de s’étendre, des couteaux de table à ceux pour cuisiner, en passant par le tartineur ou celui pour cueillir les champignons. Un Opinel étant censé durer toute la vie (réparations possibles sur place et garantie illimitée), l’anticouvert en plastique continue de se faire connaître dans le monde. Une filiale a même été ouverte à Chicago en 2016.
Et aussi…
Que signifie la main couronnée sur la lame ?
Depuis le roi de France Charles Ier, chaque maître coutelier grave sa marque sur la lame pour en garantir la provenance. La famille Opinel a choisi une main de saint Jean-Baptiste, emblème de la ville de Saint-Jean-de-Maurienne, et une couronne, symbole du duché de Savoie de l’époque.
En acier ou carbone ?
L’acier carbone est très résistant et très tranchant, mais il a l’inconvénient de rouiller si on n’en prend pas soin. Alors que l’acier inoxydable résiste à la corrosion, sa qualité de coupe est un peu un peu inférieure.
La route de l’Opinel
Cet itinéraire touristique emprunte la vallée de l’Arvan et relie le musée Opinel de Saint-Jean-de-Maurienne à la place Opinel d’Albiez-le-Vieux (environ 16 km). Il passe par le rond-point d’Arves où se situe le plus grand couteau Opinel enregistré par le Guinness des records (3,83 m) ainsi que par le skatepark où trône l’interprétation street art d’un autre Opinel, de 6 m de haut, au manche décoré par l’artiste lyonnais Chufy. L’itinéraire mène jusqu’à Gévoudaz où se situent les vestiges du premier atelier et la maison de Joseph. Un livret pour les enfants est prévu.
Carnet pratique
Le musée est ouvert tous les jours sauf le dimanche et les jours fériés de septembre à juin, et 7 jours / 7 en juillet et en août. Il est situé au 25, rue Jean-Jaurès à Saint-Jean-de-Maurienne.
www.opinel.com
Julie BOUCHER
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