Pour pallier aux déserts médicaux et autres difficultés à se déplacer, ou simplement pour plus de confort, certains professionnels viennent aux patients.
Il est loin le temps où les médecins généralistes se déplaçaient sur simple demande. Aujourd’hui, il devient même compliqué de faire venir un kiné, une infirmière ou un pédicure-podologue à domicile. Dès lors, comment faire quand on habite une zone qualifiée de désert médical ou que la personne qui nécessite des soins est trop faible, très âgée ou à mobilité réduite ?
La crise de la Covid-19 a mis un coup de projecteur et d’accélérateur sur les téléconsultations et la révolution de la e-médecine semble en marche. Pour Benjamin Zimmer, directeur de la Silver Alliance, qui regroupe trente-trois entreprises répondant aux défis du vieillissement de la population : « C’est l’avenir, même si on ne remplacera jamais la palpation d’un spécialiste. »
Face au vieillissement de la population et à celui des professionnels de santé, qui partent à la retraite sans être remplacés, « la technologie va aider, les médecins vont avoir des outils qui vont leur permettre d’être plus efficaces », assure-t-il.
La télésurveillance pour faciliter la vie des patients
Certains services hospitaliers s’y sont mis. L’AP-HP suit ses patients diabétiques traités par de l’insuline grâce à un carnet glycémique électronique partagé entre l’équipe soignante et le patient, qui transmet quotidiennement ses résultats d’automesure. Les données concernant les doses d’insuline administrée sont aussi récoltées grâce à un capteur connecté au stylo d’insuline et le patient bénéficie d’un accompagnement thérapeutique.
À la suite du programme expérimental en 2020, le professeur Ronan Roussel, chef du service de diabétologie de l’hôpital Bichat à Paris, décédé depuis, affirmait : « La durée des hospitalisations a pu être réduite de 30 % grâce à la télésurveillance ambulatoire. » De leur côté, les porteurs de pacemaker (stimulateur cardiaque) possèdent dans leur chambre à coucher un transmetteur qui se met en relation avec l’appareil implanté dans leur poitrine, puis envoie son rapport quotidien sur le serveur sécurisé de l’hôpital. En cas de dysfonctionnement, le spécialiste est prévenu.
À l’hôpital de Pontoise, chaque patient est reçu une fois par an et ses analyses sont contrôlées à un autre moment sans que sa présence soit requise. En cas de besoin, il sera convoqué ultérieurement.
Des professionnels qui se déplacent
Aujourd’hui, des départements, des communes et mêmes des entreprises ou des Ehpad organisent la venue de spécialistes dans leurs locaux ou au plus proche du domicile grâce à de petits camions équipés. Ces journées de prévention permettent de dépister et d’aider au suivi des patients. Les équipes de Benjamin Zimmer en ont réalisé une cinquantaine en 2022 et prévoient de doubler le chiffre en 2023.
Certaines professions s’engagent également, comme les opticiens, qui se déplacent auprès des clients sans condition (lire encadré). Des audioprothésistes proposent aussi le déplacement. Pour Gauthier Luc, cofondateur des Audioprothésistes mobiles, qui interviennent auprès des personnes dépendantes à domicile ou en institution, « il faut trois ou quatre rendez-vous en un mois pour que l’essai d’appareil soit validé. » Fuyez tout spécialiste qui ne suit pas ce cadre réglementaire.
Mais d’autres secteurs ont encore du mal à trouver la bonne formule, comme les dentistes, les ophtalmologues et les ORL qui nécessitent un certain nombre d’appareils peu nomades. Le parcours de soin impose un passage chez eux pour obtenir l’ordonnance, qui donnera droit ensuite à des lunettes ou à des prothèses auditives.
Heureusement, des initiatives émergent grâce à la possibilité de lancer des expérimentations autorisées par l’État. C’est le cas du Breizh bucco-bus, réplique d’un cabinet de dentiste, qui intervient auprès de maisons de retraite bretonnes jusqu’en 2024. Un dispositif qui pourrait devenir pérenne et être dupliqué.
Parole d’expert : Serge Guérin
Sociologue, coauteur de La Silver économie pour les Nuls (éd. First).
« Aujourd’hui, les solutions doivent être multiples et adaptées aux différentes problématiques. L’État pousse, par exemple, à l’hospitalisation à domicile pour des raisons de coûts, or les logements ne sont pas toujours adaptés et les soignants ne sont pas toujours disponibles. L’État a intérêt à accompagner les différentes initiatives et à réfléchir encore à la délégation de tâches pour que certains soignants puissent pratiquer d’avantage d’actes. »
Le saviez-vous ? 40 % des personnes âgées de plus de 78 ans portent des verres inadaptés à leur vue, ce qui augmente les risques de chute et la perte d’autonomie.
Carnet pratique
■ Pour les lunettes, allez voir sur lopticienquibouge.fr ou lesopticiensadomicile.fr. Vous pouvez aussi téléphoner à votre propre opticien, car certains se déplacent à domicile. Des réseaux comme Optic 2000 ou Optical Center proposent ce service.
■ Pour un appareil auditif, les spécialistes du site lesaudioprothesistesmobiles.fr se déplacent au domicile des personnes à mobilités réduite ou très fragiles.
■ Pour les soins dentaires, le Bus social dentaire stationne à un rythme hebdomadaire sur Paris, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis. Planning sur busdentaire.fr.
■ La jeune société Epoca, créée par une gériatre et une infirmière anesthésiste, œuvre pour améliorer la vie du patient complexe, de ses aidants et de ses soignants. https ://epoca.health
Julie BOUCHER
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