Des chercheurs ont aujourd’hui utilisé une technique inédite pour apporter un nouvel éclairage sur la disparition prématurée du compositeur allemand Ludwig van Beethoven, le 26 mars 1827 : en analysant son ADN à partir de mèches de ses cheveux.
Une maladie du foie
Leur étude, publiée mercredi 22 mars 2023 dans la revue scientifique Current Biology, a révélé de fortes prédispositions génétiques aux maladies du foie, ainsi qu’une infection au virus de l’hépatite B à la fin de sa vie, deux facteurs ayant vraisemblablement contribué à sa mort, très certainement d’une cirrhose, aggravée par la consommation d’alcool. Mais ils n’ont malheureusement pas pu expliquer la cause de sa surdité progressive, qui causait tant de peine à l’auteur de la 9e Symphonie.
En 1802, le compositeur avait fait part de sa volonté, dans une lettre à ses frères rédigée dans un moment de désespoir, que sa maladie soit décrite après sa mort et rendue publique. « Nous avons cherché à répondre à ce souhait », a déclaré lors d’une conférence de presse Tristan Begg, chercheur à l’université de Cambridge et auteur principal de l’étude. Et même si le mystère perdure encore autour de certaines des nombreuses pathologies dont souffrait Beethoven, « nous avons été extrêmement chanceux (…) d’obtenir des résultats si fascinants », a déclaré Tristan Begg, à l’origine de ce projet démarré en 2014.
Cinq mèches
Jusqu’ici, les recherches sur la santé de Beethoven émanaient surtout de ses correspondances, son journal, des notes de ses médecins, ou encore d’un rapport d’autopsie. Cette fois, les scientifiques se sont penchés sur huit mèches de cheveux présentées comme appartenant à Beethoven, et issues de collections publiques ou privées. Ils ont déterminé que cinq d’entre elles provenaient d’un même individu masculin, avec des altérations montrant qu’elles dataient bien du début du 19e siècle.
Parmi ces cinq mèches, l’histoire de transmission depuis deux siècles est ininterrompue pour deux d’entre elles, et soutenue par une riche documentation. L’une a été offerte en 1826 par Beethoven lui-même à un ami musicien, et la seconde provient d’un ami de la famille ayant organisé ses funérailles – jusqu’à être vendue aux enchères en 2016. Ces cinq mèches, qui couvrent les sept dernières années de vie de Beethoven, sont de façon quasi-certaine authentiques, selon les chercheurs. Trois autres ont en revanche été disqualifiées, dont une qui avait été utilisée pour soutenir l’hypothèse d’une mort par intoxication au plomb, mais appartenant en fait à une femme.
Le séquençage de l’ADN a ensuite eu lieu en Allemagne, dans le laboratoire de l’Institut Max-Plank d’anthropologie à Leipzig, où sont habituellement plutôt étudiés des hommes préhistoriques. Contrairement à l’analyse d’os, « dans les cheveux, l’ADN est très dégradée« , a expliqué Johannes Krause, responsable du département de génétique de cet institut, et co-auteur de l’étude. « Il était difficile de récolter assez d’ADN pour assembler le génome. » Plusieurs mètres de cheveux ont été utilisés, et finalement, les trois-quarts du génome (l’ensemble des gènes d’un être vivant) ont pu être cartographiés.