En 2020, Lynda Lemay s’est lancée le pari fou de sortir 11 albums composés de 11 chansons et réalisés en 1111 jours. En février dernier, à l’occasion de la Saint-Valentin, la chanteuse a décidé de parler d’amour dans son septième album Entre la flamme et la suie. Avec générosité, l’artiste québécoise s’est confiée sur son grand défi et ses beaux projets à Gala.fr.
Lynda Lemay est bien plus qu’une chanteuse. Elle est une conteuse d’histoire. À travers quelques notes de guitare, des mots francs et sincères et sa douce voix, l’artiste de 56 ans transporte son public dans un monde poétique. Ce voyage mélodieux a pris une tout autre envergure en 2020. La pétillante Québécoise s’est lancée dans un projet titanesque : écrire 11 albums composés de 11 chansons et réalisés en 1.111 jours. Pourquoi ce chiffre 11 ? Simple superstition ou simple envie de partager ? La seconde réponse semble la plus judicieuse.
Pipelette et généreuse, Lynda Lemay met en chanson des blessures et les choses vraies de la vie. Mais par-dessus tout, l’interprète des Souliers verts aime parler d’amour, comme c’est le cas dans le septième album de sa série intitulé Entre la flamme et la suie, sorti en février dernier. Une odyssée musicale que l’auteure-compositrice est déterminée à apporter la note finale, en dépit de ses problèmes de santé liés à la maladie de la trompe d’Eustache. Pour Gala.fr, Lynda Lemay s’est confiée sur son défi artistique, son trouble auditif et ses beaux projets à venir. Une rencontre toute en bienveillance, en optimisme et en amour.
Gala.fr : Vous venez de sortir le septième album Entre la flamme et la suie issu de la série Il était onze fois qui parle d’amour. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
Lynda Lemay : Au début de ce grand projet de onze albums, je voulais onze catégories différentes. J’avais pensé à une thématique pour chaque album. Et puis finalement, j’ai décidé de tout mélanger sauf dans quelques cas, dont cet album. Comme on sortait ce septième disque à l’approche de la Saint-Valentin, j’ai voulu regrouper les chansons d’amour. D’habitude, je ne mets pas les chansons d’amour en vedette. J’aborde bien souvent des thèmes de société avec humour pour dédramatiser des choses qui ne sont pas drôles. L’amour arrive bien souvent en arrière-plan pour moi. Donc, j’ai profité de ce très grand projet pour m’exprimer sur l’amour. Je me suis dit que c’était une chance pour moi de montrer au public une autre facette de l’artiste que je suis et qu’il connaît moins.
Gala.fr : L’amour est-il l’un des thèmes qui vous touche tout particulièrement ?
Lynda Lemay : Je suis une amoureuse dans la vie. J’ai connu plein de belles histoires d’amour. Je ne suis pas en couple en ce moment donc ce n’est pas la raison de cet album (elle rit). Ça me rappelle plein de souvenirs. Ce sont des chansons que j’ai eu envie d’écrire parce qu’il y a des millions d’histoires d’amour à raconter. Je trouvais donc ça intéressant d’aller dans toutes sortes d’angles pour parler de ce sujet qui est très très large.
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Gala.fr : Au final, en amour, est-ce qu’on finit toujours par renaître de ses cendres ?
Lynda Lemay : On apprend beaucoup d’histoire en histoire. Souvent on pense qu’on est dans la plus belle histoire de notre vie, on s’aime toute la vie ou on passe à autre chose après deux-trois ans. Heureusement, il y a de belles histoires qui durent et j’ai connu ça avec mes parents. Ils se sont aimés et s’aiment encore d’un amour exemplaire, même si mon papa n’est plus là. Ils avaient une relation où ils vivaient tout dans le respect et la complicité. C’était magnifique. Ces histoires-là existent et ça laisse des souvenirs impérissables.
Gala.fr : Depuis 2020, vous êtes lancée dans le projet Il était onze fois, soit la réalisation de 11 albums de 11 chansons sortis en 1111 jours. Comment est née l’idée de ce défi fou ?
Lynda Lemay : C’était en 2017, j’étais assise dans un café à côté du collège où ma fille Ruby étudiait. J’ai eu un flash. Je me suis dit que je voulais faire quelque chose de grand. Je me sentais très inspirée. Je sentais que j’avais plein de choses à dire. Et comme je venais tout juste de perdre mon papa, j’ai réalisé que la vie pouvait basculer à tout moment. Comme j’étais en pleine santé et que j’avais l’envie d’écrire plein de chansons, je me suis dit qu’il fallait que je le fasse maintenant.
Gala.fr : Le chiffre 11 est-il un chiffre fétiche ou à l’origine d’une superstition ?
Lynda Lemay : C’est un hasard. Au début, le chiffre 11 était un chiffre comme les autres. Et lorsque j’ai eu ce déclic pour ce défi, j’avais le téléphone de ma fille dans la main. Elle avait mis une alarme et je ne le savais pas du tout. Ça a sonné à 11H11 et c’était marqué : ‘Make a wish’ (Fais un vœu, NDRL). Je l’ai perçu comme un signe. En même temps que j’étais en train de créer mon grand projet, je me suis dit que j’allais faire 11 albums de 11 chansons. Ça a donc été le point de départ de ce jeu qui ne cesse de se multiplier.
« La création est très thérapeutique »
Gala.fr : En 2017, vous perdiez votre papa à l’âge de 87 ans. Il avait une place très importante dans votre cœur. Son décès a-t-il aussi été un déclic dans le lancement de ce projet ?
Lynda Lemay : Oui car on a écrit des chansons ensemble. Enfin, j’écrivais les chansons et papa me lançait des tas d’idées de rimes. C’était quelque temps avant son décès. C’était l’un des rares moments que je passais avec mon papa seul à seul. D’habitude, on se voyait avec toute la famille, avec ma maman et mes sœurs. Or là, dans les derniers instants de sa vie, on se relayait à son chevet. C’était presque intimidant d’être seule avec papa même si nous étions très proches. Et là, face à sa mort, c’était assez particulier. Je me suis dit qu’il fallait que j’écrive sur ce moment-là pour dédramatiser cette mort à laquelle je devais faire face. Je me suis donc lancée dans la création, et lui, il me lançait des rimes que j’allais replacer dans les chansons. D’ailleurs, j’ai encore des petits textes dans mes cahiers où on voit son écriture. Il s’amusait à signer. Ces moments étaient aussi éprouvants que beaux et complices.
Gala.fr : Peut-on considérer ses albums comme un hommage à votre père ?
Lynda Lemay : Oui et je pense que ça va se préciser encore plus dans les derniers albums. Les thèmes principaux de ce grand projet étaient la fin de vie et le deuil. Ça peut paraître lourd comme ça mais ça fait partie de la vie. Dans les derniers albums, ça va se transformer en à un hommage à mon papa et à ma maman. En fait, il y a toute la philosophie de ma vie qui va être racontée dans ce projet qui dure trois ans. Je raconte toute une vie entière avec plusieurs vies : celle du monde qui m’entoure et la mienne.
Gala.fr : Une chanson est récurrente sur ces sept albums, il s’agit de Mon drame qui aborde la question du genre. Pourquoi la reprendre dans une nouvelle version et avec un homme différent ?
Lynda Lemay : Souvent, je me retrouve avec un texte et vingt compositions musicales. Un jour, je me suis dit que ça pourrait être intéressant de prendre un texte, d’en faire plusieurs versions et de créer un album avec ça. Après avoir fait deux musiques sur Mon drame, j’ai pensé qu’avec les onze albums ça serait peut-être l’occasion de mettre la même chanson sur chacun des albums. Je trouvais ça intéressant car, au final, la version finale qu’on propose n’est peut-être pas celle qu’aurait choisie le public. Les gens ont donc le choix de préférer une version ou une autre. Et comme cette chanson parle de transidentité, ça ne me dérangeait pas de le marteler. Je trouvais ça bien d’en parler à chacun des albums qui sortait. Et puis ajouter une voix masculine sur ma voix féminine, je trouvais ça génial pour imaginer le combat intérieur de la personne dans la chanson. Ce sujet n’est jamais vécu de la même façon par les chanteurs, c’est très personnel.
Gala.fr : Que ce soit le handicap, la perte d’un enfant, le racisme, l’infidélité, l’indépendance, l’homoparentalité, vous mettez en chanson les non-dits mais avec toujours une pointe d’humour. Y a-t-il ce besoin, en tant qu’artiste, de faire évoluer les mentalités ?
Lynda Lemay : Je pense que c’est avant tout un besoin de me faire évoluer. Ce n’est pas comme si j’avais le désir de faire changer le monde. Vous savez, dans mon écriture, c’est assez égoïste. Je le fais d’abord pour moi. J’essaye d’y voir clair. En fait, la création est très thérapeutique. Quand j’écris des chansons, j’essaye de comprendre une situation en la décortiquant avec la poésie. Ça me fait du bien. Et puis, au fil de ma carrière, j’ai connu un véritable succès avec ces textes qui sont très denses avec une poésie qui est singulière et des images très concrètes. Alors, j’essaye toujours de surprendre mon public avec de nouvelles histoires que je vais choisir de raconter sur scène.
Gala.fr : Vous enchaînez l’écriture et la sortie des albums, l’écriture pour vous est-elle thérapeutique, revigorante ou régénératrice ?
Lynda Lemay : L’écriture, c’est tout ça. C’est vraiment thérapeutique car ça nous aide à prendre des sujets qu’on n’a pas nécessairement envie de lancer dans une conversation parce que c’est lourd ou triste. Quand on transforme ça en poésie et en musique, tout semble plus léger. L’art est rassembleur. C’est vraiment extraordinaire pour partager des émotions.
« C’est un problème sournois »
Gala.fr : Ces dernières années, vous avez traversé de nombreuses épreuves. Récemment, le 27 octobre 2022, vous révéliez être atteinte de béance tubaire, une maladie rare qui touche la trompe d’Eustache. Comment s’est-elle manifestée ?
Lynda Lemay : C’est un problème sournois. En fait, je ne veux pas appeler ça « un problème » car c’est négatif. C’est plutôt un défi supplémentaire que j’ai quand je monte sur scène, même si c’est un peu handicapant. Il y a vraiment un travail à faire sur l’audition. Il faut savoir qu’avec la béance tubaire, notre voix résonne d’une façon un peu bizarre dans l’oreille. Mon ouïe est très bonne, je n’ai pas de surdité. Mais ce que j’entends dans ma tête, avec ma propre voix, ça fait bizarre. J’ai donc tendance à chanter différemment et plus fort parce que je vais déformer ce que j’entends pour pouvoir entendre ce que je veux entendre. C’est un petit peu compliqué mais au fil des années, je me suis habituée à vivre avec ça. Ce n’est pas non plus trop grave.
Gala.fr : Y a-t-il des traitements pour tenter de l’apaiser ?
Lynda Lemay : Non, c’est une habitude à prendre. Avant, je ne pensais jamais à la façon dont je chantais, si c’était juste ou autre. L’émotion était mon unique moteur. Aujourd’hui, c’est toujours le cas mais je dois prêter une attention plus particulière à ce que j’entends. Du coup, je suis un peu plus nerveuse quand je fais des directs. Je suis peut-être moins spontanée qu’avant. C’est un moindre mal car j’ai encore la chance de faire mon métier et des shows de trois heures. Ça n’a rien changé à tout ça, je suis même encore plus folle qu’avant (elle rit).
Gala.fr : Vous avez un rêve. C’est de chanter avec vos deux filles Jessie et Ruby. Partagent-elles cette passion pour la musique ?
Lynda Lemay : Les deux sont extrêmement passionnées par la musique. Elles sont hyper talentueuses, c’est impressionnant. Par exemple, ma grande fille Jessie compose des chansons. Elle joue de la guitare alors qu’elle n’a jamais appris à en faire. Pour elle, c’est comme naturel. Et ses chansons sont bonnes. Elle écrit en anglais, ce n’est pas comme sa mère (elle rit). Elle chante avec une voix très particulière, douce et juste. Je l’ai invitée à quelques reprises en studio pour les enregistrer. Je ne peux pas laisser mourir de telles chansons. Elle les fait écouter aux gens, ils sont impressionnés et après elle passe à autre chose. Pour le moment, elle vit sa passion. Quant à ma deuxième fille, Ruby, elle chante merveilleusement bien. Si j’avais le quart de la voix de ma jeune fille de 16 ans, j’aurais eu une carrière sur tous les continents (elle rit). Elle a vraiment un talent, c’est une artiste dans chaque parcelle de son être. Je ne sais pas quel chemin ça va prendre mais elle a clairement tous les talents pour réussir. On peut dire que dans un sens, j’ai concrétisé un rêve. Dans une de mes chansons, je souhaitais à mes deux filles d’être des passionnées. Et ça s’est réalisé. Mes deux filles le sont par la musique. Je suis très fière d’elles.
Gala.fr : Il y a un artiste qui vous a marqué dans votre carrière et même dans votre vie, c’est Charles Aznavour qui nous a quittés il y a quatre ans. Vous l’avez rencontré lors du Festival de Jazz de Montreux en 1996. Quels étaient vos rapports avec lui ?
Lynda Lemay : C’est tellement une belle histoire. Notre rencontre était un hasard. J’allais participer à un hommage à Charles Trenet au Festival de Jazz de Montreux. Je ne savais pas que Charles Aznavour allait être dans la salle. Je me suis retrouvée sur scène avec pleins d’artistes. On était tous assis sur scène et on allait chacun faire notre bout du spectacle. Là, je vois Charles Aznavour à côté de Charles Trenet. Je me souviens, j’étais assise à côté de Florent Pagny. Pendant le spectacle, je suis arrivée avec ma guitare et j’ai interprété La visite. Puis, à l’entracte du spectacle, je suis allée dans les loges des deux Charles. J’ai reçu leurs félicitations. Charles Aznavour a été charmé au point de s’impliquer dans ma carrière. Dès qu’il est venu au Québec, quelques mois plus tard, je suis allée sur scène avec lui. Il m’a tout de suite encouragé. Ça a été un genre de coup de foudre. Il venait me voir et disait ouvertement qu’il aimait les chansons que j’écrivais. On ne peut pas avoir de plus belle claque dans le dos quand on est une jeune auteure-compositrice-interprète.
Gala.fr : Depuis plus de trente ans, vous vous êtes fait une place particulière dans le cœur des Français. Ils vous ont quasiment adopté. Vous attendez-vous à un tel succès ?
Lynda Lemay : Jamais ! Je n’avais pas d’ambition tout court (elle rit). Je me contentais très bien du petit bonheur que j’avais autour de moi. Mes rêves se sont toujours concrétisés avant même que je ne les formule. Lors de ma troisième participation au Festival international de la chanson de Granby, j’ai remporté le prix auteure-compositrice-interprète et des voyages en France. C’est là que j’ai découvert qu’il y avait un public pour moi. Je me rappellerai toujours d’un concert à Saint-Malo en 1991. Je faisais la première partie de Claude Léveillée, un grand artiste de chez nous, j’étais une parfaite inconnue. Après le spectacle, c’était fou la réaction des gens. Ils riaient, ils pleuraient, ils tapaient dans l’estrade. Je n’avais jamais connu un tel succès. J’étais contente de savoir que j’avais un public pour moi en France.
Gala.fr : Quels sont vos projets ?
Lynda Lemay : J’ai beaucoup de pain sur la planche (elle rit). Il reste quatre albums à livrer avant la fin de l’été si je veux qu’ils sortent pour l’automne. Les albums huit et neuf sont prévus pour le mois de juin. Il faut que je les finalise. Il y a encore beaucoup d’étapes : l’écriture, l’enregistrement et l’orchestration. Au fil du travail, il m’arrive même d’avoir des idées de chansons. Donc je remplace les anciennes par des plus récentes qui sont souvent mes préférées. Je suis toujours en création et je le serai jusqu’à la fin du projet. Il y a aussi un film en production. On avait mis en image chaque chanson du premier des onze albums. Toutes les chansons sont comme des petits clips dans lesquels on retrouve des personnages. Ça raconte une histoire encore plus large. Pour le moment, je garde ça pour après. Et puis, il y aura mon 64ème Olympia, le 18 décembre 2023. C’est là qu’on va fêter la fin de ce grand projet. Ça voudra dire que j’ai réussi le plus grand projet probablement de ma vie.
Crédits photos : Sébastien Saint-Jean
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