Laurence Cottet, 61 ans, est abstinente depuis 14 ans. Dans son livre*, elle évoque son parcours et sa méthode pour briser le cercle de l’alcoolisme.

L’alcoolisme côté chiffres : 15 % des femmes de 18 à 75 ans boivent régulièrement de l’alcool. Par ailleurs, on dénombre chaque année 11 000 décès imputables à l’alcool chez les femmes. Source : Baromètre de Santé publique France, 2020.

Pour vous, la plongée dans la maladie démarre à l’âge de 35 ans, après la mort précoce de votre mari…

À cette époque, j’étais déjà dans les excès d’alcool. Mon deuil a été très éprouvant.

Je me suis enfermée dans la solitude. Pierre, amateur de bon vin, m’avait laissé une très belle cave. J’ai consommé les 300 bouteilles dans l’année, sans me rendre compte que j’avais sombré dans l’alcoolodépendance. L’alcool est devenu un psychotrope.

Il faut faire la différence entre les alcoolodépendants et les gros buveurs. Dans le premier cas, on est constamment obsédé par l’alcool. On est dans la zone rouge. Quant aux gros buveurs, ils sont dans l’excès et peuvent boire quotidiennement de 5 à 6 verres, mais pas forcément chaque jour. Ils sont dans la zone grise. Certains présentent des facteurs de risque (fragilité psychique, événements de vie difficiles…) qui peuvent les faire basculer dans la zone rouge.

En 2009, vous êtes cadre supérieure dans un grand groupe industriel. Le 24 janvier, vous chutez dans tous les sens du terme. Dans quelles circonstances ?

On m’a obligée à participer à la cérémonie des vœux, malgré le risque que cela représentait pour moi. Je me suis écroulée, ivre morte. J’ai touché le fond.

J’ai ressenti de la honte. J’ai perdu mon emploi. Mais cela a provoqué un déclic. Je pense aujourd’hui qu’il s’agit du plus beau jour de ma vie ! Après une succession de belles rencontres, je n’ai plus bu une seule goutte d’alcool depuis ce jour-là. Je me suis arrêtée à temps : mon corps n’était pas abîmé. Je devais profiter de cette énorme chance.

• Le regard de la société sur les femmes alcoolodépendantes est-il impitoyable ?

Oui. Elles sont perçues comme des filles faciles, des débauchées, des ivrognes… Elles vivent dans la honte et se cachent le plus possible. À un certain moment, leur corps lâche et elles craquent.

Lorsque je travaillais pour ce groupe, j’avais un poste à responsabilités. Certains hommes ont tenté de profiter de ma vulnérabilité. J’ai été harcelée sexuellement. Ces souffrances m’ont d’ailleurs conduite à amplifier ma consommation d’alcool.

• Quelles sont les thérapies qui vous ont conduite sur le chemin de l’abstinence ?

J’ai été suivie par un médecin addictologue, qui m’a dit qu’il pouvait me guérir. Au début, je le voyais quasiment chaque jour. Je pouvais aussi le joindre par téléphone. Le sevrage physique s’est bien passé.

Pour autant, je n’étais pas sortie du cercle des addictions : je suis tombée dans la boulimie et cela a duré quatre ans. Puis, en 2011, Marie-Diane, ma petite sœur, qui avait subi de graves traumatismes dans son enfance, s’est suicidée. J’ai démarré une psychothérapie avec une psychiatre addictologue, avec qui j’ai travaillé sur les racines de mon mal-être.

• En quoi consiste la méthode H3D que vous avez élaborée ?

Je l’ai créée à partir de ma propre expérience et du protocole des Alcooliques anonymes. Elle comprend des outils issus des thérapies cognitives et comportementales. Les trois H correspondent à Honte (ne jamais avoir honte de boire de l’alcool), Honnêteté (être honnête sur la quantité d’alcool consommée) et Humilité (avoir l’humilité de demander de l’aide car il est rare de s’en sortir seul de façon durable). Puis, on enclenche les trois étapes du parcours de soins.

La première est le sevrage physique et psychologique. En clair, vous devez évacuer la bouteille d’alcool de votre corps et votre cerveau. La deuxième est la psychothérapie, fondamentale pour éviter la rechute. La troisième étape est celle de la reconstruction, du Désir (le D de H3D). On donne du sens à cette nouvelle vie sans alcool. De mon côté, j’ai choisi d’aider les personnes alcooliques. J’ai passé un DU en pratiques addictives et un DU en éducation thérapeutique. Beaucoup d’entreprises me sollicitaient pour expliquer mon parcours aux salariés. J’ai créé une société de conseil en addictologie.

• Vous êtes abstinente depuis 14 ans. Qu’est-ce qui vous aide à tenir ?

Je suis revenue à l’essentiel : méditer, bien dormir… Face au chaos du monde, j’ai besoin de me reconnecter à la nature et au silence. Je pars marcher avec mes trois petits chiens en forêt.

Je me protège du stress. Je fuis les personnes qui me font du mal. Certes, je suis détachée de l’alcool. Mais on ne guérit pas de cette maladie. Il faut rester vigilant et veiller à ne jamais se laisser tenter. Heureusement, j’ai quelques amis proches qui me connaissent par cœur.

Et je pense toujours à ma sœur adorée. Elle est là, elle m’aide et me chuchote « continue Laurence, fais-le pour moi ».

Sites utiles : addictions-france.orgalcool-info-service.frjanviersobre.fr

À lire…

* Non ! j’ai arrêté, Laurence Cottet (InterEditions)

ÉGLANTINE GRIGIS

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