À Cagnes-sur-Mer, un petit musée raconte les dernières années du peintre. Avec ses toiles originales, ses sculptures méconnues, son mobilier du siècle dernier et son atelier rustique, il témoigne de l’univers du maître de l’impressionnisme.
C’est dans le magnifique domaine des Collettes à Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, planté d’oliviers et d’agrumes, qu’Auguste Renoir a passé les onze dernières années de sa vie, fasciné par cette lumière du sud et soignant sa polyarthrite. Célèbre peintre du début du siècle dernier ayant achevé près de 4 000 toiles – principalement des portraits et des nus, commandes de la haute bourgeoisie –, il s’y installe en 1908 et y restera jusqu’à sa mort en 1919.
Lieu de création
En franchissant la porte du domaine, les 45 000 visiteurs annuels découvrent la confortable maison que le maître s’est fait construire par l’architecte niçois Jules Febvre, mais aussi quatorze de ses toiles originales illustrant sa période cagnoise, ainsi que nombre de ses sculptures. « Renoir pensait que la peinture était plus belle dans le pays où on l’a peinte », soulignait son deuxième fils, le célèbre réalisateur Jean Renoir.
Ses pinceaux, ses palettes utilisées et ses toiles sur les Collettes sont à découvrir dans son atelier et sa maison. C’est dans cette atmosphère propice à la création que l’artiste a réalisé Les Baigneuses – quelque 720 tableaux ont été trouvés dans son atelier. Entre les oliviers, orangers, pins parasols et la roseraie, la demeure de Renoir offre un horizon panoramique allant du cap d’Antibes au village médiéval de Haut-de-Cagnes.
3 questions à Emeric Pinkowicz, Conservateur du musée
France Dimanche : Qu’est-ce qui est le plus étonnant dans ce musée ?
Emeric Pinkowicz : Le rez-de-jardin est consacré à la sculpture. Le grand public connaît peu les sculptures de Renoir et son travail effectué en collaboration avec Guino : une vingtaine d’œuvres en plâtre, bronze et marbre sont admirées ici. Renoir sculpte des têtes de son dernier-né Claude, mais aussi des bustes de son épouse Aline, qui meurt en 1915. Ces œuvres intimes ont été réalisées après la mort de son épouse et sont un vibrant hommage à celle qu’il avait rencontrée à Paris en 1870.
FD : À partir de 1908, le peintre s’installe en famille dans ce domaine des Collettes. Pourquoi choisit-il ce coin de Provence ?
EP : Comme il souffre d’une polyarthrite rhumatoïde qui déforme ses articulations et le fait souffrir, il vient régulièrement à Cagnes-sur-Mer pendant les mois d’hiver qui sont plus doux. Il aime ce village bâti sur un éperon rocheux, les oliviers séculaires qui l’entourent, la lumière du Midi qui l’enveloppe. Quand il s’installe ici avec sa femme, ses trois fils (Pierre, Jean et Claude), il a la soixantaine. Il a réussi à Paris, il est mondialement connu et il est à l’aise financièrement. Puisqu’il ne dépend plus des commandes de la haute bourgeoisie pour vivre, il peut peindre les paysages qu’il aime, les portraits de ses proches et de ses amis qui viennent en villégiature. À Cagnes, il a peint 700 tableaux dont 14 sont encore là. Pour lui, c’est la période de l’épanouissement.
FD : Il souffrait tellement qu’il était obligé de peindre avec un pinceau attaché à sa main. C’est exact ?
EP : Non, en fait, c’est faux. Renoir avait certes les doigts bandés (on le voit sur plusieurs photos d’époque, ce qui a conduit à une mauvaise interprétation) pour les protéger du frottement, mais il tenait bien le pinceau de sa main. Pour les sculptures, il réalisait les dessins mais, à la fin de sa vie, il ne pouvait plus modeler et travaillait donc « à quatre mains » avec Richard Guino, un sculpteur catalan.
Carnet pratique
Y aller : Domaine des Collettes, 19 chemin des Collettes, 06800 Cagnes-sur-Mer ; Tél. : 04 93 20 61 07 ou [email protected]
Tarifs : 6 € / adulte. Groupe à partir de 10 visiteurs : 4 € / pers. Gratuité : moins de 26 ans, Cagnois, professionnels des musées et du tourisme.
LE JARDIN “REFUGE DES OISEAUX”
Labellisé « Refuge des oiseaux » par la Ligue de protection des oiseaux, le jardin de deux hectares est un espace naturel entretenu sans pesticides où vit et prospère une faune remarquable : des faucons, fauvettes et autres mésanges, sans oublier d’étonnants papillons. On peut aussi y admirer les oliviers du domaine (150 au total taillés « en nuage »), tous plusieurs fois centenaires et auxquels le peintre attachait une attention particulière.
Le jardin potager a été réhabilité en 2019 et ses légumes sont ramassés chaque semaine, agrémentant les repas de l’école primaire et de la maison de retraite locales.
Alicia COMET
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