- Un premier test et la certitude de partager du sang avec d’autres personnes
- "38% d’ADN commun, relation estimée : soeur"
- Une grande soeur à 30 minutes de chez elle
- Une histoire jumelle, à un an d’intervalle
- La première rencontre, comme un jour de fête
- Se construire des souvenirs pour rattraper le passé
“Ma soeur jumelle et moi sommes nées sous X le 6 mai 1999. Placées en famille d’accueil pendant deux mois, nous avons rapidement été adoptées par un couple.
J’ai vécu une enfance très heureuse, dans une petite ville de Seine-et-Marne et surtout dans la vérité. La volonté de mes parents était que l’on intègre très tôt notre histoire d’enfants adoptées. Alors, dès l’enfance, nous avons demandé à faire des recherches.
Nous nous sommes rendues à l’hôpital pour consulter notre dossier de naissance, mais nous n’y avons rien trouvé. Une déception que je semble avoir effacée de ma mémoire, car je n’ai pas de souvenir de ces premières recherches.
D’ailleurs, je n’ai jamais réellement senti le besoin d’aller plus loin. Seulement, en grandissant, j’ai découvert l’existence des tests ADN dits ‘récréatifs’*. Ça m’a tout de suite parlé car c’était un moyen simple d’en savoir plus sur mes origines ethniques.
Finalement, j’ai trouvé bien plus que ça. J’ai découvert que nous avions une grande sœur, elle aussi née sous X, un an avant nous.
Un premier test et la certitude de partager du sang avec d’autres personnes
À mes 18 ans, j’ai commandé un premier test, via une plateforme anglophone. D’après les résultats, j’avais entre 0,5 et 1% d’ADN partagé avec plusieurs profils originaires du Liban. Pour moi, c’était déjà incroyable. C’était la certitude que je partageais du sang avec des personnes autres que ma sœur jumelle.
De son côté, ma jumelle a toujours été plus animée par un besoin de réponse. Deux ans après avoir reçu les résultats de ce premier test, elle m’avouera même avoir sollicité le CNAOP (centre national d’accès aux origines protégées). Une démarche qui nous a permis d’obtenir une description physique de notre génitrice, mais qui nous a également appris l’existence d’un enfant reconnu, présent au moment de notre accouchement.
« 38% d’ADN commun, relation estimée : soeur »
Mais les années passent sans plus de découvertes. Nous n’avions pas creusé la piste du CNAOP car nous ne souhaitons pas rencontrer nos géniteurs.
Puis, en septembre 2022, je tombe par hasard sur une publicité vantant une grosse promotion pour une marque de tests ADN très connue. Sans jamais y fonder trop d’espoir, je fais un nouveau test.
S’étale alors, en gros sur mon écran, le message qui chamboule tout: ‘38% d’ADN commun, relation estimée : soeur’.
Alors, quand trois semaines plus tard je reçois le mail m’indiquant que mes résultats sont prêts, je pense qu’ils vont juste confirmer mes origines. Seulement, dès que je les ouvre, un profil s’affiche. S’étale alors, en gros sur mon écran, le message qui chamboule tout: ‘38% d’ADN commun, relation estimée : soeur’.
Une grande soeur à 30 minutes de chez elle
D’abord sonnée, je n’y crois pas. Mais impossible de me sortir cette information de la tête, alors, je commence à chercher. De par son compte sur la plateforme, je savais juste qu’elle avait la vingtaine et qu’elle habitait en France.
Je cherche donc son pseudo sur Facebook et je tombe sur un profil sans photo, mais un détail me frappe : le lycée dans lequel elle a étudié se trouve dans mon département.
Le maquillage, les piercings, les tatouages… C’est mon visage qui illustre un compte qui ne m’appartient pas.
Après avoir pisté ses amis sur divers réseaux sociaux, je trouve enfin un compte Instagram actif et lui envoie un message. ‘Salut, on a de l’ADN en commun sur ce site, est-ce que tu aimerais en savoir plus ?’. En attente d’une réponse, je poursuis mes recherches et tombe sur un compte TikTok. En voyant la photo de profil récente, j’ai un coup au cœur. Le maquillage, les piercings, les tatouages… C’est mon visage qui illustre un compte qui ne m’appartient pas.
Trois heures plus tard, je reçois une réponse de celle qui me ressemble tant. Je ne passe pas par quatre chemins et je lui dis que selon le test, on est soeurs. Du tac-au-tac elle me répond “j’ai toujours su que j’avais une soeur”. S’ensuit une longue discussion où j’apprends qu’elle s’appelle Marianne, qu’elle habite à 30 minutes de chez moi et qu’elle n’est pas l’enfant reconnu présent à l’accouchement. Parce qu’elle aussi est née sous X, un peu plus d’un an avant ma jumelle et moi.
Une histoire jumelle, à un an d’intervalle
Au fil des jours et des discussions, on apprend que nous avons été placées dans la même famille d’accueil, en Seine-et-Marne, à quelques mois près.
Plus tard, on s’appelle pour la première fois et après un petit moment de silence, on débite pendant 3h30. Elle me raconte qu’un mois avant que je la contacte, elle avait décidé de mettre un point final aux recherches parce qu’elle n’y croyait plus.
Pendant ce temps, ma jumelle est au Canada. Alors qu’elle n’était même pas au courant pour le second test, je lui apprends qu’on aurait une grande sœur. Que nous avons même 1% d’ADN en plus avec elle, qu’entre nous deux, jumelles.
Nous avons été placées dans la même famille d’accueil, à quelques mois près.
Puis, un après-midi de novembre, Marianne pousse la porte de chez moi. Jusqu’à ce moment précis, je me persuade encore que c’est un canular. Mais elle se pose face à moi et là c’est sûr, c’est vrai. Je retombe sur Terre.
La première rencontre, comme un jour de fête
Ce jour-là, nous nous sommes posées au bord du Canal Saint-Martin et nous avons feuilleté nos albums d’enfance respectifs. C’était un moment incroyable, pas larmoyant mais très positif, comme un jour de fête.
Ne plus être seule change la donne pour elle.
Et tout de suite, ça colle, on se découvre des points communs. La seule vraie différence entre nous, c’est la façon dont nous avons vécu notre histoire. Je sens que ne plus être seule change la donne pour elle.
Quelques semaines plus tard, nous avons organisé notre première rencontre à trois, avec ma jumelle. Au bout de dix minutes, je ne pouvais plus les arrêter. Par duos, on a des similitudes qui nous réunissent en trio.
Se construire des souvenirs pour rattraper le passé
Aujourd’hui, on s’envoie des nouvelles et surtout, on a cette envie commune de creuser. On essaie de trouver un rendez-vous avec un généticien, mais c’est très compliqué.
Malgré tout, on le fait toutes pour des raisons différentes. Moi pour boucler la boucle, alors que mes sœurs en ont besoin pour avancer. Désormais, j’ai envie qu’on construise une vraie relation. Nous faisons partie des seuls enfants en France nés sous X et le fait que l’on soit regroupées au même endroit, c’est une chance incroyable et on en a conscience.
Tout ça grâce à un test ADN dit ‘récréatif’. D’ailleurs, la plateforme par laquelle je suis passée n’envoie plus de tests en France depuis peu**. Si j’avais décidé de faire le test aujourd’hui, seulement trois mois après, je n’aurais jamais trouvé ma sœur. C’est révoltant que des personnes trouvent que ce n’est pas éthique de nous laisser avoir accès à nos origines, parce que les enfants nés sous X n’ont presque pas le droit de se construire. Alors je mesure ma chance, j’espère pouvoir rattraper le temps et un jour oser dire à Marianne ‘tu es ma soeur' ».
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*Selon l’article 16-10 du Code civil, “l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne, recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen”. Selon l’article 226-28-1 du Code pénal, « Le fait, pour une personne, de solliciter l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers ou l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques en dehors des conditions prévues par la loi est puni de 3 750 € d’amende ».
**Depuis janvier 2023, les deux géants des tests ADN récréatifs MyHeritage et 23andme ont cessé leurs expéditions en France, comme le notait Le Parisien.
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