Ancré dans le passé lointain d’un rite païen, Traces invite à travers son intrigue criminelle à une réflexion sur la pérennité des instincts ancestraux sous le glacis de la civilisation et de la sociabilité. Sur les écrans mercredi 8 février, Traces illustre la vitalité d’un cinéma portugais dont on n’a que trop rarement des nouvelles.
Inquiétante étrangeté
Lors d’une fête de village aux réminiscences païennes, le jeune Leaucarno est grièvement blessé par trois de ses compagnons. Vingt-cinq ans plus tard, il en subit toujours les conséquences et vit en marginal à l’orée de la communauté. Lors de nouvelles festivités, un drame va faire remonter à la surface ce passé douloureux, avec des conséquences tragiques.
Premier des trois longs métrages de Tiago Guedes à être projeté en France, Traces révèle un auteur-réalisateur de premier plan. L’exigence du scénario, la richesse des personnages, l’atmosphère rural de ce village reculé, et la beauté des images, participent d’un film à l’inquiétante étrangeté, aux limites du fantastique.
Regarder le passé en face
Le village où se déroule l’action est sous l’emprise d’un vent continuel qui alimente des éoliennes électriques. Cette touche de modernité dans un environnement qui semble hors du temps, souligne la persistance du passé. Tiago Guedes s’interroge sur la continuelle violence qui anime les hommes, dans leur quête de pouvoir et d’asservissement des plus faibles. Ces derniers sont personnifiés par Leaucarno, devenu le fou du village, et dont la différence fait peur. De la peur naît la colère et de la colère, la violence.
Tiago Guedes traite son sujet avec profondeur dans un film qui prend son temps. Il envoûte avec ses paysages bucoliques, privilégiant de beaux cadres fixes et des plans séquence où domine une lumière tour à tour dorée ou froide. L’interprétation n’en est que plus valorisée, aboutissant à un bel équilibre entre le texte, les acteurs, et la mise en scène. Dans son intrigue et son action, Traces dénonce le refus de regarder le passé en face, de l’analyser pour l’exorciser. Tiago Guedes en déduit une répétition inexorable des actes, faute de prendre conscience des leçons de l’histoire.