Matmatah s’est fait connaître il y a plus de 25 ans avec un rock français mâtiné d’influences bretonnes à une époque où le rock celtique vivait un regain d’intérêt notoire. Après une séparation en 2008 et une reformation fin 2016 avec l’album Plates coutures et une tournée à succès, le groupe brestois s’est retrouvé, comme beaucoup d’artistes, stoppé net dans sa lancée en 2020. Le confinement a poussé les musiciens à travailler différemment. Chacun a écrit et composé de son côté, avant de mettre en commun des idées qui pouvaient sembler de prime abord hétérogènes. En juin 2021 sort le single Bet You And I aux accents très pop avec ses harmonies vocales à la Beach Boys.
Les nouvelles compositions affluent et Matmatah doit se rendre à l’évidence : le prochain album sera double, le premier de leur discographie. Quatorze titres qui finalement s’avèrent très bien cohabiter ensemble malgré leur création disséminée dans le temps et dans l’espace. Miscellanées Bissextiles est un patchwork à la base hétéroclite, mais il offre justement un panel des diverses influences du groupe.
Un style épique…
Dès l’ouverture, Matmatah choisit de surprendre avec Erlenmeyer, véritable petite symphonie rock qui navigue entre slam et pop atmosphérique. À l’époque du vinyle, cette pièce de 19 minutes aurait occupé l’intégralité de la première face, un procédé qu’on retrouvait souvent dans le rock progressif, genre auquel Matmatah semble rendre hommage sur ce premier morceau. C’est d’ailleurs un style qui transpire à plusieurs reprises dans l’album, notamment sur Hypnagogia, longue progression qui démarre par des airs très Beatles, avant un final empreint de lyrisme dramatique.
Les morceaux longs ne sont pas la majorité, mais on trouve aussi Trenkenn Fisel qui avoisine les 8 minutes. Un autre titre épique, entièrement instrumental, qui enchaîne blues pesant et ritournelle celtique. Du rock dans la veine seventies mais avec des couleurs bretonnes, style qui a fait le succès de Matmatah.
… qui n’oublie pas les racines bretonnes
Même si dès son deuxième album Rebelote (2001), le groupe a voulu se démarquer de son image de « rock breton » en revendiquant des influences telles Led Zeppelin et autres références du genre, les musiciens de Matmatah sont toujours revenus régulièrement à leurs racines. Et Miscellanées Bissextiles n’échappe pas à la règle. Outre Trenkenn Fisel dont le titre évoque une danse bretonne de la famille des gavottes, Le rhume des foins tourne autour d’un leitmotiv à la guitare typiquement celtique, ce qui ne l’empêche pas pour autant de verser dans le rock énergique. Quant à la ville de Brest d’où est originaire le groupe, une chanson lui rend directement hommage. C’est le single Brest-même, sorti en novembre.
Mais la mélancolie brestoise inhérente à son crachin sait aussi laisser la place à des chansons plus légères. À partir du deuxième morceau, Matmatah nous embarque dans une toute autre ambiance qui tranche avec le premier titre. Populaire fustige la tendance actuelle à sacraliser la vindicte du peuple, se substituant trop souvent à la justice. La musique flotte façon mode ballade country-pop avec piano honkytonk et refrain entraînant. Plusieurs titres sont aussi sur ce mode sarcastique, comme par exemple La posologie qui avoue la prise de substances illicites, SklogW parsemé d’expressions surannées, ou Coupette ? qui ironise sur les soirées mondaines. Et ce dernier morceau de l’album glisse une petite citation musicale en déformant le riff de No Surprises de Radiohead. Matmatah connaît visiblement ses classiques et sait sonner aussi bien comme Bowie sur Let’s Say It’s Alright qu’en pur rock’n’roll dans Fière Allure.
Du rock, parfois breton mais pas uniquement, des bons mots avec de l’humour ou de la nostalgie, et des références musicales qui ne déplairont pas aux amateurs de hard-rock progressif des années 70. Avec Miscellanées Bissextiles, Matmatah revient en force. Un double album riche et dense que le groupe va jouer sur scène dès le 3 mars, en débutant sa tournée comme il se doit à Brest pour un concert qui affiche d’ores et déjà complet, à l’instar de bien d’autres. Toutes les dates sur le site officiel.