- Par toutatis ! Ce mercredi, les aventures de nos Gaulois préférés reviennent en salle. Astérix et Obélix rejoignent cette fois L’Empire du milieu.
- Un brin stressé lors de la promotion du film, son réalisateur Guillaume Canet a expliqué que si son film ne marchait pas (avec un budget de 65 millions d’euros), il n’y aurait « plus un financier qui allait mettre de l’argent dans les films ».
- Mais peut-on pour autant enterrer le cinéma français ? 20 Minutes a interrogé plusieurs chercheurs spécialisés dans le cinéma.
Un cinquième opus, un casting hors-norme et un budget de 65 millions d’euros. Avec son casting hors-norme et son budget de 65 millions d’euros, Guillaume Canet escompte bien conquérir toute la Gaule avec Astérix et Obélix, l’Empire du milieu, en salle ce mercredi. Mais comme Alea n’est pas encore jacta, le réalisateur est sur tous les fronts de la promo. D’interview en interview, l’acteur de 49 ans a envoyé de nombreuses piques à l’industrie actuelle du cinéma, notamment au micro de Léa Salamé sur les ondes de France Inter.
« Si un film comme ça ne marche pas, il n’y a plus un financier qui va mettre de l’argent dans les films. »
« Astérix & Obélix : L’Empire du milieu », les suites du scandale des Ehpad Orpéa et la prévention des rixes chez les jeunes : c’était #le7930inter du 25 janvier. pic.twitter.com/UI9MloVLbG
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Tentant d’exprimer ses peurs à quelques jours de la sortie de son film, Guillaume Canet a expliqué que le cinéma allait mieux depuis la fin de la crise sanitaire, mais restait très fragile. « Un film comme ça, il est beaucoup attendu par le métier. Ils sont très sympathiques avec moi, ils savent que si ce film-là ne marche pas, il n’y en aura pas forcément beaucoup d’autres aujourd’hui en France ». En somme, si vous n’allez pas voir le film de Guillaume, le cinéma français va caner.
La pression financière
Une sortie pour le moins maladroite. « Il faut laisser le temps au spectateur de reprendre l’habitude de sortir en salle, explique Stéphanie Pourquier-Jacquin, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Les gens y retournent mais souvent cela se fait par les petites salles, avec une approche plus personnelle. Nous sommes dans une période de crise, donc la démarche d’aller au cinéma est peut-être moins évidente ». La spécialiste met également en avant un contexte économique difficile. Une place de cinéma reste une dépense considérable pour de nombreux Français en pleine année marquée par l’inflation.
Au-delà de sa maladresse, la crainte de Guillaume Canet est-elle légitime ? « C’est compliqué – et il le dit à demi-mot – pour une grosse production qui sort en 2023 après des mastodontes comme Top Gun et Avatar. Avec cette sortie médiatique, il met en avant la pression qui pèse sur tout le cinéma français », souligne Stéphanie Pourquier-Jacquin.
Pour autant, les acteurs de l’industrie sont moins pessimistes que le discours habituel entendu dans les médias, compare Chloé Delaporte, maîtresse de conférences spécialisée en économie du cinéma à l’Université Paul-Valéry de Montpellier. « Dans les discours, nous entendons que tout le monde va mourir, que c’est la fin du cinéma, que les plateformes ont tout tué et que c’est atroce. Mais quand on regarde les indicateurs socio-économiques, on a des bons chiffres de fréquentation pour l’année 2022 ». En effet, début janvier, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) annonçait 152 millions d’entrées pour l’année précédente, remarquant même « un fort rebond ».
« La mort du cinéma, une tarte à la crème »
« La mort du cinéma, ça fait un siècle qu’on l’annonce. C’est la tarte à la crème. Y a-t-il un avenir pour le cinéma ? La réponse est évidemment oui. À quel niveau ? C’est inconnu encore aujourd’hui », explique Claude Forest, enseignant-chercheur en économie et sociologie du cinéma à la Sorbonne Paris-3. « Des crises du cinéma, il y en a tout le temps, c’est cyclique », corrobore Chloé Delaporte. Plusieurs facteurs peuvent motiver cette annonce : la sortie de grands succès américains, l’arrivée de la télévision ou plus tard – et nous y reviendrons – celle des plateformes de streaming.
Pour l’économiste spécialiste du cinéma Claude Forest, il faut également distinguer la posture du réalisateur de la réalité des sentiments. « C’est un peu le fonds de commerce des artistes de se plaindre, ce n’est pas le seul ». Après avoir aligné 65 millions d’euros de budget pour les nouvelles aventures d’Astérix, Guillaume Canet a certainement une peur : celle de ne jamais rentabiliser son film. « C’est un budget hors-norme et les enjeux pour la production sont très importants pour amortir le budget avec des millions d’entrées », admet-il.
La peur du réalisateur est rationnelle, selon Julie Escurignan, enseignante-chercheure à l’EMLV. « Sur une franchise grand public, si ça ne marche pas en France, nous pouvons estimer que des films plus de niche ou d’auteur ne vont pas fonctionner et ne vont alors plus avoir de subvention, c’est compréhensible. Si un blockbuster ne fonctionne pas, comment espérer que des films à plus petits budgets puissent fonctionner ? », interroge-t-elle.
Plateformes et cinéma, des usages complémentaires
Les spécialistes de l’économie du cinéma interrogés par 20 Minutes ne comprennent pas vraiment les propos de Guillaume Canet. « Quand il évoque que « plus jamais on ne produira film français », ça me dérange un peu. Il y a des films et séries françaises qui fonctionnent bien sur les plateformes ! », fustige Julie Escurignan.
Mais d’ailleurs ne faudrait-il pas abandonner une bonne fois pour toutes l’opposition constante entre salles de cinéma et plateforme de streaming ? C’est la question que se pose la chercheuse. « Ces plateformes permettent aussi au public d’accéder à des films dont il n’aurait jamais entendu parler. Oui, ce n’est pas le cinéma mais c’est une évolution des manières de consommer l’audiovisuel et ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas la possibilité de faire quelque chose comme ça sur une plateforme comme Netflix. »
Même constat pour l’universitaire Claude Forest. Les plateformes ne se substituent en aucun cas aux salles de cinéma, mais sont plutôt complémentaires aussi bien pour le spectateur que pour l’écosystème et son financement. Il se pourrait même bien que les plateformes et le cinéma partagent le même public, souligne Chloé Delaporte.
Une vie après la salle
Une observation que rejoint Stéphanie Pourquier-Jacquin. La vie d’un film ne peut désormais plus se mesurer sur son existence en salle et dure bien plus longtemps. Par exemple, ce lundi soir, le film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre était rediffusé pour la 156e fois à la télévision. Jackpot pour la chaîne TF1 qui se plaçait en tête des audiences avec près de 5 millions de téléspectateurs. « Ça montre bien que c’est un succès long terme. C’est donc très difficile de mesurer un succès uniquement sur les entrées en salles », souligne Stéphanie Pourquier-Jacquier.
Guillaume Canet peut donc respirer, le cinéma ne risque pas de s’effondrer demain. Quant à son film, il y a de fortes chances que le casting et l’intérêt pour la saga Astérix attirent de nombreux spectateurs. « Ce type de film est rassurant en période de crise et relève un peu de la nostalgie car cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de film Astérix, conclut Stéphanie Pourquier-Jacquin. La franchise Astérix a vraiment un coté rassurant et madeleine de Proust pour le public. »
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